Intervention de Emmanuelle Cosse

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 13 février 2023 à 14h00
Audition de Mme Emmanuelle Cosse ancienne ministre du logement et de l'habitat durable

Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du logement et de l'habitat durable :

Sur les plateformes territoriales de rénovation thermique et sur ce qui est fait depuis 2017, je commencerai par déplorer l'espèce de maladie des politiques qui consiste à vouloir renommer et réinventer les choses tous les deux ou trois ans et à chaque alternance ; ce que nous avions mis en place méritait certainement d'être approfondi, mais pourquoi tout redéfinir et tout renommer, alors qu'il faut de la continuité dans les politiques du logement en général et la rénovation énergétique en particulier ? Des plateformes ont été installées, mais notre politique n'avait jamais consisté à imposer des dispositifs par le haut, nous avions toujours associé les collectivités territoriales, voyez la loi de transition énergétique : les collectivités territoriales y sont associées à de nombreuses politiques et nous avons voulu nous appuyer sur les politiques locales de l'énergie. D'ailleurs, les dossiers de rénovation ont été plus nombreux quand il y avait des maisons de l'habitat, où l'action était accompagnée - pour nous, l'État fixait des objectifs et la réalisation devait se faire en partenariat avec les collectivités - souvent les agglomérations, mais cela peut aussi être les départements, selon les configurations locales, ce qui est une raison supplémentaire de ne pas s'en tenir aux seules compétences juridiques. Je ne suis donc pas sûre qu'il soit intéressant de tout redéfaire, pour, finalement, contrôler davantage l'action des collectivités : mieux vaut coopérer dans la durée.

Nous nous sommes posé la question d'un service public de l'efficacité énergétique, l'idée étant d'apporter des services utiles à la population. Dans les dispositifs qui ont été mis en place depuis 2017, je crois qu'il y a l'idée d'afficher un tournant avec ce qui se faisait avant, pour dire qu'on fait mieux qu'avant. Mais en réalité, le tournant est dans les obligations nouvelles liées à la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021. Les objectifs et les obligations nouvelles que cette loi définit sont intéressants, mais la question posée est celle des moyens pour la mise en oeuvre. Comme ministre, je n'étais pas favorable à l'interdiction de louer les logements de classe énergétivore, parce que les DPE de l'époque n'étaient pas fiables du tout - on pourra discuter pour savoir si ceux d'aujourd'hui le sont, mais il est certain qu'alors, ils ne l'étaient pas - et parce que j'ai toujours craint que les logements interdits de location, se retrouvent sur le marché non déclaré, de la main à la main, à destination des plus précaires. Le débat est ancien, nous l'avions déjà en 2015 ; la loi « Climat et résilience » pose une interdiction, mais son étude d'impact est défaillante sur le point de savoir combien de logements seront concernés. Nous sommes cinq ans plus tard, et le problème est encore devant nous. D'abord, la mise en place du nouveau DPE est un véritable fiasco, il est trop complexe - je vous le dirai plus en détail comme présidente de l'USH, nous manquons toujours d'outils fiables pour évaluer la performance énergétique et la rénovation. Mais il y a aussi le fait que le délai restant, environ 18 mois, est bien court pour faire les travaux nécessaires à passer d'un indice G à E : que va-t-il se passer, concrètement, au 1er janvier 2025, pour les gens qui auront découvert cette année que leur logement est en classe G ? Des objectifs ambitieux créent certes une dynamique, mais il faut aussi du réalisme, on parle d'une révolution qui consiste à sortir de l'indécence des millions de logements. On a besoin d'accompagnement, il faut du temps entre le diagnostic et le terme des travaux de rénovation, c'est aussi pourquoi il faut que les dispositifs d'intervention soient stables et pérennes.

Je n'ai pas de réponse sur la comparaison entre la labellisation des entreprises, comme nous le faisons avec la mention RGE, et la labellisation des types de travaux de rénovation. La mention RGE n'est pas arrivée par hasard, elle résulte du besoin que nous avions de passer par les entreprises, et que les entreprises, qui sont souvent de très petite taille dans le bâtiment, forment leurs salariés, nous avions besoin que les artisans se forment à la rénovation énergétique, nous avions aussi pensé recourir à des plateformes locales pour que les artisans améliorent leur geste et maîtrisent les matériaux de la rénovation, y compris par de la mutualisation. La mention RGE fait débat, moins d'entreprises qu'avant s'y inscriraient, il faut interroger les fédérations professionnelles pour savoir si elles incitent les entreprises à le faire, et sinon pourquoi, en tout cas l'objectif était bien la qualification des professionnels à la maîtrise de la rénovation - c'est un enjeu essentiel, on le voit dans l'augmentation des primes d'assurance en dommages ouvrages, liée au fait que les malfaçons se sont multipliées. Nous allons devoir aussi affronter le fait que, pour massifier la rénovation thermique, il va falloir standardiser certaines pratiques, ce qui est possible pour certains bâtiments mais pas pour d'autres - on le voit dans d'autres pays, où le bâti est plus récent et plus homogène qu'en France -, la massification suppose une répétition du geste, c'est un défi.

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