Intervention de Ardavan Safaee

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 mars 2023 à 9h30
Audition de Mm. Jérôme Seydoux coprésident du groupe pathé et ardavan safaee président de pathé films

Ardavan Safaee, président de Pathé Films :

Merci de nous recevoir et de nous donner la parole. Je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui.

Les films, comme le cinéma en général, inspirent beaucoup de fantasmes, et notre métier est souvent méconnu. Je voudrais profiter de cette prise de parole pour vous expliquer comment nous fonctionnons.

Les films ont traversé une crise très grave, comme toute la société en général. Il y a quelques années, pour voir un film, le public devait soit aller dans une salle de cinéma, soit acheter un DVD. Il n'y a pas encore si longtemps, il existait à la télévision des jours interdits. Celle-ci ne pouvait diffuser des films de cinéma de nombreux jours dans la semaine. Il n'y avait ni plateforme ni « télévision de rattrapage ». Aujourd'hui, l'offre de films disponibles à bas coût est démultipliée. Le public peut donc rester chez lui pour voir des films.

Nous avions déjà, avant le Covid, entamé une réflexion pour savoir comment faire en sorte que le public vienne dans les salles de cinéma pour voir les films. La question que nous nous sommes posée a été de savoir combien Pathé devait produire et distribuer, et si nous avions la capacité de soutenir, financer et mettre autant de films en avant. Certaines années, nous avons eu jusqu'à seize ou dix-sept films à distribuer ce qui, parfois, a engendré des difficultés de mise en avant de beaucoup de films, que nous n'avions pas les moyens de bien travailler.

Nous nous sommes donc dits : « Faisons moins de films, mais faisons-les mieux ». Le cinéma français a enregistré un vieillissement de son audience et a subi une concurrence très forte des plateformes sur la partie la plus jeune de nos spectateurs. Comment peut-on aujourd'hui faire en sorte de les faire revenir au cinéma ?

Dans l'économie des films, on parle toujours de la salle, mais il faut prendre en compte de nombreux médias - vidéo à l'acte, qui a perdu près d'un milliard d'euros de marché depuis dix ans, télévision, où l'on peut encore voir des films de plus de cinquante ans, secteur international. Notre réflexion porte aujourd'hui sur la salle et sur l'international.

Les plateformes ont créé des brèches dans le financement des films français. Avant les plateformes, on travaillait en circuit interne avec les chaînes françaises et des partenaires français. L'arrivée des plateformes a cassé ces frontières. Nos films et nos séries peuvent voyager, mais tous les films et toutes les séries des autres pays arrivent aussi chez nous. Si on ne réfléchit pas à la façon dont nos films peuvent à la fois convenir aux spectateurs français et s'exporter, on aura du mal à exister très longtemps.

L'univers des plateformes a apporté beaucoup d'argent au marché. Le milliard qu'on a perdu sur la vidéo à l'acte a été remplacé par les plateformes en termes d'économies pures, mais ces plateformes investissent aujourd'hui très peu dans le cinéma français.

Nous avons mis en place, avant et pendant le Covid, des obligations pour que les plateformes investissent dans le cinéma comme le font les chaînes françaises, mais aujourd'hui, le principal financier du cinéma français reste Canal Plus qui, de par la taille de son investissement, bénéficie d'une fenêtre exclusive avant tout le monde. Les plateformes ont décidé, au moment de la mise en place de ces obligations, d'investir majoritairement dans les séries et non dans le cinéma.

Ceci est lié au Covid et au fait que, lorsqu'on était confiné, nous recevions chaque semaine des dizaines d'articles sur la mort du cinéma. Ce moment a été difficile pour nous, alors que les plateformes montaient en gamme, avec des films de plus en plus ambitieux. Aujourd'hui, des films qui coûtent 100 ou 200 millions de dollars ne sortent plus sur les plateformes.

Les plateformes sont aussi en train de changer. J'ai récemment effectué un voyage à Los Angeles pour essayer de comprendre comment fonctionne le marché américain. Dans un marché qui n'est pas du tout régulé, où n'y a aucune aide et où l'État n'intervient pas, on ne voit que des films à 150 millions dollars ou plus, ou de petits documentaires à moins de 5 millions de dollars. Les plateformes amènent beaucoup d'argent aux films. Ce n'est pas encore notre cas en France. Il y a sans doute quelque chose à changer pour les attirer davantage et les obliger à mettre plus d'argent dans le cinéma, parce qu'on a besoin de l'ensemble des acteurs.

Aujourd'hui, Canal Plus est un acteur important pour financer l'ensemble de ces films - et heureusement qu'il est là. Il faut que, demain, ces plateformes, qui font beaucoup de leur chiffre d'affaires en France, puissent, à la hauteur de leur importance dans l'économie française, investir dans le cinéma français pour monter en gamme, ainsi que nous l'avons fait pour les salles de cinéma.

Il nous faut aussi monter en gamme en matière de films. Les films récents comme Astérix, Les trois mousquetaires ou Le Comte de Monte-Cristo répondent à ce besoin. Ce qui fait de la France un cinéma extrêmement envié, c'est la diversité de ses films. Elle nous permet de faire de gros films comme Astérix, mais on a également fait Revoir Paris d'Alice Winocour, le prochain film de Xavier Beauvois, ou les films de Pedro Almodovar. Le cinéma, c'est cette diversité. Elle nous permet de renouveler les talents et la création et de faire des films spectaculaires, grand public, qui permettent aux gens de venir dans les salles de cinéma.

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