Intervention de Jacques Reis

Mission d'information Sécurité sociale écologique — Réunion du 26 janvier 2022 à 17h00
Audition de Mm. William Dab professeur et titulaire de la chaire d'hygiène et sécurité du conservatoire national des arts et métiers cnam jacques reis neurologue et de Mme Sylvie Znaty professeur et titulaire de la chaire prévention des risques professionnels et environnementaux du conservatoire national des arts et métiers cnam

Jacques Reis :

La médecine environnementale est consacrée à l'application des connaissances pour prendre en charge les patients, prévenir les maladies et apprécier l'impact de l'environnement sur la santé. Elle s'inscrit dans la suite du rapport de Jean-François Mattei, auquel William Dab a participé. Le concept a donc plus de 25 ans.

Vous mettez l'accent sur les cancers et les maladies cardiovasculaires : neurologue, je tiens à rappeler la place du cerveau et des maladies neurologiques et psychiatriques, qui sont à la première place des risques que nous courons et dont les coûts sont considérables. Le rapport du programme global de détection des maladies (GDD) en atteste au niveau international.

Le cerveau est notre organe le plus complexe. S'il ne peut se développer normalement, les dégâts sont irréversibles. Les expositions touchant les femmes enceintes et les enfants peuvent avoir des conséquences sur l'adulte, avec les maladies non communicables (MNC, ou NDC en anglais). Ces maladies relèvent du concept de l'origine développementale de la santé et des maladies (DOHaD). Cela aide à comprendre la pandémie actuelle de maladies chroniques, défi pour notre système de santé.

La formation des médecins dans ce domaine est quasi inexistante aujourd'hui. Depuis le premier PSE de 2004, il y a eu très peu d'initiatives. La faculté de médecine de Strasbourg a été la première à proposer ces enseignements, il y a une dizaine d'années. Il s'y est d'ailleurs récemment tenu une réunion sur le contenu de l'enseignement en santé et médecine environnementale, j'aurais aimé que vous y participiez. Santé et médecine environnementale sont deux aspects d'un problème majeur.

Aujourd'hui, nous intervenons après le constat d'une maladie. Or, poste majeur de dépense en termes de médicaments, il y a 15 millions de personnes hypertendues en France, plus sans doute 3 millions qui ne sont pas traitées, soit au total 18 millions d'habitants sur 67 millions. Cette hypertension artérielle prédispose entre autres à des accidents vasculaires cérébraux : il y en a 150 000 cas par an, pour 40 000 décès chaque année. La cause est pourtant facile à traiter : il faut se limiter à un apport journalier de 2 grammes, contre 8 à 12 grammes par jour en moyenne pour les Français.

Le docteur Pierre Menneton, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a tenté d'attirer l'attention sur ce sujet, sans obtenir gain de cause. Le législateur devrait intervenir pour restreindre le sel ajouté dans les plats industriels. C'est un élément simple : le médecin constate les dégâts et les multiples conséquences de l'hypertension, et on peut faire de la prévention secondaire, par exemple avec un étiquetage mentionnant la quantité de sel.

Un autre exemple d'action utile du législateur serait la qualité des aliments. Ainsi, de nombreux pots pour bébés contiennent des résidus non négligeables de pesticides. Or, durant la période périnatale, il faut exposer le moins possible les enfants à des substances étrangères modifiant leur biologie, dont les perturbateurs endocriniens. À l'âge adulte, des maladies seront provoquées par cette consommation périnatale. Il en va de même pour la pollution de l'air et de l'eau : dans ces domaines, le législateur peut intervenir de façon primaire, plutôt que face à la maladie.

Votre rôle est déterminant. Une sécurité sociale préventive dépend de l'information des parties prenantes, de l'éducation des médecins et d'une action préventive qui n'est pas que secondaire, mais qui implique l'ensemble des parties prenantes. Par exemple, pour la pollution de l'air, il ne faut pas se limiter aux émissions individuelles, mais aussi inclure celles de l'industrie, de l'agriculture et des transports. Il est désespérant de constater l'existence de maladies neurodégénératives irréversibles, comme celle de Parkinson. C'est en agissant en amont qu'on pourra diminuer leur incidence.

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