Intervention de Anne Laude

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 14 avril 2011 : 1ère réunion
Audition de Mme Anne Laude professeur de droit à l'université paris descartes codirecteur de l'institut droit et santé

Anne Laude, professeur de droit à l'université Paris Descartes, codirecteur de l'Institut Droit et Santé :

J'ai mené des recherches sur les responsabilités qui pourraient être engagées à la suite de prescriptions hors autorisation de mise sur le marché (AMM). L'autorisation de mise sur le marché délivrée par les autorités sanitaires comporte les indications de prescription, la posologie, etc. Une prescription hors de ces termes peut avoir un intérêt pour le patient. En effet, les essais cliniques sont difficiles à réaliser sur certaines catégories de personnes, par exemple les enfants ou les personnes âgées, et c'est alors empiriquement que l'on peut juger de certains effets dans des conditions qui n'ont pas été explorées.

Les prescriptions hors AMM peuvent cependant entraîner la mise en jeu de responsabilités. Celle des professionnels de santé, et tout d'abord : les médecins. Ceux-ci ont une liberté totale de prescription, sauf quand l'AMM limite l'usage d'un médicament au cadre hospitalier. Le législateur a posé une autre limite : les médecins sont tenus d'observer la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins.

Leur responsabilité disciplinaire peut être mise en oeuvre en cas d'infraction aux obligations du code de déontologie. Leur responsabilité civile est engagée si le juge retient l'existence d'une faute. L'article L. 1110-5 du code de la santé publique précise que le médecin doit faire bénéficier son patient de thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui offrent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances scientifiques avérées. Dans le cas des prescriptions hors AMM, les connaissances peuvent être jugées insuffisantes et la sécurité sanitaire non assurée.

Le code de santé publique comporte, également depuis 2002, une obligation qui met en jeu la responsabilité civile du praticien : il s'agit de l'information du patient sur le traitement, l'utilité de celui-ci, ses conséquences, l'urgence éventuelle, les alternatives. Déjà particulièrement large, l'obligation d'information est renforcée dans le cas des prescriptions hors AMM, le médecin étant tenu de mentionner l'absence de validation par les autorités, justifier son choix et préciser les alternatives. La Cour de cassation l'a rappelé dans un arrêt récent.

Rappelons que, lorsque la responsabilité civile du médecin est engagée, il est a priori couvert par son assureur. Les professionnels de santé sont tenus de souscrire une assurance depuis 2002. Mais couvrirait-elle la responsabilité du professionnel de santé en raison d'une prescription hors AMM ? Sans validation scientifique, l'on peut se poser la question. Il faudrait interpréter au cas pas cas les polices d'assurance.

La responsabilité du médecin peut être également pénale, du fait d'obligations spéciales du code de la santé publique ou d'infractions plus générales, en cas d'homicide involontaire par exemple.

Enfin, le médecin qui prescrit hors AMM a l'obligation de mentionner sur l'ordonnance que la prescription ne sera pas remboursée. A défaut, sa responsabilité financière à l'égard de l'assurance maladie est engagée : il peut se voir infliger des pénalités financières tandis que son patient sera contraint de rembourser les sommes indûment perçues.

Le pharmacien a une obligation de conseil, de contrôle, de vérification des prescriptions. Il doit se montrer objectif. Aussi, lorsque l'intérêt de la santé du patient lui paraît l'exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament. La jurisprudence a retenu comme une faute le fait pour un pharmacien d'avoir délivré un médicament prescrit hors AMM après avoir préalablement appelé le médecin, dans la mesure où il avait accordé une trop grande confiance au prescripteur...

L'infirmière, qui délivre le médicament au domicile du patient ou qui injecte le produit, est éventuellement responsable, en ce qu'elle est tenue de respecter le mode d'emploi et les termes de l'AMM. Dans le doute, elle aussi doit en référer au prescripteur.

Et les laboratoires ? S'ils font de la publicité pour leurs produits, ils ont l'obligation de respecter les termes de l'AMM. Une publicité pour une indication hors AMM engagerait la responsabilité pénale du laboratoire. Il n'y a pas de jurisprudence en France dans ce domaine. Aux Etats-Unis, un juge a retenu la responsabilité d'un laboratoire qui avait lors d'un congrès laissé promouvoir un usage de son médicament qui ne figurait pas dans l'autorisation officielle. La publicité vise toutes les informations produites sur support papier ou audiovisuel mais aussi, dans l'interprétation française et européenne, celles transmises par les visiteurs médicaux.

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