Intervention de Daniel Prieur

Mission d'information Sous-utilisation des fonds européens — Réunion du 16 juillet 2019 à 14h45
Audition de M. Daniel Prieur secrétaire adjoint de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture président de la chambre interdépartementale d'agriculture du doubs-territoire de belfort

Daniel Prieur, secrétaire adjoint de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, président de la chambre interdépartementale d'agriculture du Doubs-Territoire de Belfort :

Je vous remercie, Madame la Présidente et Madame la Rapporteure, de nous auditionner sur ce sujet récurrent du développement rural avec la consommation ou la non-consommation des crédits.

Je commencerai par un rappel historique. La politique agricole commune (PAC) comprend deux piliers : un pilier agricole et un pilier axé sur le développement rural, avec, dans les politiques du second pilier, une politique particulière qui repose sur les initiatives locales, avec l'utilisation des fonds LEADER.

Je suis jeune entrant au Bureau de l'APCA, mais je dispose d'une expérience dans les organisations agricoles, puisque nous avons souvent une expérience syndicaliste avant d'être missionnés au sein de l'APCA. Dans ce cadre, j'ai été, lors de la deuxième vague des fonds LEADER, président d'une structure qui faisait partie d'un groupe d'action locale (GAL) pour gérer les fonds LEADER consacrés au développement local à finalité touristique, avec un volet sur l'accompagnement social.

Nous avons un avis partagé sur la question. Le monde agricole a l'habitude de gérer les problématiques sur la compensation de handicaps, les politiques d'investissement, l'accompagnement des démarches de qualité, en lien avec les interlocuteurs du Réseau d'innovation et de transfert agricole (RITA) ou les interlocuteurs de la région. Or, les projets de développement rural sollicitent d'autres acteurs et le monde agricole se retrouve moins à l'aise, selon l'expérience des chambres d'agriculture et des porteurs de projets. Tout dépend également si le projet est déjà écrit ou pas, si le programme LEADER intervient en accompagnement du projet. S'il faut tout écrire, la situation est plus compliquée.

Dans les structures comme Nouvelles Ruralités, présidée par le sénateur Joly, les participants s'interrogent sur la manière de sortir les territoires de difficultés et demandent plus de moyens consacrés au développement rural, pour ne pas tout axer sur le développement agricole. Nous sommes confrontés à un certain dilemme. Je suis personnellement persuadé qu'élargir la réflexion contribue à une meilleure vie dans les territoires et à un meilleur positionnement de l'agriculture. J'en veux pour preuve l'expérience des pôles d'excellence ruraux, pendant des pôles de compétitivité, avec des universités, de la recherche et du développement et de grosses infrastructures industrielles. Pour les territoires ruraux, le pôle était constitué à l'échelle des territoires, avec une confiance accordée aux acteurs, et des services naissaient de ces pôles, notamment sur la santé ou sur la constitution de micro-filières. Un dossier emblématique sur la Lozère portait ainsi sur la production de thé pour apporter de la valeur ajoutée à des territoires. Une telle initiative de développement locale peut alors bénéficier de financements LEADER.

Nous en sommes à la quatrième ou cinquième génération du programme LEADER, entre les simples initiatives qui représentaient initialement 5 % de l'enveloppe, puis LEADER +, qui avait pris le relais avec l'obligation d'entrer dans un réseau au niveau local, puis l'échange de partages avec le niveau européen sur des projets transfrontaliers. De tels programmes peuvent présenter un fort intérêt, mais aussi freiner la mise en place d'un certain nombre d'initiatives. Partir d'un projet local pour établir des connexions avec des collègues européens donne un objectif louable, mais peu accessible d'emblée à l'ensemble des territoires.

Pour la future PAC, nous ne connaissons pas la totalité de l'architecture, entre États et régions, puisque les discussions sont en cours. Une première évolution est intervenue, dans la précédente PAC, avec la gestion par les régions du deuxième pilier, avec de nombreux éléments téléguidés, ou fléchés, par le niveau national. Les chambres d'agriculture se situent dans une logique d'accompagnement des exploitations agricoles, avec des mesures de transition face aux enjeux environnementaux, agro-écologiques et carbone. L'enjeu carbone est sociétal et l'agriculture peut jouer un rôle-clef en adaptant ses productions ou en mettant en place de nouvelles techniques pour les systèmes d'exploitation. En lien avec les organisations syndicales agricoles nationales, l'APCA a proposé des éléments pour ne pas être en rupture avec ces évolutions de l'agriculture. Un autre enjeu reste prégnant dans le deuxième pilier et vise à conserver de la vie et des moyens dans certains territoires, avec la politique de compensation de handicap qui représente un budget conséquent, justifié dans de nombreux territoires. Dans la dernière définition des zones défavorisées, nous avons dernièrement vu que la région Nouvelle-Aquitaine avait été particulièrement éprouvée par le nouveau zonage avec des personnes qui voulaient y entrer. La position des organisations nationales a consisté à souligner le sens de l'accompagnement et de l'investissement.

Cette politique reste une politique d'initiative avec des territoires qui n'ont pas toujours l'ingénierie nécessaire pour répondre. En Franche-Comté, il est difficile pour une communauté de communes en territoire rural, avec un ou deux salariés seulement, de gérer ces dossiers, tandis qu'une agence d'urbanisme du pays de Montbéliard comptant une quinzaine d'ingénieurs peut aisément répondre aux appels d'offres et fournir les informations dans les délais impartis.

Les chambres d'agriculture doivent donc s'interroger sur l'accompagnement des groupes. Ces éléments sont sortis du dernier brainstorming que nous avons mené sur la définition de nos métiers. Le territoire arrive à parts égales avec les sujets relatifs à la transition et à l'accompagnement des agriculteurs.

Au niveau syndical - puisque je siège toujours au Bureau de la FNSEA -, nous avons mené un travail sur le positionnement de l'agriculture dans dix ans et le couple agriculture et territoires nous semble constituer un levier pertinent pour éviter les délocalisations, apporter de la valeur ajoutée et être facteur d'emploi et de cohésion dans l'ensemble des territoires.

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