Je préconise cet exercice de longue date. Il s'agit d'une forme d'hygiène mentale que l'on peut appliquer notamment lors de tout déplacement à l'étranger afin de mieux observer son environnement, sur le modèle que nous proposons aux chercheurs. Il me semble qu'il existe une forte réticence du corps enseignant à ce type d'exercice dans un pays qui privilégie les disciplines cartésiennes telles que les sciences ou le droit. Par opposition, le rapport d'étonnement ou les principes de l'intelligence économique sont considérés comme sans importance, ou même dangereux en ce qu'ils nous éloigneraient d'une manière raisonnable de voir le monde. C'est tout le contraire de la vision anglo-saxonne, qui fait une large place aux disciplines que l'on pourrait qualifier de soft : ainsi, en droit, nous privilégions le droit positif tandis que la soft law - les bonnes pratiques, les principes directeurs - se développe partout. La présence à la tête des grandes entreprises anglo-saxonnes de personnes ayant suivi une formation littéraire est une autre manifestation de cet état d'esprit.
L'intelligence économique n'a toujours pas de reconnaissance universitaire en France : il faut nécessairement passer par une filière de sciences de gestion ou de sciences économiques, bien que des diplômes existent en la matière. L'intelligence économique suppose une approche transversale et horizontale qui s'oppose à notre organisation très verticale, pour ainsi dire « en silo ». La discipline a aussi pâti de son assimilation à des formes de piratage qui ont effectivement été pratiquées par certaines entreprises, mais qui ne reflètent pas du tout la réalité de nos préoccupations.