S'agissant de la spécificité de TikTok, vous avez uniquement répondu que c'était un média jeune. La jeunesse peut expliquer la croissance, mais j'aurais aimé peut-être une caractérisation plus approfondie de TikTok, compte tenu des compétences de l'Arcom, y compris en termes de nature de contenus. Ainsi, s'agissant des conséquences de l'addiction à cette application, l'usage systématique des défis ou des challenges incite les jeunes à la transgression et à la surtransgression, ce qui n'existe pas ou très peu sur les autres réseaux sociaux.
Un autre aspect est celui de la censure. Je travaille depuis quelques années sur les ingérences étrangères. De nombreuses personnes qui m'ont contacté, notamment des chercheurs, et qui ont eu le malheur de diffuser un court message soutenant les Ouïgours, ont vu leur message supprimé, puis leur compte fermé. Nous avons un réel problème en France : nous disposons de la plateforme Pharos, qui concerne un certain nombre de délits et qui fonctionne bien, mais nous n'avons pas de plateforme un peu neutre et ouverte dans son fonctionnement. Je vous conseille de prendre langue avec la division Strat.2 du service européen pour l'action extérieure de l'Union européenne, (SEAE) qui a eu une rapid alert system (RAS) et qui s'intéresse à la désinformation, avec laquelle j'ai beaucoup échangé. Malheureusement, je vais chercher des signalements sur la France sur leur plateforme. Sans ce retour des logiques éditoriales, qui ne sont pas simplement des logiques d'influence, mais des censures explicites, la question ne se serait pas posée.
Quelles collaborations avez-vous avec les autres régulateurs, membres du Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels ou European Regulators' Group for Audiovisual Media Services (Erga), à propos de TikTok ? À ma connaissance, des sollicitations ont été adressées aux autorités de régulation néerlandaises à propos de TikTok. Nous avons un problème en France de parangonnage. Sur ce sujet, il est intéressant de suivre les actions de vos homologues.
J'insistais sur ces thèmes, car l'incitation à la transgression, auprès d'un public dont c'est naturellement la tendance compte tenu de son âge, est extrêmement gênante. En effet, la conservation des données, alors que la transgression est encouragée, est un problème. Il n'existe pas de droit à l'oubli. Dans ses statuts et dans le droit international, TikTok a le droit de transférer à sa maison-mère les données. La question est ensuite celle de l'usage qui en est fait et de l'absence de régulation de type RGPD en la matière.
Ces aspects méritent d'être mis en lumière. Nous aimerions avoir une approche systémique de TikTok, puisque la plateforme a un fonctionnement systémique, comme beaucoup de ces grandes plateformes, et en particulier de toutes les stratégies d'influence émanant de la République populaire de Chine.
Un système d'alerte, à l'instar de Pharos, pourrait-il exister ? Cela aurait un sens, car vous ne pouvez pas consulter les contenus de chaque personne. Les chercheurs ont de grandes qualités, mais nous avons du mal à construire des choses qui aient une validité scientifique sur le plan de l'observation des contenus.