Intervention de Sylvie Montout

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 6 mars 2023 à 15h00
Audition de M. Vincent Aussilloux directeur du département économie et finances de france stratégie et Mme Sylvie Montout responsable de projet en charge de l'évaluation du plan de relance

Sylvie Montout, responsable de projet en charge de l'évaluation du plan de relance :

Je vais vous présenter les résultats de notre évaluation de MaPrimeRénov' qui montre que nous devons aller vers davantage de rénovations énergétiques globales performantes, et pas seulement des opérations mono-gestes.

Le dispositif évolue, avec la mise en place depuis la fin de l'année dernière de la plateforme France Rénov' et de Mon Accompagnateur Rénov'. On avait noté, lors de notre première évaluation en 2021, le manque d'accompagnement des ménages, lequel aboutissait à privilégier les mono-gestes. Les ménages modestes sont les principaux bénéficiaires du dispositif, mais, si l'on se fonde sur les déclarations des ménages auprès de l'Anah, le reste à charge reste important, même s'il ne s'agit que d'une estimation, car nous n'avons pas accès à toutes les primes que touchent les ménages. C'est pourquoi, en mars 2022, un décret met en oeuvre le nouvel éco-prêt à taux zéro. J'espère que nous pourrons en voir les effets lors de notre prochaine évaluation.

Les rénovations mono-gestes sont prépondérantes. La plupart des travaux demandés par les ménages sont liés au chauffage et à la ventilation. En 2021, les travaux engagés par MaPrimeRénov' auraient permis d'obtenir un gain théorique supérieur à celui du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en 2019. Par logement, les gains de MaPrimeRénov' sont 40 % supérieurs à ceux du CITE.

Mais on constate que ce ne sont pas les travaux les plus efficients en termes de gains énergétiques par euro investi qui sont subventionnés. Les taux de subvention moyens de la pompe à chaleur air-eau, de la chaudière gaz très haute performance énergétique (THPE), ou encore de l'isolation des murs par l'intérieur sont modestes comparé à leur gain énergétique par euro de travaux investi. À l'inverse, les installations de chauffe-eau solaires individuels et de ventilations à double flux ont des taux de subvention moyens parmi les plus élevés et des gains énergétiques moyens par euro de travaux relativement modestes.

Néanmoins, MaPrimeRénov' a un impact important pour la réduction de l'émission de GES, grâce notamment à l'installation de poêles à granulés ou de pompes à chaleur air-eau.

Nous avons également vérifié si MaPrimeRénov' était sollicité par des territoires ayant des besoins en termes de rénovation énergétique ; c'est bien le cas, à l'exception de la région Île-de-France où le recours à MaPrimeRénov' s'avère faible par rapport au nombre de passoires thermiques. Cela s'explique par le fait que les propriétaires bailleurs ont fait peu appel à MaPrimeRénov' et que le recours à MaPrimeRénov' Copropriétés est encore peu répandu. Au-delà des difficultés liées aux procédures, des villes comme Paris sont très fournies en bâtiments historiques, avec des réglementations strictes à respecter.

MaPrimeRénov' Sérénité - le dispositif qui s'est substitué à « Habiter Mieux Sérénité » - a permis, en 2021, d'engager environ 60 000 rénovations globales. Cela dit, même avec des rénovations induisant des gains énergétiques importants, ceux-ci ne sont pas toujours suffisants pour garantir des sorties de l'état de passoire thermique. Ainsi, certains logements avec des gains énergétiques moyens parmi les plus importants sont encore considérés comme des passoires thermiques. L'enjeu est d'arriver à identifier les bons gestes. Un audit réalisé avant les travaux permet d'estimer le gain attendu. Cependant, même si le gain attendu est significatif, l'ensemble de ces rénovations globales n'a permis des sorties de passoires thermiques que pour 57 % des logements concernés.

En conclusion, il s'agit de noter la massification des travaux de rénovation. Les économies en matière d'émissions de CO2 sont importantes, en adéquation avec les attentes de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). En revanche, le dispositif a montré ses limites - mais peut-être n'était-ce pas son ambition première - dans le déclenchement des rénovations d'ampleur, ces rénovations « performantes » et « globales » qui doivent être réalisées dans un temps déterminé - pas plus de 18 mois -, en vérifiant la cohérence et la simultanéité de certains gestes et, bien sûr, en atteignant un gain énergétique significatif.

La difficulté consiste à massifier les travaux de rénovation dans les copropriétés, qui représentent plus de la moitié des résidences principales. Or, MaPrimeRénov' concerne essentiellement des maisons individuelles. On observe un faible accès des ménages à MaPrimeRénov' Copropriétés ; il semblerait que l'on assiste à une légère progression pour l'année 2022, mais cela reste très en deçà des attentes. L'horizon de temps est le principal problème ; afin de pouvoir enclencher les travaux, il faut que se tienne une assemblée générale réunissant les copropriétaires et que soit obtenu un vote à la majorité. La difficulté du processus peut expliquer le faible recours, outre le fait de composer avec de fortes contraintes dans les métropoles.

Vous avez évoqué le fait que l'ensemble des travaux étaient basés sur des estimations théoriques, notamment l'enquête sur les travaux de rénovation énergétique dans les maisons individuelles (TREMI) du Commissariat général au développement durable (CGDD). Nous en avons conscience et, dans un premier temps, avons réalisé une première évaluation afin de vérifier l'impact des travaux de rénovation sur un échantillon ; le nombre de réponses étant insuffisant, nous n'avons pu établir une estimation.

Cette année, le service statistique du CGDD prévoit d'évaluer la consommation de 1 million de ménages, soit l'ensemble des ménages ayant réalisé des travaux de rénovation énergétique, et non seulement ceux qui ont bénéficié de MaPrimeRénov'. D'ici fin 2023 ou début 2024, il devrait être possible d'estimer l'impact de ces travaux de rénovation, en prenant en compte la consommation réelle et l'effet rebond.

L'enjeu est aussi important, d'un point de vue environnemental et sociétal, pour les bâtiments publics. Beaucoup de bâtiments sont, en effet, de vraies passoires thermiques...

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