Intervention de Philippe Bonnecarrere

Mission d'information Judiciarisation — Réunion du 22 février 2022 à 14h50
Audition de M. Jean-Claude Bonichot conseiller d'état juge français à la cour de justice de l'union européenne

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere, rapporteur :

Vous aviez bien compris la question sous-jacente : qui a le dernier mot ?

Après le dialogue entre les juges, je souhaite évoquer le dialogue entre les juges et la société - en particulier les juges et le Parlement. Quelle pourrait être, à votre sens, l'action d'un Parlement national à cet égard ? Des dispositions constitutionnelles nous confient le contrôle de subsidiarité et de proportionnalité. Considérez-vous que ce contrôle de subsidiarité comprend le contrôle des compétences, qui consiste à vérifier si la Commission est intervenue dans un domaine qui relève des compétences de l'Union ?

Dans une décision d'une infinie subtilité, à la suite de l'arrêt Quadrature du Net de la CJUE, le Conseil d'État ne s'était pas donné la compétence de contrôler si le niveau européen agissait, ou non, ultra vires. Dans ce cas, qui, au niveau national, peut exercer ce contrôle ? Si c'est, au contraire, une prérogative exclusive de la CJUE, lui est-il arrivé d'estimer que l'Union européenne agissait ultra vires, ou a-t-elle toujours considéré, dans la logique des promesses de la construction européenne, que la Commission était restée dans le cadre des traités ?

L'article 88-6 de la Constitution donne au Parlement la faculté, jamais utilisée à ce jour, d'agir devant la Cour en annulation d'un acte législatif européen qu'il juge contraire au principe de subsidiarité ou pris ultra vires. Aux termes de l'article 88-6, le recours doit être transmis par le Gouvernement à la Cour. En revanche, rien n'est dit sur la nature de ce recours. Sur le plan des principes, comment un Parlement ou une chambre peut-il agir en annulation devant la CJUE ? Comment pourrait fonctionner ce recours ?

Dès lors que la CJUE tranche des questions essentielles, comme le temps de travail des militaires ou la collecte de données de connexion dans le cadre de l'antiterrorisme, ce qui a provoqué de vives interrogations, pourquoi le Parlement n'exprimerait-il pas le point de vue de la société civile ? Peut-on imaginer, devant la Cour, une contribution extérieure d'un Parlement, à la manière des contributions extérieures - les « portes étroites » - du Conseil constitutionnel ? Votre technique procédurale le permettrait-elle ? Le cas échéant, sous quelle forme ?

Ces trois questions sont articulées autour du dialogue entre la Cour et les Parlements. Sans porter atteinte à votre indépendance, accepteriez-vous, vous et vos collègues, des invitations à des conférences, colloques académiques ou parlementaires pour partager votre expérience et prendre le pouls des Parlements et sociétés nationaux ?

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