Intervention de Emmanuelle Wargon

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 13 février 2023 à 14h00
Audition de Mme Emmanuelle Wargon ancienne ministre déléguée chargée du logement

Emmanuelle Wargon, ancienne ministre déléguée chargée du logement :

Le chiffre de la Cour des comptes indiquant que très peu de logements - 5 000 - changeaient de classe en termes de DPE après avoir bénéficié de MaPrimeRénov' a été beaucoup commenté. Pourtant, il s'agit d'un effet de loupe, car il n'est pas obligatoire de faire un DPE avant et après les travaux, sauf pour obtenir un bonus quand le logement a changé de classe. Or très peu de bénéficiaires ont demandé à en bénéficier, parce que la procédure est contraignante. Cependant, si d'aventure un gouvernement décidait de soumettre l'obtention de MaPrimeRénov' à une mesure du DPE avant et après, il bloquerait probablement la totalité du système. En parallèle aux enjeux de fiabilisation du DPE, se posent en effet des problèmes de capacité. Il serait difficile de réaliser un DPE avant et après pour 700 000 dossiers par an ou à chaque changement de chaudière. S'il est donc factuellement vrai que très peu de logements ayant bénéficié de MaPrimeRénov' ont changé de classe de DPE, on ne peut pas en déduire que les travaux financés par ce dispositif ne servent à rien, car on ne mesure pas systématiquement cet indicateur. Le nombre de logements qui ont fait l'objet d'une rénovation globale significative comprend tous ceux qui ont bénéficié de MaPrimeRénov' Sérénité et de MaPrimeRénov' Copropriétés, pour laquelle des gains d'efficacité énergétique sont requis, ainsi qu'une partie de ceux qui ont obtenu MaPrimeRénov', soit quelque chose comme 100 000 logements par an. Cette question souligne combien il est important de disposer d'un Observatoire. Il faut continuer à travailler avec les services pour produire des chiffres permettant d'établir un diagnostic.

Concernant la possibilité d'une loi de programmation, en effet, cela me semble indispensable pour donner aux Français et à la filière de la visibilité quant à ces politiques publiques. Les coups d'accordéon que nous avons subis ont bien illustré une de nos difficultés : le passage du CITE à MaPrimeRénov' s'est accompagné d'une division par deux du budget. Il est alors évidemment difficile de conserver de la visibilité, mais nous sommes parvenus à remonter le budget à 2 milliards d'euros grâce au plan de relance, puis nous nous sommes efforcés de faire de cette somme la base budgétaire du dispositif. Néanmoins, vous connaissez la construction d'un budget et vous savez combien une base budgétaire est fragile. Une loi de programmation serait donc très utile.

En 2016-2017, dans ce champ, il y avait 2 milliards d'euros de CITE, à peu près 500 millions d'euros d'aides relevant de l'Anah et quelques 600 millions d'euros de C2E. Quand j'ai quitté le gouvernement, on comptait 2 milliards d'euros pour MaPrimeRénov', autour de 750 millions d'euros pour les aides de l'Anah, et plus de 3 milliards d'euros de C2E. Ceux-ci sont donc devenus l'un des grands outils de financement de la rénovation énergétique ; ce ne sont pas des outils très faciles à manier et ils exigent de la pérennité, sur les fiches comme sur les aides apportées. On a besoin des deux mesures : la prime budgétaire et le C2E. Une loi de programmation qui donnerait de la visibilité et trouverait la fongibilité entre le « par geste » d'un côté et la rénovation globale de l'autre, imputés sur deux budgets différents, serait donc très utile.

Quel est le volume possible ? Au début du processus, l'Anah avait un objectif de 30 000 rénovations sur mesure et se félicitait d'en réaliser 32 000, soit 8 % de plus. Je n'étais pas d'accord, car le chiffre absolu ne me semblait pas énorme et qu'il fallait selon moi passer à une autre échelle. Ces discussions n'étaient pas faciles : l'Anah faisait de la haute couture, et on lui demandait de faire du prêt-à-porter, pour ouvrir le dispositif. J'ai avancé le chiffre de 1 milliard d'euros, parce que l'on est aujourd'hui à 700 millions d'euros d'aides du type de MaPrimeRénov' Sérénité et que l'on devrait progressivement doubler ce chiffre, selon les capacités à faire et à instruire des services, mais aussi de l'écosystème. Dans le domaine du pilotage et de l'accompagnement, on a évoqué la filière elle-même, mais on trouve aussi la structure de l'État, avec l'Anah et les services déconcentrés qui instruisent encore ces aides. Si l'on veut monter en puissance, il faut aussi recruter dans ces services pour accompagner ces politiques publiques. Si l'on se donne comme objectif de consacrer 1 milliard d'euros supplémentaires à la rénovation globale par le biais d'une loi de programmation comprenant des marches, alors ce budget ne sera pas très éloigné de celui de la rénovation par gestes. On pourra donc transvaser progressivement : plus de rénovation globale et moins de gestes.

Reste le sujet des compétences et des artisans. Malheureusement, les à-coups de la construction neuve ont libéré des compétences disponibles pour la rénovation dans la période intermédiaire. Pour autant, le neuf reste bien un objectif de la politique du logement. Il y a donc un très important problème de filière devant nous.

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