La SNCF a été saisie mi-décembre par votre commission et lui a adressé les éléments demandés le 17 janvier.
Nous avons mobilisé plusieurs équipes pour recomposer les dépenses des années 2016 et 2021 qui nous avaient été demandées pour l'ensemble des sociétés anonymes. Je rappelle que la SNCF a été profondément modifiée dans son organisation par la loi de 2018, cette modification intervenant au 1er janvier 2020. Il s'agit aujourd'hui d'un ensemble ferroviaire constitué, autour d'une société anonyme de tête, que j'ai l'honneur de diriger pour tout le groupe, par SNCF Réseau, SNCF Voyageurs, Gares et Connexions, filiale de SNCF Réseau, toutes trois sociétés anonymes.
La gouvernance a été transformée, ce qui n'est pas neutre. Nous sommes passés de trois établissements publics à cinq sociétés anonymes et avons dû effectuer un travail de reconstitution des données par rapport au cahier des charges que vous avez arrêté. C'est un gros travail de retraitement, que nous avons pu conduire dans un délai assez resserré pour être au rendez-vous que vous nous avez fixé.
Nous avons reclassé nos dépenses en matière de consultance selon la typologie demandée. Nous les avons qualifiées de généralistes pour tout ce qui touche à la stratégie, à l'organisation, à la conduite du changement dans les ressources humaines et le marketing, à distinguer de la communication, qu'on a elle-même différenciée des systèmes d'information, du juridique, de la comptabilité, de la gestion des finances et des audits.
Tout comme le groupe La Poste, la SNCF ne confie pas ses décisions stratégiques à des cabinets extérieurs. Nous y recourons uniquement pour une expertise pointue dont on peut avoir besoin pour éclairer tel ou tel sujet qui ne serait pas présent en interne. À l'identique du groupe La Poste, ces décisions sont instruites par le management du groupe et proposé à la gouvernance du groupe, où l'on retrouve toutes les composantes du conseil d'administration : État, administrateurs salariés, personnalités indépendantes. C'est dans ces moments-là que se détermine la stratégie du groupe, avec très peu d'apports de consultants extérieurs sur ces sujets, voire aucun.
Si jamais nous devions faire appel à une compétence pointue pour éclairer telle ou telle facette de la décision, tout cela se ferait sous le sceau de la confidentialité la plus absolue, avec signature d'engagements de confidentialité.
Je rappelle, là encore à l'instar de La Poste ou d'EDF, que nous sommes une très grande entreprise. Outre la partie ferroviaire du groupe, il existe dans le groupe deux sociétés, Geodis et Keolis, qui représentent à peu près l'équivalent, en chiffre d'affaires, du coeur ferroviaire. Le groupe SNCF représente 270 000 salariés au total, dont 200 000 en France, pour un chiffre d'affaires de 35 milliards d'euros.
Le secteur ferroviaire, que vous connaissez mieux, compte 15 000 trains par jour, 5 millions de voyageurs, et comporte trois grands métiers : le transport de passagers, le transport de marchandises, qui inclut la logistique avec Geodis, et le métier de gestionnaire d'infrastructures, qui est maintenant distingué par la loi, avec 30 000 kilomètres de réseau ferroviaire et 3 000 gares françaises.
Bien évidemment, la transformation est un sujet qui s'applique aussi au groupe SNCF. On peut même dire qu'elle se fait à grande vitesse, car les choses bougent vite. Quelques membres de la commission connaissent ces questions et les suivent de près.
La réforme de 2018 a nécessité une certaine préparation, à la fois dans sa définition et dans sa mise en oeuvre, ce qui peut expliquer une légère hausse des coûts de consulting en 2019 et 2020. Les tendances sont à nouveau baissières, j'y reviendrai dans ma présentation.
La transformation nécessite une vision et des connaissances. Elle porte sur la décarbonation des transports, sujet qui évolue très vite. Nous avons introduit ces critères dans nos décisions. Je ne dis pas qu'il s'agit de disciplines nouvelles, mais elles sont assez récentes et peuvent demander de recourir à telle ou telle expertise.
Dans les chemins de fer ou la logistique comme ailleurs, la digitalisation fait son oeuvre. Il faut donc également intégrer la projection de ses apports dans les stratégies. Même si nous avons un temps de retard par rapport à La Poste, nous y sommes : l'ouverture à la concurrence constitue un bouleversement en profondeur pour le ferroviaire dans notre pays. Cela suppose, notamment en matière d'accompagnement social, un certain nombre de travaux pour ajuster cette transition, qui représente des enjeux sociaux considérables.
L'environnement est volatil, incertain complexe et ambigu. La période n'a jamais été aussi incertaine. La crise sanitaire n'a pas amélioré les choses. Dieu sait si le monde est complexe. En prendre la bonne mesure n'est pas chose aisée.
