Il s'agit de Pfizer. Je vous donnerai le nom du médicament ultérieurement. Pour vous donner une échelle, d'après les registres nationaux, la lombalgie a une prévalence élevée, qui en fait un problème de santé publique dans les pays industrialisés ; la prévalence annuelle est de 35 % à 50 % de la population, avec une prévalence de vie entière supérieure à 60 %. On est donc arrivé à faire passer un médicament de 150 000 personnes à 60 % de la population (soit plus de 20 millions).
Sinon, comment expliquer un tel budget pour seulement 150 000 personnes ? Combien faudra-t-il que la firme vende de boîtes de médicaments pour amortir un tel budget ?
D'après des spécialistes de la publicité, un tel spot publicitaire sur des grandes chaînes à une heure de grande écoute, des spots radio pendant trois semaines, le site Internet et le mix marketing avec le journal L'Equipe coûtent environ 2,5 millions d'euros au minimum, auxquels il convient d'ajouter le salaire de Franck Leboeuf. Le « coût contact » (2,5 millions divisés par 150 000) revient ainsi à plus de 16 euros. Ceci est la preuve que tout cela est orchestré.
J'en viens à présent à la presse, qui joue un rôle déterminant dans la stratégie marketing des firmes. En 1998, avec Sophie Guillot, sociologue et le Docteur Cohen, spécialiste des études de comportement, nous avons mené une des seules études, sinon la seule, sur les circuits de l'information médicale. Qu'a-t-elle révélé qui soit encore aujourd'hui d'actualité ?
Les journalistes de la presse grand public qui traitent de la santé n'ont majoritairement pas de formation spécifique à la médecine. Je ne suis pas certain que cela soit un véritable problème. Le vrai problème réside davantage dans leur absence d'analyse critique systématique, surtout avec les moyens d'investigation que nous avons à disposition (Internet). Il est désormais très facile pour chacun d'entre nous de valider une information.
Le deuxième point qu'a révélé cette étude est que les journalistes n'ont pas assez de temps pour faire correctement leur travail : on leur demande ainsi parfois d'écrire une page entière en une journée sur un sujet pour lequel ils n'ont aucune connaissance ni aucune formation de base. L'industrie, qui a parfaitement compris cela, rédige des articles courts et longs, prend des photos et fait des interviews de grands professeurs.