Nous étions à Munich il y a deux jours, où nous avons rencontré un membre de la direction de Siemens, avec lequel nous avons eu un débat franc et ouvert sur les conditions de la fusion entre Siemens et Alstom.
Il nous a apporté certaines réponses ; d'autres, en raison de la loi européenne antitrust, seront abordées publiquement par la suite.
Nous avons également visité les sites de Belfort et d'Ornans, dont la qualité nous a vivement impressionnés. Nous y avons rencontré les syndicats, que nous avons trouvés préoccupés par l'avenir de l'entreprise et, surtout, par l'accord avec Siemens.
Nous pensons, comme vous, que l'effet de taille est crucial dans le contexte de la concurrence mondiale et de l'émergence de géants, et qu'il est donc nécessaire d'opérer des rapprochements afin d'entrer dans cette nouvelle ère de la mondialisation dans les meilleures dispositions.
La question qui se pose est la suivante : ne peut-on pas parvenir à la taille critique sans payer le prix de la perte de contrôle d'un fleuron industriel comme Alstom ? Nous craignons que cela soit en train de se passer avec l'absorption d'Alstom par Siemens. Pourquoi avoir choisi Siemens, que l'on nous a décrit comme un « ennemi irréductible » d'Alstom sur les marchés, plutôt qu'un autre groupe, comme Bombardier, par exemple ?
Comment a été négocié ce rapprochement ? De quelles informations disposait l'État, qui était un acteur important grâce au prêt des actions possédées par Bouygues, et comment est-il intervenu ? Nous avons entendu dire que ce rapprochement aurait été impossible si l'État était resté au capital, en raison de l'opposition de Siemens. Confirmez-vous cela ? Comment peut-on expliquer que les modalités d'évaluation des actifs des entités permettent à Siemens de ne pas débourser d'argent dans l'opération ?
Quels sont les résultats attendus de cette fusion, qui ressemble à une absorption, dès lors que l'actionnaire allemand détiendra plus de 50 % des actions de l'ensemble ? Siemens nous a confirmé que vous resteriez à la tête du groupe et que celui-ci serait coté à Paris. Toutefois, dans un groupe, ce qui fait la différence, c'est le conseil d'administration !
Vous aviez indiqué antérieurement que l'opération créerait des synergies à hauteur de 470 millions d'euros. Comment ce chiffre a-t-il été calculé et dans quels domaines se trouvent ces synergies ?
À Ornans, nous avons appris que trois sites du nouveau groupe fabriquaient des moteurs, un en Allemagne et deux en France. Comment éviter les doublons, voire les « triplons », qui pourraient menacer certains sites ?
Vous expliquez que l'opération générerait de forts taux de valeur ajoutée, en particulier dans la signalisation. Ne craignez-vous pas que, dans ces domaines, la redondance l'emporte sur la complémentarité ?
Vous avez apporté des garanties pour quatre ans en matière d'emploi et de maintien de l'activité en France, mais leur consistance suscite des craintes compte tenu du tableau de commande d'Alstom et au vu du sous-investissement décrit par les syndicats dans les sites de Belfort et Ornans, au regard de sites similaires en Allemagne.
En France, les syndicats s'opposent unanimement à cette opération. Ce n'est pas le cas en Allemagne, où IG Metall a signé un accord avec Siemens. Doit-on y voir un indice que le nouveau groupe favorisera l'Allemagne plutôt que la France ? En France, avec ses douze sites, Alstom est un facteur d'équilibre dans des bassins d'emplois qui souffriraient en cas de fermeture.