Intervention de Éric Collin

Mission d'information Sous-utilisation des fonds européens — Réunion du 16 juillet 2019 à 14h45
Audition de M. Daniel Prieur secrétaire adjoint de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture président de la chambre interdépartementale d'agriculture du doubs-territoire de belfort

Éric Collin, directeur entreprise et conseil :

Les chambres d'agriculture travaillent sur les fonds européens pour les dossiers agricoles, les instructions et l'émergence de projets d'investissement dans les exploitations, les projets territoriaux, en particulier lorsqu'ils nécessitent de l'émergence ou de l'appui sur les filières locales, avec circuits courts ou plus localisés. Ceci peut concerner des travaux menés sur l'évaluation des potentiels des marchés, des aides individuelles pour les exploitations, voire des projets plus ou moins collectifs ou de petits projets de transformation.

Nous travaillons également sur des sujets transversaux à l'agriculture, dans le cadre des transitions. Certains dossiers sont accompagnés dans le cadre du FEADER, dans le cadre de diagnostics territoriaux ou de conseils sur la gestion de la ressource en eau ou sur des changements climatiques.

D'autres dossiers sont moins connus, comme le dispositif de coopération, qui permet de créer des groupes pour des projets de taille réduite conduits de manière hétérogène dans les régions. Il s'agit d'une coopération qui permet de créer et d'appuyer des projets européens pour l'innovation (PEI) demandant une structuration dans le groupe d'agriculteurs et un transfert sur l'innovation.

Telle est la typologie des actions menées sur le dispositif. Pour compléter notre analyse de la consommation, nous avons identifié les facteurs qui pourraient être améliorés et les facteurs qui constituent des freins. Parmi ces derniers, certains sont liés à la mécanique et aux mesures qui ont posé des difficultés dans la mise en place des dispositifs.

La notion de sous-consommation doit effectivement être relativisée puisque notre flux de consommation se situe effectivement dans la moyenne européenne. Sur la mécanique, il convient de noter que nous avons connu, au cours de la programmation, des éléments rendant l'exercice plus compliqué qu'habituellement. Je peux citer la négociation, menée en 2012, pour transférer la gestion des fonds européens aux régions, avec une mise en oeuvre assez rapide de ce transfert, alors que les outils informatiques n'étaient pas prêts. Un décalage a donc été enregistré entre la production du back office et le transfert effectif, ce qui a engendré un retard au démarrage que nous avons beaucoup de difficultés à résorber.

Un deuxième élément a impacté les chambres d'agriculture et les régions : la réforme territoriale avec le nouveau découpage des régions. Au moment où nous définissions la chaîne d'instruction et de contrôle, les régions ont dû travailler avec des régions qui ne disposaient pas de services instructeurs, et ces services ont dû être recalibrés. Je ne pourrai mesurer l'impact quantitatif précis, mais le point nous a posé problème. La Commission européenne ne voulait pas renégocier les programmes opérationnels, mais nous avons eu la tentation d'arriver à une certaine convergence des mesures et nous avons donc dû retravailler sur les mesures les plus emblématiques, pour ne pas créer de biais de concurrence au sein d'une nouvelle région fusionnée. Des discussions sont tenues sur la modification des programmes opérationnels et nous sommes entrés dans un dispositif de convergence. Ceci a alourdi structurellement la mécanique de projets et a pu avoir un effet sur la consommation de leurs crédits.

La réforme territoriale et les outils constituent deux éléments. Un troisième est lié aux thématiques. Certaines mesures, comme les mesures agro-environnementales (MAE), posent question. Beaucoup de personnes s'accordent à dire qu'avoir des MAE définies au plan régional pose problème. Nous estimons que deux vices originels existent sur la MAE. La MAE, par nature, est un dispositif qui vise à accompagner un changement de pratiques très précises, normées et renseignées, avec une aide qui compense le surcoût lié à la mesure. Il a fallu écrire des cahiers des charges, pratique par pratique, avec un grand nombre de MAE, modulées au niveau régional. Nous pensons donc qu'une véritable réflexion doit être menée sur la refonte des MAE. Nous pensons que les MAE doivent être dé-zoomées pour avoir un effet de transformation véritable, avec des objets et des cahiers des charges plus larges qu'action par action et mesure par mesure. Pour une transition dans le domaine climatique, qui engage des choix en matière de variétés et d'agronomie, plusieurs modifications des pratiques peuvent être nécessaires. Le même sujet se pose pour les phytosanitaires. Dans ce cas, il convient de renégocier et de réduire le nombre de MAE en tant que telles. Dans la programmation, il n'existait pas forcément de lien entre le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), les investissements et les mesures d'accompagnement (mesures de transition ou MAE). De ce fait, les guichets pouvaient fonctionner de manière rapide, accessible et utile sur les investissements, tandis que des freins existaient pour accéder à des MAE sous-utilisées. Ces points devraient sans doute être corrigés.

Avec une politique portée par les régions, nous séparons, dans la mission des autorités de gestion, l'information, l'instruction des aides, le payeur et le contrôle. Le fait de se rapprocher des régions, pour certaines mesures, a amélioré la capacité d'accès à l'information et l'ajustement des instructions. Le fait d'arriver au niveau régional a rapproché ce dispositif. Pour la chaîne du payeur et du contrôle, un biais existe néanmoins dans la mesure où la reconcentration sur l'Agence de services et de paiement (ASP), restée centralisée, nuit à la souplesse instaurée sur l'instruction et sur l'information. Ce point pourrait également être revu dans la prochaine programmation, si une séparation est maintenue entre l'instruction du projet, au niveau régional, et le paiement, au niveau national, puisqu'il crée des difficultés dans la consommation et dans la fluidité du dispositif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion