Je vais rapidement présenter mes activités. Je suis ingénieure formée dans les sciences de la terre. J'ai commencé à exercer mes fonctions dans un bureau d'études certifié en matière de sites et sols pollués, puis dans un grand cabinet de conseil. J'ai fondé en 2009 mon entreprise pour mener des activités de conseil en environnement. Mes clients sont aussi bien des industriels que les pouvoirs publics, ce qui reflète l'étendue de mes missions : en tant qu'ingénieure, je traite de sujets techniques tels que la pollution des eaux, des sols ou les déchets, mais j'ai également une approche plus large sur les sujets de développement durable des grands groupes ou sur la ville durable.
En matière de sites et sols pollués, mon rôle est généralement l'assistance à la maîtrise d'ouvrage et le pilotage de la gestion des sols pollués. À ce titre, nous élaborons des stratégies de gestion ; nous lançons des appels d'offres envers les bureaux d'études et de dépollution pour mener à bien la dépollution des sites ; nous suivons les travaux et études ; et nous participons à la rédaction des clauses dans les baux et contrats. J'élabore donc des politiques de dépollution pour nos clients. Nous effectuons des missions de long-terme, mais aussi de la gestion de crise, via des réunions de conciliation, de concertation publique et via des approches de prévention de crise.
En tant que consultante sur les thématiques environnementales, je dois faire le pont entre les acteurs publics et privés, les attentes des citoyens et riverains, et les actions des professionnels que sont les bureaux d'études et de dépollution.
Au vu de mon expérience des sites et sols pollués et des missions que je vous ai présentées, je souhaite porter à votre attention trois points particuliers.
Le premier est l'information du public. Nous vivons actuellement une crise de confiance envers les élus et envers les scientifiques. Il y a une attente très forte de la part de toutes les parties prenantes pour que les thématiques environnementales soient clairement explicitées. En matière de sites et sols pollués, les bases sont incomplètes, difficilement lisibles pour le grand public sans compétence techniques. Les discours sont parfois complexes. Collectivement, il faut arriver à un discours plus pédagogique et plus clair.
Le second est la question de la loi. Les sols sont aujourd'hui le dernier milieu qui n'est pas réellement protégé par le code de l'environnement en France. L'eau ou les déchets font l'objet de plusieurs centaines d'articles législatifs. Pour les sols, il existe en 2020 seulement trois articles de loi et six articles réglementaires, tous relatifs aux secteurs d'information sur les sols (SIS). Le cadre légal est donc quasi-inexistant, ce qui implique que même les acteurs de bonne volonté tels que les propriétaires fonciers qui souhaitent développer leurs territoires ne savent pas où ils vont en raison de ce vide juridique. Il faut leur fournir une base solide et stable pour travailler. Le point central selon moi est l'absence d'obligation de déclaration en cas de découverte de pollution des sols. Par exemple, un promoteur qui découvrirait une pollution dans le cadre de travaux de construction sera chargé de gérer correctement cette pollution, mais rien ne l'obligera à la déclarer aux autorités publiques. Il en va de même qu'il s'agisse d'un promoteur, d'un particulier ou d'un industriel. Une obligation existe uniquement au moment de la cessation d'activité d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), les exploitants devant déclarer tout incident ou accident. Ces zones d'ombre créent une instabilité.
Le dernier porte sur les moyens humains et matériels à disposition des acteurs publics, en particulier les inspecteurs des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). Même avec un cadre réglementaire idéal, même avec une population intéressée et informée, il faut donner aux acteurs publics les moyens de travailler. Les inspecteurs des Dreal sont en sous-effectifs, alors qu'ils sont pourtant les « juges de paix » des sites et sols pollués. Bien sûr, il existe un mécanisme de certification des bureaux, mais celle-ci touche au format, à la méthode, à la manière de travailler. Elle ne vérifie pas le contenu des rapports et leur conformité à la législation ou aux bonnes pratiques. L'échange entre les inspecteurs, les industriels, les bureaux, les collectivités est fondamental ; or, du fait du manque d'effectif actuel et de leur concentration sur les IPCE, le dialogue ne fonctionne pas assez bien et l'Etat manque aujourd'hui de répondant.