Sur le lien entre les deux ministères, votre interrogation renvoie plus largement aux problèmes que rencontre le ministère de l'écologie ou de l'environnement, quel qu'en soit l'intitulé. On parle beaucoup de charge mentale en ce moment et cette notion s'applique assez bien à ce que vit ce ministère.
Traditionnellement, les autres ministères laissent la charge mentale de la politique écologique du pays à ce ministère et cela se traduisait assez nettement dans les réunions interministérielles, qui sont souvent des moments assez durs pour les différentes équipes du ministre de l'environnement : chaque fois que le représentant de ce ministère présente les objectifs ou les mesures à prendre pour les atteindre, les autres se liguent contre lui, en excipant de toutes sortes de raisons pour s'y opposer.
Sans doute, cela évolue, je ne prétendrai pas que rien ne s'est passé en la matière. Au cours des dernières années, notamment à partir de la nomination de Jean Castex, mais cela avait commencé avant, le Premier ministre a imposé à tous les autres ministères de s'approprier la politique de transition écologique et de prendre des mesures en leur sein. Toutefois, la culture des services est longue à faire évoluer. Dans un monde idéal, dans lequel tout le monde partagerait la charge mentale, le ministère de l'écologie présenterait les objectifs à atteindre et les autres expliqueraient comment, dans leur domaine de compétences respectif, ils pourraient contribuer à les atteindre. Malheureusement, pour en avoir été témoin, cela ne se passait pas ainsi.
Dans ce contexte, intégrer au sein du ministère de l'environnement le ministère du logement change tout, car cela permet à ce dernier de prendre sa part de charge mentale. Je ne dis pas qu'il ne le faisait pas du tout auparavant, mais cette configuration l'obligeait désormais, institutionnellement, à le faire, ce qui emporte ensuite la collaboration de ses services. C'était intéressant de ce point de vue. C'est aussi pour cette raison que je me suis battue à la fin de mes fonctions pour que Matignon assume directement, à l'avenir, cette charge mentale. Je suis donc ravie que, désormais, la Première ministre soit dotée d'un secrétariat général à la planification écologique, dont la mission est d'instiller cette charge mentale dans l'ensemble du Gouvernement.
J'en viens au remplacement du CITE par MaPrimeRénov'.
D'abord, un crédit d'impôt pose problème en soi, parce qu'il n'est versé que l'année suivant l'année de réalisation des travaux, avec un délai important. C'est un problème, car certains ménages peuvent ne pas disposer de la trésorerie nécessaire et renoncer à leurs travaux. On n'a pas tout résolu avec MaPrimeRénov', j'en suis bien consciente, mais, en théorie, ce dispositif permet de recevoir assez rapidement la prime, une fois les travaux engagés. Nous nous voulions donc être plus « proactifs ». En outre, MaPrimeRénov' procède non pas seulement du CITE, mais de la fusion entre plusieurs aides ; par conséquent, cela représentait également une simplification.
Je comprends ce que vous voulez dire, monsieur le rapporteur, lorsque vous sous-entendez que chaque nouveau gouvernement réinventerait la poudre. Toutefois, je ne suis pas sûre d'être d'accord. Finalement, tout cela est assez récent. Le lancement, par la loi, des grandes politiques de rénovation des bâtiments remonte à 2015. C'est récent, à l'échelle de la vie politique, même si le Spee de Picardie avait été mis en place bien avant. Mais on est toujours un peu en avance, en Picardie... On doit aussi tenir compte - y compris les parlementaires - des retours d'expérience. Les aides mises en place antérieurement étaient trop compliquées, et on ne pouvait pas faire comme si cela n'était pas vrai ! Aussi, mettre en place un guichet unique, MaPrimeRénov', doté d'un site internet unique visait à rendre le dispositif beaucoup plus simple et beaucoup plus accessible.
Je profite d'ailleurs de cette occasion pour suggérer une révision de ce site internet. Je m'y suis rendue pour préparer votre audition et je pense qu'il y a matière à amélioration. Quand on va sur le site de MaPrimeRénov', on ne tombe pas directement sur France Rénov', qui est le réseau. Le parcours n'est donc pas intuitif. En outre, il faut vraiment chercher la mention de Mon Accompagnateur Rénov' pour la trouver, de même d'ailleurs que sur le site de France Rénov'. Il faudrait que l'on propose, d'entrée de jeu, le renvoi vers Mon Accompagnateur Rénov', d'autant que celui-ci est obligatoire pour certains types de travaux.
Vous évoquiez également les réseaux de service public qui existent actuellement, mais, je vous l'ai dit, ils ne sont pas à l'échelle. Ce qui existe est parfois très bien - c'est inégal selon les territoires - et a vocation à perdurer. Simplement, ce n'est pas du tout dimensionné pour rénover 700 000 logements par an. Vous pourrez dire ce que vous voudrez, mais, pour avoir fait les fonds de tiroir du budget et du personnel public de l'État ou des collectivités, je puis vous certifier que nous n'aurons jamais assez de personnel compétent pour passer à l'échelle. Si l'on veut le faire, il faut recourir à Mon Accompagnateur Rénov'.
Dans cette affaire, nous sommes tous dans le même bateau et nous menons tous le même combat, donc nous avons intérêt à nous unir et à unir nos forces. Nous disposons de professionnels compétents, comme les architectes, qui peuvent nous aider. L'enjeu est donc plutôt de les conventionner sérieusement, afin de restaurer la confiance. En effet, je n'ai pas encore employé ce terme, mais nous souffrons aussi d'un déficit de confiance, car beaucoup de nos concitoyens ont été arnaqués par des professionnels non scrupuleux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons interdit les appels téléphoniques promouvant la rénovation énergétique, même si, malheureusement, nombre de nos concitoyens l'ignorent encore.
Bref, pour passer à l'échelle, les services publics de rénovation énergétique seront insuffisants.
En revanche, vous avez raison sur un point très important : l'association des collectivités. D'ailleurs, il est bien prévu que Mon Accompagnateur Rénov' soit agréé par l'État ou désigné par une collectivité locale. Les collectivités pourront tout à fait organiser leur réseau d'accompagnateurs et je crois que c'est aussi par ce biais que l'on montrera que l'État et les collectivités locales peuvent travailler ensemble pour que le réseau maille le plus finement possible le territoire, afin que tous nos concitoyens y aient tous accès.