Intervention de Corinne Le Quéré

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 6 mars 2023 à 15h00
Audition de Mme Corinne Le quéré présidente du haut conseil pour le climat

Corinne Le Quéré :

L'Allemagne a eu recours à une ingénierie financière pour encourager les aides aux rénovations profondes. Ainsi, plus la rénovation tend vers le niveau profond, plus les aides sont importantes. En ce qui concerne la transposition de cet effort en France, un travail a déjà été accompli avec les banques et les opérateurs de rénovation allemands. Cependant, la France est confrontée à un problème que la ministre a évoqué : les opérateurs français sont beaucoup plus petits qu'en Allemagne, où le fonctionnement est plus centralisé, ce qui a rendu les choses plus faciles avec les banques.

Ces difficultés n'empêchent pas de travailler à un parcours de financement de la rénovation et l'important est bien de reconnaître que la rénovation énergétique des bâtiments coûte cher. Il faut trouver des financements. Prévoir des aides qui ne financent qu'une partie de la rénovation ne se révèle pas très utile et entraîne des craintes, le reste à charge demeurant assez élevé. Le Gouvernement doit trouver de quoi couvrir l'ensemble des coûts de la rénovation, au moyen de subventions ou de prêts, organisés soit avec l'aide du Gouvernement, soit directement entre les usagers et les banques.

C'est au niveau de cette ingénierie financière que l'Allemagne a réussi à avancer. Par ailleurs, ce pays peut compter sur deux éléments importants. D'une part, leurs rénovations sont toujours accompagnées de maîtres de rénovation, qui sont des architectes qui suivent les rénovations du bâtiment dans leur ensemble. D'autre part, ils ont recours à des vérifications, une fois les travaux achevés. Tous ces éléments leur ont permis d'aller plus loin.

Quant aux Pays-Bas, ils ont développé une approche reposant sur des feuilles de route, et ce à deux niveaux. D'abord, ils ont recours à des feuilles de route claires en matière de bâtiments publics, ce qui a aidé à renforcer les filières et à donner une perspective dans le temps. Ensuite, ils ont établi des feuilles de route au niveau régional, notamment pour définir le zonage et déterminer où développer des réseaux de chaleur et où installer des pompes à chaleur. Ce procédé a permis d'engager les acteurs régionaux et de développer une approche mieux coordonnée dans le temps.

J'aurai moins à dire sur la question de la coordination entre les différents ministères dans le cas de la Suède. En revanche, parmi les pays que nous avons observés, la Suède est le seul pays dans lequel les bâtiments sont presque entièrement décarbonés. Les Suédois ont atteint le niveau que nous visons, et ce grâce à l'utilisation de ces trois leviers : l'efficacité énergétique, la rénovation et le chauffage bas-carbone, reposant sur un mélange entre pompes à chaleur et réseaux de chaleur. Il leur a fallu des décennies pour parvenir à ces résultats, ces développements ayant commencé dans les années 1970, avec l'adoption d'une réglementation stricte sur le neuf. Ce statut bas-carbone a été atteint grâce à une politique coordonnée menée pendant plusieurs décennies. En France, la politique est beaucoup plus jeune. Elle doit encore se coordonner et donner une visibilité d'ensemble au secteur. Le processus prendra aussi plusieurs décennies. La nôtre doit voir le niveau des rénovations remonter et il faudra ensuite une vingtaine d'années pour rénover l'ensemble du parc.

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