L'Association des maires ruraux de France représente les communes de moins de 3 500 habitants, qui rassemblent un tiers de la population et couvrent plus de 80 % du territoire. Depuis 2020, 900 maires ont démissionné : ils ne comprennent plus les politiques menées par l'État, ni l'attitude de ses services. Ils ont le sentiment d'une perte de sens. Les politiques publiques manquent de visibilité, de continuité. Elles changent trop vite et empêchent les maires de construire une politique de long terme. Les maires sont en contact avec les multiples agences de l'État : l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), etc. Leurs interlocuteurs sont nombreux ; ce n'est pas simple à gérer pour les communes rurales dépourvues d'ingénierie.
On constate avec une certaine amertume une marche forcée vers l'intercommunalité depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Les maires avaient pourtant su depuis longtemps travailler ensemble et mutualiser les moyens pour être plus efficaces. Résultat, les communes-centres se renforcent au détriment des communes rurales, sauf si le président de l'intercommunalité est maire d'une commune rurale. Mais dans la majorité des cas, le président est le maire de la ville-centre.
La dotation globale de fonctionnement est deux fois plus élevée par habitant dans les communes urbaines (128 euros) que dans les communes rurales (64 euros), alors même que les charges de centralité qui étaient supportées par les villes-centres ont été pour l'essentiel transférées aux intercommunalités. Le cabinet de la Première ministre nous a répondu qu'il n'était pas possible de réformer la DGF, car la formule est trop complexe, la « clé en aurait été perdue »... Ce n'est pas satisfaisant et on comprend que nos collègues soient démotivés.
Si les procédures pour obtenir des subventions de la part des régions ou des départements sont plutôt simples, il en va différemment pour les subventions de l'État : l'octroi des aides est soumis à différents critères, et les taux varient en fonction du bon vouloir du préfet. Je siège à la commission d'élus de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) du Var ; nous avons dû faire modifier les critères d'attribution de la DETR pour la recentrer sur les territoires ruraux : elle pouvait en effet bénéficier, dans certains cas, à des communes de plus de 20 000 habitants, qui ont accès à d'autres sources de financement à la différence des communes rurales. Le résultat de cette complexité des conditions d'attribution est que les projets des communes rurales sont souvent inéligibles aux aides. Les dossiers sont de plus en plus complexes et on manque cruellement d'ingénierie. L'ANCT ne suffit pas. Les maires ont du mal à trouver un interlocuteur et sont souvent renvoyés de bureau en bureau, jusqu'à en être découragés.
De plus, dans le cas des projets financés par la DETR ou la DSIL, les communes doivent avancer les fonds et l'État les rembourse avec un délai de sept ou huit mois - c'est trop -, au prix de nombreuses tracasseries administratives.
Les communes rurales ont été, dans leur grande majorité, de bons élèves s'agissant de l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN), mais la loi va s'appliquer uniformément, pénalisant autant les communes qui ont été vertueuses que les autres ; une approche différenciée serait intéressante.
Nous saluons les opérations « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain », mais nous plaidons pour la création d'un nouveau mécanisme, que l'on pourrait appeler « Villages d'avenir », pour soutenir les anciens chefs-lieux de canton ou les communes rurales qui le souhaitent.
Nous souhaitons pérenniser par la loi les zones de revitalisation rurale (ZRR) pour avoir de la visibilité à long terme.
Les territoires ruraux abritent la forêt, l'eau, les terres agricoles, etc. Or ces aménités rurales, ces services rendus pas la nature au profit du plus grand nombre, ne sont pas prises en compte dans le calcul des dotations de l'État. Il est ainsi plus rentable de bétonner une plaine agricole pour installer une zone commerciale que de créer une zone agricole protégée, qui pourtant permet de stocker l'eau, le carbone, tout en protégeant l'environnement. Ces services écosystémiques devraient être reconnus et la notion « d'espace » rural consacrée dans la Constitution.
Enfin, nous ne pouvons que noter, hélas, un changement de comportement de nos administrés, qui se comportent de plus en plus en consommateurs, et moins en citoyens. Cela rend la gestion des communes encore plus difficile.