Intervention de Clément Vives

Mission d'information réinsertion des mineurs enfermés — Réunion du 13 juin 2018 à 14h45
Audition conjointe de M. Clément Vives adjoint au conseiller judiciaire à la direction générale de la police nationale dgpn et Mme Christelle Simon commandant divisionnaire de la direction centrale de la sécurité publique ; du colonel jude vinot du chef d'escadron erik salvadori et de Mme Sandrine Guillon conseillère juridique et judiciaire de la direction générale de la gendarmerie nationale dggn

Clément Vives, adjoint au conseiller judiciaire à la direction générale de la police nationale (DGPN) :

La police nationale partage le bilan qui vient d'être dressé. Je vais tenter de répondre aux questions que vous nous avez adressées. Depuis la création, en 2014, du service statistique du ministère de l'intérieur, les données issues des procédures de la police nationale ou de la gendarmerie sont plus aisément accessibles et exploitables. Les travaux de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), de l'observatoire national de la délinquance, ainsi que le rapport réalisé par le ministère de la justice à l'occasion des 70 ans de l'ordonnance de 1945 parviennent à des conclusions similaires. Ainsi, la délinquance des mineurs représente environ 18 % de la délinquance total, en étant plus élevée en zone police, à 19 %, qu'en zone gendarmerie où elle est à 16 % ; ces chiffres demeurant stables par rapport à ceux de 2010. Enfin, 3 % des mises en cause impliquent des femmes. Les mineurs sont surreprésentés parmi les auteurs de certains délits : ils représentent 40 % des auteurs de violences physiques crapuleuses et 30 % des auteurs de violences sexuelles ; ils sont également surreprésentés parmi les auteurs de cambriolages et de vols sans violence.

Sur le profil et le parcours-type d'un mineur délinquant, nous souscrivons à ce qui vient d'être dit. L'investissement dans la prévention de la gendarmerie et de la police nationale sera renforcé par la police de la sécurité du quotidien. La police et la gendarmerie sont ainsi présentes dans les collèges, les lycées, voire les écoles primaires, pour amorcer un premier lien avec la population. Certaines initiatives méritent également d'être soulignées, comme les centres de loisirs des jeunes : les 21 centres permanents et les huit centres temporaires - auxquels devraient s'ajouter huit nouveaux centres d'ici à 2020 - accueillent des jeunes de huit à dix-sept ans issus des quartiers de la politique de la ville. Leur sont proposées des activités sportives et culturelles, via des partenariats spécifiques entre la PJJ et l'Éducation nationale. Des policiers peuvent ainsi accueillir des élèves qui ont fait l'objet d'une expulsion temporaire de leur établissement et ainsi assumer une sorte de mission extrascolaire.

Cependant, l'évolution des mineurs réitérants demeure préoccupante. L'enfermement dans un parcours délinquantiel renvoie à la problématique des bandes qui sont souvent liées à une activité criminelle, dont le trafic de stupéfiants. Les lieux de résidence sont eux-mêmes criminogènes et favorisent la participation des mineurs à des activités dangereuses. Ils motivent ainsi les décisions d'éloignement, via les CER ou les CEF, ou encore les nouveaux dispositifs prévus dans la loi de programmation, destinés à séparer les délinquants de leur milieu.

Une approche plus globale doit aussi être mise en oeuvre, comme à Marseille, où, une fois la police intervenue, les acteurs sociaux, comme les bailleurs sociaux, sont mobilisés.

Sur la formation spécifique des agents de police, les policiers sont prioritairement, d'un point de vue judiciaire, formés à l'audition des mineurs victimes. Ensuite, la procédure pénale relative au mineur délinquant demeure complexe et les officiers de police ou les gardiens de la paix peuvent bénéficier d'une formation pour assurer leur accueil au sein des commissariats. Les moyens du suivi de la chaîne pénale en amont et en aval me paraissent une question plus importante : à qui remettre le jeune, en l'absence de mesure de coercition ? En aval, les CER et les CEF, voire les établissements pénitentiaires pour mineurs, ne disposent pas toujours de place à proximité, ce qui empêche le placement du jeune ou oblige à l'envoyer loin de chez lui.

Quel regard portons-nous sur le fonctionnement actuel de la justice des mineurs ? Notre travail est d'identifier les auteurs d'infractions et de les remettre à la justice. Nous avons pris conscience que l'enfermement, notamment dans un établissement pénitentiaire, ne fournit pas la garantie d'absence de réitération, mais bien plutôt l'inverse. Nous n'avons pas de préférence quant au type de mesures à privilégier. Cependant, lorsque le délinquant est au quotidien impliqué dans un contexte criminogène, on constate la récidive. L'accompagnement du jeune doit donc permettre l'éloignement, à l'instar des centres de loisirs jeunes qui fournissent déjà une première forme d'éloignement. Enfin, l'enfermement est une réponse appropriée pour certains mineurs, d'un point de vue policier, lorsque ceux-ci commettent des faits sériels, notamment sexuels. Les conditions de cet enfermement doivent éviter la récidive, surtout au sein des CER et des CEF.

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