Intervention de Jean-Pierre Farandou

Commission d'enquête Cabinets de conseil — Réunion du 16 février 2022 à 16h30
Audition des entreprises publiques : Mm. Jean-Pierre Farandou président-directeur général de la sncf philippe wahl président-directeur général du groupe la poste et pierre todorov secrétaire général d'edf

Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF :

Je partage ce qui vient d'être dit par mes deux collègues. Quel est le challenge ? Intégrer des éléments d'un nouveau monde incertain, partant du principe que, par nature, le monopole historique ne connaît pas cet élément.

La meilleure façon de s'en imprégner, c'est d'utiliser le parcours des dirigeants. J'ai eu la chance de connaître la concurrence pendant sept ans. Il n'y a rien de tel pour savoir ce que c'est. Lorsque j'étais patron de Keolis, le moindre euro ou le moindre dollar de chiffre d'affaires était le fruit de la concurrence. La meilleure garantie qu'il n'existe pas de biais cognitif, c'est que quelques dirigeants sachent de quoi ils parlent. Cela aide à faire le tri entre les vraies bonnes idées et celles que l'on peut contester.

Ensuite, il faut du sens critique en toute chose. Les gourous n'existent pas. Certains ont un avis, ils l'expriment et l'on pèse ensuite les choses. Il n'existe pas de solution toute faite. La solution toute faite, plaquée, constitue un risque. Je la réfute, par principe. Il faut l'adapter à la spécificité, au moment de l'entreprise, à son identité profonde. Le risque est réel, mais on peut le traiter.

Sur le sujet de la transformation des ressources humaines, je suis d'accord avec Philippe Wahl. J'aime beaucoup le mot qu'il a employé : c'est une question de confiance. La transformation ne peut pas être imposée au corps social, qui compte 150 000 cheminots. Je ne vois pas comment aller contre eux. Ils ont les moyens de réagir. Cela peut déboucher sur une actualité compliquée, qui serait contraire à l'intérêt général. Il faut donc agir avec eux, car c'est leur destin, leur avenir. Il faut qu'ils s'y retrouvent et qu'ils comprennent où nous allons, quel est le sens de tout cela, où est leur place, ce qu'ils vont devenir à titre personnel, comment les collectifs de travail évoluent, comment les valeurs profondes de l'entreprise sont ou non impactées. Ce sont de vraies questions.

Qui, mieux que les dirigeants eux-mêmes, peut y apporter une réponse ? Diriger une transformation, c'est prendre une lourde responsabilité. Nous amenons un collectif de 150 000 personnes vers un avenir nouveau : ce n'est pas rien !

L'engagement des dirigeants, au premier rang duquel le président, est donc nécessaire. Je ne vois pas ce que viennent faire les consultants extérieurs là-dedans. Cela peut éventuellement relever de la méthode - et encore !

On peut être fier que la SNCF ait conduit un projet d'entreprise, en partant de zéro, en plein Covid, sans aucun consultant. Nous avons bâti en un an une démarche de progrès continu pour 150 000 salariés, en agrégeant tous les salariés de la société. Je tenais à le faire sans aucun apport externe, car cela devait rester notre affaire, la méthode elle-même étant un sujet : que voulions-nous décider pour construire nous-mêmes notre avenir ? L'engagement managérial ne passe pas par une délégation quelconque à des consultants externes.

La sous-traitance est un vrai sujet. Le premier angle est bien sûr économique. Pour autant, la SNCF poursuit une réflexion sur deux sujets complémentaires. Le premier concerne la conservation des compétences stratégiques : attention à ce que les sous-traitants ne captent pas une compétence au détriment du donneur d'ordres, car la capacité à gérer la sous-traitance deviendrait alors problématique. Il faut savoir ce que l'on sous-traite et ce que l'on conserve.

Par ailleurs si, au moment, où la SNCF va ajuster l'emploi, la maquette est aggravée en sous-traitant l'activité, on se complique la tâche. La priorité est la productivité, parce que c'est la compétition. Attention à pas tendre encore davantage la balance de l'emploi en externalisant à outrance. Il faut donc réfléchir à ce que l'on pourrait internaliser, à la fois parce que c'est économique, stratégique, et que cela nous permet de mieux réguler la mobilité interne.

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