Intervention de Cécile Duflot

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 13 février 2023 à 14h00
Audition de Mme Cécile duFlot ancienne ministre de l'égalité des territoires et du logement

Cécile Duflot, ancienne ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Il y a un piège dans lequel sont obligés de tomber les ministres : faire des annonces. Il est quasiment impossible de continuer une politique initiée par d'autres, même si on l'approuve, surtout lorsque la majorité a changé.

Une loi de programmation permettrait d'établir une sorte d'accord général. La loi Alur avait été votée par de nombreux groupes politiques, y compris en dehors de la majorité. Il faut un vrai travail parlementaire sur ces questions, qui touchent tous les élus locaux, de manière transpartisane. Ces derniers le savent bien : la politique du logement ne se résout pas par des coups de menton.

Malgré les divergences sur certains sujets, on peut arriver à des consensus. L'idée d'une garantie universelle des loyers (GUL), abrogée par la loi Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), m'a été donnée par Jean-Louis Borloo, car la garantie loyers impayés (GLI) et la garantie des risques locatifs (GRL) - devenue « garantie Visale » (Visa pour le logement et l'emploi) - ne fonctionnaient pas. C'était une idée réfléchie de mon prédécesseur ; je pense que l'on y reviendra. Mais on préfère changer de nom le dispositif et faire une grande annonce pour bénéficier d'une dépêche de l'Agence France-Presse (AFP)...

Certes, il peut y avoir des difficultés entre ministres pour savoir qui fera l'annonce, mais, pour ma part, je n'ai pas eu connaissance de problèmes. J'ai devant les yeux le premier bilan, conjoint, des ministres de l'écologie Philippe Martin et de l'environnement Cécile Duflot du 6 mars 2014, qui ne mentionne aucune tension : 27 000 projets ont été enregistrés par l'Anah au second semestre 2013, contre moins de 4 000 auparavant ; le rythme des rénovations a été multiplié par cinq, avec 1,2 milliard d'euros distribués ; un numéro de téléphone unique était dédié. Cela a bien fonctionné en raison d'un double portage politique au sein du Gouvernement.

Les grandes avancées des lois sur le logement ont eu lieu lorsqu'existait un ministre de plein exercice ayant l'oreille du Premier ministre ou un poids politique personnel, et jamais à d'autres moments.

La loi Alur a réglé des dispositions qui étaient en souffrance depuis vingt-cinq ans : ainsi, les droits de vote dans les copropriétés n'avaient jamais été à l'agenda du ministère de la justice, alors compétent sur ce sujet. Grâce à un accord politique avec Christiane Taubira, je m'en suis occupée, et cela s'est bien passé.

Je crois fondamentalement à la politique et à l'utilité des ministres lorsqu'ils ont une certaine autonomie, qu'ils ne sont pas seulement des porte-voix lisant des éléments de langage, et qu'ils ont un cabinet ministériel suffisamment robuste pour dépasser les habitudes de l'administration. Je suis profondément convaincue de l'efficacité de la politique. Il n'y a pas de contradiction à ce qu'il y ait deux ministères.

Depuis que l'énergie est intégrée au ministère de l'écologie, l'espace de travail de celui-ci est suffisamment vaste pour qu'il soit occupé par d'autres sujets. Avoir seulement un troupeau de secrétaires d'État dont les directeurs de cabinet sont membres de son propre cabinet n'est pas très utile. Mais, si les gens travaillent en bonne intelligence, c'est bien plus efficace. Mon expérience l'a montré. Je n'ai pas eu de difficultés à travailler avec Philippe Martin ni avec Delphine Batho, même si nous sommes toutes deux des personnalités assez fortes et autonomes. Lorsque vous passez des accords politiques avec des personnes solides, vos politiques publiques sont plus efficaces.

Tout cela explique la création de MaPrimeRénov'. Quand on réduit une politique, on essaie de la rhabiller : on a prétendument mis fin au guichet unique pour gagner en souplesse...

Dans l'histoire récente, nous avons eu, durant ces six mois, 1,2 milliard d'euros sur la table, un seul numéro de téléphone, un pilotage par l'Anah. Même si cela n'a pas duré longtemps - cela aurait peut-être pu se maintenir si j'étais restée plus longtemps en poste -, cela a marché. Voilà la bonne méthode.

Le passeport est la même chose que le fonds travaux. En matière de politique publique du logement ou de gestion des travaux, il faut prendre en compte le facteur temps : rien ne se fait instantanément. Alors que l'on peut changer les règles du chômage du jour au lendemain, pour rénover une copropriété, entre la première assemblée générale de copropriété et la fin des travaux s'écoule au minimum deux ans. Il faut un management du temps, et savoir gérer la durée. Peut-être pouvez-vous mettre en lumière ce point. Sans durée et sans constance, cette politique publique ne peut pas fonctionner. Lorsqu'elle est l'otage des annonces ou du rhabillage budgétaire, avec un nouveau nom et une microcampagne de publicité, cela ne peut pas marcher.

S'agissant des travaux uniques, j'entends le discours des écologistes sur la vision globale. C'est pour cela que nous avons eu l'idée de passeports, pour savoir par quoi commencer lorsque l'on ne peut pas tout rénover d'un coup - les fenêtres, le jour sous la porte... Il n'y a pas de règles, et il faut s'adapter à chaque bâtiment. Nous avons besoin de durée, de constance et d'expertise. Certains bâtiments doivent être isolés par l'extérieur, mais, pour d'autres, c'est absurde. L'isolation par l'intérieur peut réduire le nombre de mètres carrés, donc la valeur du patrimoine. Il faudrait peut-être pondérer cette valeur entre la qualité énergétique du bâtiment et le nombre de mètres carrés.

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