Intervention de Cécile Duflot

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 13 février 2023 à 14h00
Audition de Mme Cécile duFlot ancienne ministre de l'égalité des territoires et du logement

Cécile Duflot, ancienne ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Je vais me faire de nombreux ennemis... J'ai énormément de goût pour le patrimoine bâti de la France, du fait de sa diversité et de son histoire, mais je suis aussi une écologiste convaincue de la nécessité de diminuer les émissions et d'isoler les bâtiments.

J'ai vu, dans certains cas, des architectes des Bâtiments de France très rétifs, voire fâchés. Résultat, à la fin, on ne fait plus rien, et on laisse les bâtiments s'écrouler. Ce n'est pas tout noir ou tout blanc, mais gris clair ou gris foncé. Sans aller au BBC pour certains bâtiments, on peut faire beaucoup mieux. Il y a une question de formation et de savoir-faire des architectes - certes, la culture change avec les jeunes générations. En France, on aime beaucoup le geste architectural. Les architectes voulaient faire du neuf et publier dans une revue pour exister, tandis que le travail de rénovation et de réhabilitation était délaissé et très méprisé. Restaurer une ferme du XVIIe siècle en laissant respirer les murs semblait moins intéressant.

Justement, nous devons pouvoir parfois isoler par l'extérieur. Il y a plein d'endroits où les bâtiments sont bardés, et ils ont souvent évolué dans le temps. Il faut faire avec professionnalisme. Le rôle et la responsabilisation des architectes sont intéressants. On pense souvent que l'on pourrait passer directement du diagnostic aux travaux, avec des matériaux existants et en lien avec les entreprises. Mais, dans certains cas, le recours aux architectes peut être très utile.

Les parcs naturels régionaux ont beaucoup travaillé sur des guides de rénovation, de même que les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Nous avons une richesse d'informations et les professionnels compétents.

On pourrait organiser de façon plus fluide la mise en oeuvre du financement, et dire que, dans telle région, il est mieux de faire comme ceci pour les bâtiments en brique, et comme cela pour les pans de bois... Mais, actuellement, cela n'existe pas, alors que les compétences techniques existent, sans être mises en oeuvre. De nombreuses solutions sont possibles. Certes, parfois, ce ne sera pas très satisfaisant. Garder certaines formes de fenêtres anciennes, à baïonnette, sera plus compliqué, mais on peut vouloir les garder tout en isolant mieux les combles...

Dans l'histoire de France, il y a eu de nombreux moments où des architectes de l'État ont eu une grande inflexion : cela a abouti aux cités, à des zones d'urbanisation prioritaire, avec plus ou moins de bonheur, mais aussi à de grandes réflexions nationales sur ces sujets.

Il faudrait une grande réflexion sur le patrimoine et la rénovation thermique, avec de vrais spécialistes, des exemples étrangers, et sans crispation des uns ou des autres contre des écologistes qui voudraient rénover avec un bardage uniforme, des fenêtres moches et qui détestent le patrimoine, ou, au contraire, contre les défenseurs du patrimoine qui refusent le moindre panneau solaire en raison d'un demi-huitième de co-visibilité avec l'église Saint-Ambroise, sympathique mais datant du XIXe siècle et dont l'intérêt patrimonial est limité, d'autant que le toit est à moins de 500 mètres, mais dans l'autre sens... On peut trouver des terrains d'entente. Je vais me fâcher avec tout le monde, mais je suis une écologiste attachée au patrimoine architectural, notamment au petit patrimoine non protégé - il ne va rien arriver au grand patrimoine protégé, comme le château de Versailles ou le Sénat... Par exemple, il faut conserver certaines façades de rue à Dieppe, qui reflètent l'histoire, et sur lesquelles il faut travailler intelligemment. On ne pourra pas demander aux propriétaires, voire aux copropriétaires, de tout financer.

Nous n'avons pas non plus des milliers de différences patrimoniales en France : on pourrait créer un guide de bonnes pratiques utiles pour les professionnels, qui pourrait être intégré dans le dispositif RGE. Au-delà des savoir-faire techniques, sur la manière de poser une fenêtre, on pourrait y ajouter des éléments relatifs aux différents patrimoines architecturaux du pays.

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