Monsieur le président, merci pour vos paroles et pour cette occasion qui m'est donnée de parler de la transformation de notre entreprise, car le questionnement que vous avez sur le recours à des consultants ou à des organismes de conseil doit se vivre en fonction de cette transformation, avec deux éléments de contexte.
En premier lieu - vous l'avez dit dans votre introduction -, 100 % des activités de La Poste sont en concurrence. La raison pour laquelle, dans le secteur du courrier, notre part de marché est de 99 %, ce qui laisse assez peu de place à des concurrents, est que cette industrie est en récession profonde. Ses volumes ont été quasiment divisés par trois. Nous connaissons des pertes de chiffre d'affaires annuel de 600 millions d'euros. Depuis 2013, nous aurons perdu 5,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Dans un tel contexte, il ne faut pas s'étonner de l'absence de concurrence.
Par ailleurs, toutes nos autres activités sont très concurrencées. Ainsi, dans la banque et la bancassurance, la Banque postale, qui est la sixième plus grande banque française, a face à elle cinq des dix premières banques de la zone euro. Nous sommes la onzième. C'est un degré de concurrence extrêmement élevé.
Enfin, le colis, qui est lié à la très forte croissance du e-commerce, est extrêmement concurrentiel. Pour mesurer le degré de concurrence, je dirais que notre premier concurrent, qui est aussi notre premier client, est l'une des entreprises les plus puissantes de la planète : Amazon.
Nous sommes donc en concurrence sur l'ensemble de nos métiers, avec une rare intensité.
En deuxième lieu, nous connaissons une profonde transformation. Celle-ci se mesure à travers la baisse des volumes du courrier : 18 milliards de lettres distribuées par nos factrices et nos facteurs en 2008, un peu plus de 7 milliards l'année dernière, sans doute 6 milliards en 2023. Entre 2008 et 2023, les volumes transportés par nos facteurs auront été divisés par trois.
Cette transformation, les postières et les postiers ont décidé d'en conserver la maîtrise. Nous avons donc engagé, avec le plan stratégique 2020 « Conquérir l'avenir », une profonde transformation de notre groupe, qui a réussi : en 2021, la lettre, objet historique qui a constitué notre groupe et qui en est le coeur, ne représentait plus que 18 % de notre chiffre d'affaires, le colis, qu'il soit à l'international ou en France, approchant des 50 %.
C'est donc une transformation extrêmement profonde. Pourquoi ces deux éléments contextuels - concurrence extrêmement forte sur toutes les activités et transformation très profonde des métiers, des activités et des emplois - sont-ils si importants ? Très souvent, les cabinets de conseil sont pour les dirigeants un instrument destiné à contribuer à ces transformations. Si nous étions dans une activité en très forte croissance et que nous dominions, je pense que nous aurions moins besoin de procédures et de projets de transformation et, sans doute, de cabinets de conseil.
Dès lors, la doctrine d'emploi était assez simple : accompagner La Poste et ses filiales dans leur transformation. De ce point de vue, la différence entre la définition de la stratégie et la réalisation des tâches opérationnelles est très importante.
La définition de la stratégie, c'est le travail des dirigeants de La Poste. Un membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, notre premier actionnaire, siège dans votre commission d'enquête. Nous avons élaboré, au cours de l'année 2020 et au début de l'année 2021, un nouveau plan stratégique appelé « La Poste 2030 engagée pour vous ». Ce travail a été fait sans recourir à aucun consultant, car la définition de nos objectifs et de ce que doit être La Poste en 2030 est d'abord un sujet confidentiel dans sa fabrication, et la raison d'être du rôle des dirigeants rassemblés autour de nous.
En revanche, étant en concurrence dans la réalisation d'un certain nombre de missions, notamment informatiques, nous avons fondamentalement besoin de tels cabinets, car il nous semble que cela aide à la transformation de La Poste.
En termes de doctrine d'emploi, plus les choses sont stratégiques, moins nous faisons appel à des cabinets de conseil. Lorsqu'il existe un partage stratégique avec ces cabinets, nous essayons de le concentrer sur le recueil de données et l'observation de la concurrence. Étant partout en concurrence, c'est absolument nécessaire, car ces cabinets ont d'excellentes bases de données et une bonne connaissance de ces métiers.
Pour le reste, nous essayons de les utiliser soit pour les projets transitoires qui n'exigeraient pas le recrutement d'effectifs permanents, soit parce que, notamment en matière informatique, la fluctuation des travaux rend ces cabinets indispensables.
D'ailleurs, dans les données que nous vous avons transmises, les tâches informatiques sont majoritaires dans les contrats que nous avons signés avec l'extérieur. Certains de ces contrats sont confiés à notre filiale Docaposte, entreprise de conseil en transformation numérique. Nous sommes évidemment l'un de ses premiers clients.
Voilà donc les missions qui sont dévolues à ces établissements. Les cabinets de conseil, lorsqu'ils travaillent pour nous, ne prennent pas le nom de La Poste mais travaillent pour elle. Si les dépenses de 2021 apparaissent dans ce domaine en assez forte croissance, c'est parce que 2020 et 2021 correspondant aux années de fabrication de notre nouveau plan stratégique décennal. Même si ces cabinets n'ont pas conçu la stratégie, nous avons eu besoin d'un certain nombre de leurs apports. Nous les considérons comme de bons professionnels, utiles à la transformation de notre groupe.