Nous sommes en permanence en train de soupeser les risques et les opportunités, d'où la nécessité de faire appel à des cabinets de conseil, ne serait-ce que parce que la SNCF parcourt le chemin pour la première fois et a besoin d'être éclairée sur les conditions de réussite de la transformation du monopole public en société anonyme, dans un contexte de concurrence, afin d'assurer la pérennité de l'entreprise. L'objectif est bien sûr de résister le plus possible et d'être en mesure de nous adapter à ce monde nouveau et changeant.
Quant aux chiffres, nous sommes dans une maîtrise à la baisse de nos dépenses. Les courbes sont claires. C'est très net pour ce qui est du poste principal, sur lequel on a regroupé le conseil généraliste, avec une baisse de 36 % sur la période. Nous désirons - la concurrence n'y est pas étrangère - maîtriser nos dépenses, et la crise du Covid n'a fait qu'amplifier cette nécessité. Nous avons donc une volonté d'économie forte et de maîtrise de nos cash-flows. Le méta-objectif est d'avoir un cash-flow libre à zéro en 2022, premier rendez-vous économique important de la réforme du ferroviaire de 2018. Nous y travaillons. Il a fallu amplifier les efforts d'économies du fait de la baisse de recettes due à la crise du Covid, la plus spectaculaire étant celle du TGV et des Eurostar, qui ont beaucoup souffert.
La compétitivité devant aussi se retrouver dans les prix, l'ajustement des coûts est nécessaire pour conforter la SNCF dans ces secteurs en concurrence.
De la même manière, dans les dépenses en matière de conseil ou de comptabilité, nous enregistrons une baisse de 38 % qui nous ramène en deçà du niveau de 2016, après une légère envolée correspondant à la préparation de la loi et à sa mise en oeuvre.
Je rejoins ce qu'a dit Philippe Wahl à propos des systèmes d'information. Dans ce domaine, nous avons connu une remontée puis une baisse, mais pas en dessous des chiffres de 2016. Un travail important a été en effet engagé. Tout se digitalise et nous sommes amenés à transformer en profondeur nos systèmes d'information, à les adapter à ces nouvelles technologies. Nous devons réaliser un effort soutenu pour nous adapter et moderniser nos systèmes d'information.
Nous avons réduit notre communication de près de 50 %, et j'assume, à titre personnel, la volonté d'être un peu plus frugal et de moins nous exposer au plan médiatique. Les autres nous rattrapent parfois mais, en ce qui nous concerne, nous ne souhaitons pas être en permanence sous le feu des projecteurs.
L'une de vos questions portait sur les cinq grands cabinets de conseil, qui semblent sous les projecteurs de la commission. Les Anglo-Saxons ne font pas partie des grands cabinets auxquels nous recourons. Nous utilisons Capgemini, qui est à moitié français, pour les systèmes d'information.
Vous avez posé une question sur la notion de déclaration d'intérêts en amont des interventions. Nous trouvons cette piste intéressante. La transparence et la prévention des conflits d'intérêts nous semblent aller dans le bon sens.
J'en reviens à la politique d'achat, où nous avons mis de l'ordre. Cette baisse n'est pas le fruit du hasard. Elle résulte d'une volonté managériale. Encore faut-il des process. Nous essayons de faire passer un maximum de dépenses de cabinets de conseil sous forme de contrats-cadres négociés par notre direction des achats. 70 % des dépenses se font sous cette forme, et nous souhaitons poursuivre l'intégration en recourant à des contrats-cadres négociés avec les sociétés de consultants.
J'ai voulu que toute demande de prestation supérieure à 40 000 euros fasse l'objet d'un processus spécifique de validation. Ces mécanismes de bornage font leurs preuves et participent bien évidemment à la baisse que j'évoquais, qui figure dans le dossier que nous vous avons présenté.
Comme le groupe La Poste, nous avons notre propre société de consulting, SNCF Consulting, qui est en fait notre premier consultant. Pour le coup, les euros de la SNCF restent à la SNCF. Nous avons dépensé 63 millions d'euros avec ce cabinet, que nous avons monté il y a quelques années. Il fonctionne avec des personnels de la SNCF. Nous en profitons pour établir des parcours de carrière. Les personnes qui ont des profils de consultants ont beaucoup de rigueur dans l'analyse, la manipulation des données et l'information. C'est donc bien volontiers que nous les intégrons dans nos métiers. Cela sert aussi de pépinière pour des cadres de très bon niveau.
S'agissant des dépenses de services informatiques, qui sont peut-être trop élevées, j'ai décidé une réinternalisation des emplois, notamment pour les métiers de développement les plus simples. Notre politique dans ce domaine est très volontariste. Environ 800 emplois vont être réinternalisés à la SNCF. Nous avons engagé cette politique de manière très forte, avec de vraies formations en interne.
En conclusion, nous maîtrisons les dépenses, ce qui est tout à fait normal compte tenu de la trajectoire économique dans laquelle nous souhaitons nous positionner. Pour autant, et de manière ajustée, nous avons besoin, de temps en temps, de recourir à des compétences externes, indispensables à la transformation de la SNCF, qui n'est pas une mince affaire.