Intervention de Philippe Brousse

Mission d'information Culture citoyenne — Réunion du 30 mars 2022 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Brousse délégué général adjoint de l'union nationale des missions locales et M. Guy Berthier chargé de mission

Philippe Brousse, délégué général adjoint à l'Union nationale des missions locales :

Je vous remercie pour cette invitation. Je commencerai par rappeler que l'UNML a voté l'année dernière une motion sur la notion d'engagement et d'accès des jeunes à la citoyenneté active et a choisi d'en faire un élément prioritaire de son réseau. Au titre de notre mission de service public, nous avons le devoir d'y travailler.

Les missions locales ont une approche de l'accompagnement qui vise l'accès à l'autonomie. L'autonomie concrète, c'est-à-dire matérielle et professionnelle, peut-elle se faire sans y intégrer la notion de la citoyenneté ? Il faut que les jeunes soient les acteurs de leur parcours d'insertion, et ce n'est pas qu'un mot : c'est une réalité tangible, qui doit se mesurer au quotidien.

L'égalité des chances a avec l'engagement un point commun : c'est le pouvoir d'agir. La citoyenneté doit être vécue pour les jeunes comme un enjeu de l'insertion, et c'est ainsi qu'elle doit être présentée au sein du réseau.

Pour répondre à votre question, les jeunes ne sont ni plus ni moins sensibles à la question de l'engagement que le reste de la population. L'appétence à s'informer, à comprendre et à s'engager est là, mais elle est conditionnée : pour qu'elle se traduise en actes, il faut une information, une remise à niveau. On constate en effet que les jeunes sont très mal informés : la notion de citoyenneté est pour eux galvaudée et ne fait pas véritablement sens. Il faut donc créer de l'échange, de la discussion, de l'apport de savoirs et de connaissances sur ce qu'est notre République, ce que signifie la citoyenneté et en quoi elle engage.

Pour que les jeunes éprouvent la citoyenneté et comprennent qu'elle est un ensemble de droits et de devoirs, l'insertion dans la société - une place, un rôle, une utilité - est nécessaire.

Quand on met la notion de citoyenneté en débat, l'appétence se révèle et on note qu'il n'y a pas de rejet. Foncièrement, les jeunes ont un niveau d'intérêt vis-à-vis de l'engagement équivalent à celui du reste de la population.

L'égalité des chances est un élément sensible et constitutif pour eux, parce qu'ils ne la mesurent pas au quotidien. À leurs yeux, ce sont des mots qui les confortent dans l'idée que la citoyenneté n'est pas pour eux.

L'accompagnement à la citoyenneté, le fait d'éprouver l'égalité des chances, l'accès au pouvoir d'agir sont donc essentiels dans l'appropriation de la question de la citoyenneté, et cela pourra ensuite se traduire par un vote et par un engagement. C'est un continuum important pour ces jeunes adultes, qui suppose de l'altérité et une mise en perspective concrète et opérationnelle.

Le réseau a mis l'accent sur la formation de ses personnels. Nous expérimentons actuellement une démarche de professionnalisation des conseillers, afin d'intégrer la question de l'engagement et de la citoyenneté dans les modalités d'accompagnement. En effet, les professionnels s'interdisent a priori d'aborder le sujet de la citoyenneté, le considérant comme relevant de la sphère privée, au même titre que la religion. L'aborder reviendrait à leurs yeux à contraindre le jeune à se positionner sur l'échiquier politique. Il y a donc de leur part une sorte d'empêchement à en parler au nom de la neutralité du service public. En autorisant cette thématique à se décliner opérationnellement dans l'accompagnement, on sort de cet amalgame, et les jeunes acceptent volontiers d'échanger et de débattre.

Les missions locales agissent et mettent en place différents types de modalités d'engagement, de débats, d'informations sous des formes assez variées : le service civique ou le service national universel (SNU), mais aussi des espaces de parole par le biais de médias, radio ou web TV, autant d'outils qui permettent d'engager la discussion. Nous mettons aussi en place des actions plus ponctuelles centrées par exemple sur l'actualité ou les questions institutionnelles, que l'on aborde de façon plus participative et moins descendante que par le passé.

Voilà pour le spectre de nos actions et la façon dont nous abordons ces sujets.

Comment combattre le désintérêt face aux élections et l'abstention ? Pour nous, ce problème ne se réglera pas d'un coup : il faut que le service public s'en empare au-delà de l'actualité électorale, pour rendre concrète la question de la citoyenneté dans toutes ses dimensions. L'environnement des jeunes, notamment familial, ne leur permet pas aujourd'hui d'accéder à ces problématiques - la citoyenneté, le régime politique qui est le nôtre... La transmission d'une génération à une autre ne s'est pas faite.

De ce point de vue, il faut relancer quelque chose. Les missions locales, en tant que membres du service public, doivent y prendre leur part : elles abordent déjà tous les sujets relatifs à l'insertion - logement, santé... - et pas seulement l'emploi ; à ce titre, elles doivent tout autant parler de citoyenneté.

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