Vous y serez bienvenus. Par coïncidence, il y en a un par région.
Revenons sur Alstom en France. La collaboration à l'intérieur des filières et avec les pouvoirs publics, notamment locaux, est très importante pour notre industrie. Il me semble que nous entretenons d'excellentes relations avec les différents acteurs locaux. Cette collaboration touche l'innovation et les centres de compétence - à Tarbes, pour la traction, à Villeurbanne, pour l'électronique - et l'articulation de la commande publique.
Nous avons aujourd'hui quelques difficultés de charge, qui alimentent l'anxiété. Celles-ci ne sont pas liées aux faits que le marché français ne serait pas bon, ou que nous échouerions à l'export, mais au fait que Bombardier est en situation de surcharge et de sous-capacité, depuis que 80 % des trains régionaux lui ont été commandés plutôt qu'à Alstom. On voit bien que l'impact de la commande publique, qui découle ici de décisions prises il y a une dizaine d'années, est très important.
Où en sommes-nous ? Les sites de Belfort et de La Rochelle se consacrent au TGV et sont dépendants du projet de TGV du futur, dont nous discutons de manière très adulte avec la SNCF. Nous nous sommes mis d'accord sur les objectifs, les coûts, l'innovation et sur le train lui-même. La commande dépendra de la visibilité qu'aura la SNCF sur le schéma global, nous attendons d'ailleurs le rapport de M. Spinetta à ce sujet d'un instant à l'autre. Je suis plutôt confiant. Ces sites auront peut-être des creux, mais si nous disposons d'une certaine visibilité à long terme, la situation deviendra plus favorable.
Les sites dits « composants » comme Villeurbanne, Tarbes, ou Saint-Ouen, résonnent des succès d'Alstom dans le monde ; les sites dits « intégrateurs » comme Reichshoffen, Belfort, Valenciennes ou La Rochelle vivent plutôt au rythme du marché français et de l'export sur financement français. Le site de Valenciennes est faible aujourd'hui, mais sera très fort demain, après la jointure entre le RER A et le RER E. Il est aujourd'hui très orienté vers l'ingénierie et moins vers la fabrication, mais celle-ci va considérablement monter en puissance.
À Reichshoffen, la situation est compliquée en raison de la question des commandes de trains régionaux. Nous nous battons à l'export : en Algérie, et nous venons de gagner à Dakar. Nous devons également réfléchir à la manière d'équilibrer les différents sites, afin que ceux qui connaissent une surcharge puissent transférer la charge vers d'autres.
Reichshoffen, lui, est spécialisé dans les trains régionaux mais nous pourrions aussi y faire des trains urbains. La grande spécialisation de Reichshoffen, c'est le calcul de caisses et la simulation du comportement en fonctionnement des trains. Si l'avenir du site n'est aucunement en cause, il nous faut pérenniser sa charge, ce qui se fait plus automatiquement à Valenciennes, Belfort ou La Rochelle. Notre avenir en France, sur le long terme, dépend très fortement de la collaboration avec la filière et avec les pouvoirs publics - que nous ne considérons pas simplement comme des donneurs d'ordre, mais aussi comme des partenaires à part entière.
La fusion avec Siemens est à hauts risques. Ma première crainte est celle d'une désorganisation de l'entreprise. Je m'efforcerai donc avant tout de bien faire fonctionner ensemble les deux entités pour s'assurer que nos clients ne pâtissent pas de la fusion. Les syndicats ont parlé de tensions entre Roland Busch et moi-même. Ce dernier est pourtant une personne agréable et directe, et nous n'avons aucun différend sur la vision ni sur l'objectif. Certes, l'équilibre n'est pas facile à trouver en termes de gouvernance, mais la frustration des syndicats est assez paradoxale. En France, ils sont unanimes à dénoncer un manque d'information de la part de Siemens. Ce manque s'explique d'abord par la loi européenne en matière de concurrence, qui est pour tous une frustration quotidienne : nous ne pouvons pas avoir beaucoup de contacts avec Siemens France, et l'alchimie humaine a donc plus de mal à prendre. Nous ne pouvons pas non plus nous échanger des informations confidentielles car, jusqu'au dernier jour, nous sommes concurrents. Les représentants de Siemens qui ont rencontré nos syndicats français ne viennent pas de Siemens mobilité. Aussi ont-ils botté en touche face aux questions des syndicats. D'où une certaine incompréhension. Actionnaire, Roland Busch ne pouvait leur apporter les assurances qu'ils réclamaient sur la stratégie industrielle. La presse a donc eu tendance à présenter Alstom comme le camp des gentils et Siemens comme celui des moins gentils. En fait, nous avons un rôle plus facile, puisque c'est nous qui allons être aux commandes ! Futur patron de l'ensemble, je peux, à défaut d'indications précises sur tel ou tel site, parler du processus, de la culture qu'on va insuffler... Je m'étonne comme vous que les syndicats français soient moins positifs aujourd'hui qu'au début.
Les GIE sont très complexes à gérer ; mieux vaut une unité actionnariale claire. Airbus a d'ailleurs été fusionné - et reste très compliqué à gérer. Nous souhaitons développer le dialogue social et le dialogue industriel. La limite est fixée par les normes européennes. Le processus syndical se termine officiellement aujourd'hui. L'opinion exprimée sera négative mais je ne considère pas que c'est la fin de l'histoire : cette opération prendra plus d'un an et j'espère qu'au fur et à mesure, nous serons capables d'apporter les réponses réclamées. C'est à la direction d'Alstom de le faire : Roland Busch n'est pas en charge de la mobilité.
Le partenariat entre Bombardier et CRRC pose des questions stratégiques, c'est vrai. Les économistes se demandent s'il faut conclure l'opération avant ou après. Peut-être que Bombardier discute avec CCRC : je n'en sais rien. Nous avons aussi exploré cette option. Comme nous sommes partis avec Siemens, Bombardier se retrouve seul sur le dancing floor... Bien sûr, un rapprochement entre Siemens et Alstom est moins complexe qu'avec Hitachi ou CRRC.
Le fait d'être proche du site de Crespin est un point positif. Mais si nous nous étions mariés avec Bombardier, la probabilité que l'Union européenne nous demande de vendre un des sites français était très forte car nous aurions acquis une sorte de monopole en France. Du coup, l'alliance avec Bombardier aurait été plus complexe à gérer pour notre outil industriel.
Le fait que nous ne puissions pas exporter des trains en Chine est un point très négatif. De même, il n'est possible ni pour Alstom ni pour Siemens d'exporter de la signalisation au Japon. Le marché japonais est fermé, le marché chinois est fermé...