En effet. La fiabilisation du DPE a été un gros sujet, et c'est sans doute toujours le cas. Cela me donne l'occasion d'aborder la question de la montée en compétence de la filière.
Pour piloter une politique de rénovation énergétique, il faut une équipe qui s'en occupe et des données. Celles-ci découlent des DPE, lesquels doivent donc être fiables et opposables. Or, dans la période précédente, ils étaient indicatifs et donc très peu remplis. Un quart d'entre eux étaient vierges, et les autres reposaient souvent sur la consommation constatée. Ainsi, si un bien était occupé un quart de l'année, son DPE était très bas, car il n'était jamais chauffé. Nous avons donc travaillé à la fiabilisation de cet indicateur. Vous le savez, nous avons rencontré un problème : au moment du lancement du nouveau DPE, il est apparu que cette fiabilisation n'était pas satisfaisante et que quelques curseurs ne fonctionnaient pas et donnaient des résultats bizarres. Nous avons donc été obligés de suspendre le processus, de reprendre la concertation et de créer un « nouveau nouveau DPE ». Pour ce que j'en comprends - mais je suis plus loin du sujet -, la fiabilisation n'est toujours pas parfaite, il faut donc poursuivre dans cette voie.
Cela nous amène aux compétences des diagnostiqueurs et des entreprises qui réalisent les travaux. Il s'agit, à mon sens, d'un des enjeux les plus importants pour mener à bien cette politique. Je ne sais pas pourquoi l'on a autant de mal à fiabiliser le DPE, mais c'est une question qu'il faut traiter le plus vite possible avec les professionnels. Je ne sais pas si c'est la méthode qui pose encore problème ou si la capacité de la filière à former suffisamment de personnes est en cause. Il en va de même s'agissant de la qualification RGE. Il me semble normal d'exiger une qualification pour les professionnels réalisant des travaux subventionnés par l'État ou par les collectivités. Nous devons nous assurer que les entreprises qui interviennent sont qualifiées et compétentes. Ce principe m'apparaît comme un garde-fou, car les aides publiques produisent un effet de levier très important. Nous avons travaillé pour essayer de trouver le point d'équilibre entre exigence et pragmatisme en matière de qualifications, par exemple en ouvrant la possibilité d'une qualification sur le tas, sur chantier. Un artisan non qualifié peut ainsi se lancer dans un premier chantier, qui sera audité pour recevoir le bénéfice des aides, puis en réaliser encore un ou deux selon le même procédé, avant de recevoir éventuellement sa qualification.
Force est de constater que le problème n'est pas réglé, puisque le nombre d'artisans qualifiés stagne à plus ou moins 10 % ou 15 % de son niveau potentiel. Il faut sans doute revenir sur le sujet ; il n'est pas possible de se satisfaire d'un écart aussi important entre le volume de travaux à effectuer, le nombre d'artisans potentiellement disponibles et le nombre d'artisans qualifiés. Les professionnels, à travers la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et la Fédération française du bâtiment (FFB), ont toujours soutenu le principe, tout en considérant que ces qualifications étaient lourdes et compliquées. Il faudrait également travailler avec les organismes qualificateurs, comme Qualibat. J'ai essayé de trouver une sortie par le haut, en mettant en place une qualification suffisamment exigeante et permettant d'obtenir suffisamment d'artisans qualifiés, mais nous n'avons pas encore trouvé le bon point d'équilibre. Il est nécessaire de progresser, à la fois pour que le DPE soit fiable et pour que le nombre nécessaire de personnes capables d'assurer les travaux dans de bonnes conditions soit atteint. Cela reste compliqué.
Un autre sujet qui pose problème concerne les copropriétés. Nous avons travaillé pour lancer MaPrimeRénov' Copropriétés et pour simplifier les aides. Le droit de la copropriété est très protecteur des copropriétaires, les quorums de décision en assemblée générale sont élevés, les délais sont importants, et nous n'avons pas encore atteint le point d'équilibre.
