Intervention de Pierre de Lauzun

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 30 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre de lauZun directeur général délégué de la fédération bancaire française et bernard labilloy directeur des affaires économiques financières et internationales de la fédération française des sociétés d'assurance

Pierre de Lauzun, directeur général délégué de la Fédération bancaire française :

Il faut distinguer selon le degré de complexité de ces produits. Si l'on appelle structuré tout ce qui consiste à retravailler les matières premières, qu'il s'agisse de crédits ou de valeurs mobilières existantes, on couvre un champ qui va de produits extrêmement clairs et lisibles à des produits beaucoup plus complexes et spécialisés. La crise de 2007 a montré que l'on avait très largement exagéré la capacité des investisseurs à analyser ces produits : souvent le travail n'en valait pas la peine si bien que les investisseurs s'en sont remis aux analyses des agences de notation, ce qui est malheureux, car elles ont été utilisées bien au-delà de ce qu'il aurait fallu faire. Les agences de notation ne notent en effet que la solvabilité ultime, c'est-à-dire le remboursement final. Or, ce qui peut affecter une banque, c'est la liquidité et le prix sur le marché. Si les deux s'effondrent, même si l'on est payé à la fin, l'effet est considérable. Or, les agences ne notaient pas ces phénomènes. En outre, elles notaient souvent ces produits structurés tout en intervenant en amont dans la structuration, ce qui s'est révélé extrêmement dangereux.

Il faut désormais distinguer entre les produits clairs et transparents et les produits plus complexes. La titrisation simple et les obligations foncières sont des produits assez lisibles. Il suffit de savoir quelle est la qualité des créances immobilières qui sont à l'origine de ces produits. Si les normes minimales sont respectées, il n'y a pas de problème de compréhension. C'est d'ailleurs pour cela que la titrisation s'est développée aux Etats-Unis pendant longtemps sans aucun problème, car les normes étaient relativement strictes. On aura même besoin de développer ces systèmes puisque Bâle III va aboutir à une exigence de capital beaucoup plus grande à activité identique. Il faudra donc recourir beaucoup plus au marché pour produire de nouveaux prêts. Il faut se montrer vigilant pour que le public comprenne bien de quoi il s'agit. Pour tous ces produits, le processus doit donc être encouragé. Les produits complexes, quant à eux, ne doivent pas être rejetés par principe, mais comme le marché a du mal à les analyser de manière responsable, les opérateurs doivent se montrer plus prudents et les traiter de façon plus rigoureuse d'autant que ces produits sont moins liquides.

Toutefois les pertes finales sur les produits structurés émis en Europe avant la crise de 2007 ont été extrêmement faibles. Les notations n'étaient donc pas si mauvaises. En revanche, l'erreur a été commise aux Etats-Unis avec les subprimes - les prêts à des débiteurs qui n'étaient pas en état de rembourser - et avec l'énorme bulle immobilière qui a surgi. Le fait de base, c'est que l'on n'a pas été assez sélectif sur les crédits eux-mêmes, contrairement à ce qui se passe en France où l'on tient compte de la capacité de remboursement des emprunteurs, indépendamment de la valeur du gage. Si l'on retient la seule valeur du gage, on transforme l'emprunteur et la banque en spéculateurs sur le marché immobilier. A l'évidence, l'achat d'une maison ne doit pas être une opération spéculative. La valeur du produit est là en garantie ultime. La conception était donc malsaine dès le départ.

S'il faut intervenir sur les agences, le point de départ reste le produit lui-même qui doit être clair, transparent et à risque faible. Si tel n'est pas le cas, le marché doit savoir qu'il s'agit de produits plus risqués et le traitement prudentiel doit être durci.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion