Nous ne prônons pas la régressivité, mais reconnaissons que nous fabriquons des technologies à un rythme plus rapide que l'évolution de notre système d'évaluation des risques. Ce décalage créé de l'incertitude. On pourrait imaginer réduire ce hiatus. Il existe beaucoup de résistance ou de réticence, pour les OGM ou les pesticides, qui viennent de l'absence de données. Comment accepter un risque sans connaître sa mesure ?
Il faut développer une culture de résultats, pas de moyens. Le PNSE-4 est intelligent, mais ses indicateurs ciblent les moyens. Il faut disposer d'une logique de résultats : quel est le niveau d'exposition au risque, à la maladie, jusqu'où faut-il le diminuer ? Tant qu'on ne dispose pas d'une ingénierie de planification qui couvre jusqu'aux indicateurs de résultats, il existera un écart important entre l'ambition affichée et le résultat. L'asthme est la plus grande des maladies liées à l'environnement et n'a pas diminué depuis le premier PNSE et a même légèrement augmenté. Il serait facile d'avoir un traceur, des sujets représentatifs d'un certain domaine, dans l'état d'esprit de la loi de 2004. On pourrait disposer de sentinelles de la santé environnementale. Mais à qui confier leur gestion ? À Santé publique France, qui a perdu 80 postes en quatre ans ? L'État doit réfléchir à l'adéquation entre les missions et les moyens. Toute entreprise privée le fait, sous peine de faire faillite. L'État s'en dispense. Soit on entre dans une logique de résultat, soit on reste gouvernés par le ministère des Finances. On a besoin de tenir les comptes publics, mais ceux-ci doivent-ils être au service des résultats ou l'inverse ? J'ai négocié un budget général de la santé avec Bercy. On met les politiques publiques au service des comptes publics. Ne devrait-on pas faire l'inverse ? Cela ne veut pas dire ouvrir les robinets et dépenser n'importe comment, ou de s'affranchir des questions de dette publique et de soutenabilité. Mais à un moment donné, qui est prioritaire : le résultat que permet d'obtenir la richesse publique ou l'inverse ? Il n'est pas étonnant qu'on ne puisse répondre à vos questions. Il existe d'énormes efforts des associations ou des collectivités territoriales mais on est incapables de les soutenir ou de les encourager faute de pouvoir mesurer les progrès accomplis. Quand on traite un cancer ou un problème neurologique, on doit pouvoir montrer au patient les progrès accomplis dans la lutte contre la maladie. La médecine n'a pu avancer que parce qu'elle mesurait. On a les compétences et l'intelligence nécessaires, il faut une volonté politique pour agir.