Ensuite, nous devons passer progressivement de la rénovation par gestes à la rénovation globale. J'entendais Barbara Pompili dire que cette politique était jeune. Elle a raison, cet effort a été lancé il y a moins d'une dizaine d'années et l'on partait de très loin : il y a encore cinq ans, nous comptions 30 000 rénovations globales, et tout le reste relevait du coup de pouce appuyé sur les C2E ou sur le crédit d'impôt. Il y a maintenant plus de rénovations globales, autour de 100 000, mais ce n'est pas encore assez. Il s'agit essentiellement d'une question de moyens : pour que ça marche, il faut que les aides à la rénovation globale soient plus élevées et plus intéressantes que la somme des aides par geste. Je ne suis pas pour autant favorable à abandonner ces dernières, parce que j'ai vu beaucoup de Français réaliser des gestes de rénovation thermique, à l'occasion de visites de terrain chez des gens qui ont accepté de m'accueillir et qui avaient bénéficié, ou pas, de MaPrimeRénov'. Or ceux-ci ne sont pas toujours prêts à tout faire d'un coup ; j'ai vu beaucoup de ménages qui ont commencé par changer de chaudière quand celle-ci a lâché, sans pour autant être disposés à engager sur le champ 50 000 euros de travaux. Pour autant, une fois qu'ils ont commencé, ils sont dans un parcours de rénovation qui les amène à passer au geste d'après.
Bien sûr, le processus optimal serait de tout faire d'un coup, mais, dès lors que l'on développe l'accompagnement, on peut trouver des solutions pour réaliser un premier geste tout en commençant à préparer le suivant et en s'engageant dans un parcours de rénovation. En la matière, le mieux est l'ennemi du bien. Il ne me semble pas que mettre un terme à la rénovation par gestes entraînerait la mise en oeuvre de 700 000 rénovations globales. Il est sûrement souhaitable que la rénovation globale devienne progressivement le mode de rénovation le plus usuel, que les Français, comme les professionnels, se familiarisent avec ce processus et que l'on rende petit à petit moins attractives les aides consacrées aux gestes par rapport à celles qui ciblent la rénovation globale. Il s'agit toutefois vraiment d'une question de moyens : il faut ajouter 1 milliard d'euros aux aides à la rénovation globale. Nous avons fusionné MaPrimeRénov' avec l'aide précédente de l'Anah - Habiter mieux Sérénité -, qui est devenue MaPrimeRénov' Sérénité. Cette aide est contingentée et ne s'impute pas sur le même budget : MaPrimeRénov' relève du budget du ministère de l'écologie alors que MaPrimeRénov' Sérénité est toujours appuyée sur un budget du ministère du logement. Si l'on destine trois fois plus d'argent à MaPrimeRénov' Sérénité, on réalisera trois fois plus de rénovations ; si l'on rend les aides de MaPrimeRénov Copropriétés beaucoup plus attractives, on facilitera la prise de décisions positives en assemblée générale de copropriété. Il s'agit donc de consacrer plus de moyens à la rénovation globale et une petite partie de ceux-ci à la rénovation par gestes, qu'il ne faut pas tuer.
Je termine par un mot sur les ratés de MaPrimeRénov'. Comme ministre, je disposais d'un tableau de bord et, avec l'Anah, nous examinions chaque semaine les dossiers en souffrance, pour lesquels nous avions mis en place un plan de résorption. Il est vrai que, dès lors que le canal est exclusivement numérique, certains cas sont problématiques. Le nombre de dossiers en souffrance a culminé à 3 000 par an, quand 700 000 opérations étaient réalisées. Certains d'entre eux ont été difficiles à gérer, parce qu'ils avaient été mal engagés et que personne ne parvenait à rectifier l'erreur initiale. C'était trop lent à mon goût, mais quand je suis partie, il devait en rester 1 200. Bien sûr, l'objectif est de limiter ce nombre et de réduire le temps de résorption, mais il aurait fallu conserver le sens des proportions entre le nombre de dossiers en souffrance et le nombre d'opérations menées à bien. MaPrimeRénov', c'est environ 700 000 chantiers par an avec un taux de satisfaction autour de 80 %. Les dossiers qui rencontrent des problèmes sont les plus visibles, il y a toujours des histoires de grosses difficultés, quelqu'un qui a été baladé de service en service sans jamais obtenir de réponse, mais en termes de volume, de telles circonstances représentent entre 0,3 et 0,5 % des dossiers. À mon départ, ce chiffre était en résorption.
Pour la suite, l'important, à mon sens, est de favoriser la montée en compétence de la filière, de consacrer plus d'argent à la rénovation globale et de stabiliser le dispositif. Revenir à un crédit d'impôt équivaudrait à un retour en arrière : MaPrimeRénov' a trouvé son public, elle est reconnue ; la famille France Rénov', Mon Accompagnateur Rénov', MaPrimeRénov' est connue des Français. On peut améliorer le dispositif pour continuer à travailler ouvrage par ouvrage et faire en sorte que cette politique produise ses effets.