Intervention de Laura Verdier

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 10 juin 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Laura Verdier consultante en gestion des sites et sols pollués fondatrice de lvr consulting en téléconférence

Laura Verdier, consultante en gestion des sites et sols pollués, fondatrice de LVR Consulting :

Concernant la qualité de l'information disponible dans les bases, il faut tout d'abord comprendre que Basias n'est pas une base qui recense les sites pollués en France, mais les activités industrielles ou de services potentiellement polluantes qui ont eu cours sur le territoire français. Cette base est donc un outil intéressant, mais ce n'est pas une base de recensement des sites et sols pollués. Très utilisée par les bureaux d'études, elle n'est pas exhaustive car le travail est monumental et ne sera pas achevé avant de nombreuses années.

La seule vraie base de données de pollution des sites et sols est Basol. Sa qualité tient à ce qu'elle est complétée par les inspecteurs des Dreal, qui sont sachants en la matière. Mais l'information qu'elle contient est très littéraire et très technique. Il faudrait travailler sur un affichage plus visuel et sur une traduction sous forme de cartographie. Un tel exercice de carte en « code couleur » est par exemple demandé aux bureaux d'études dans le cadre de leurs rapports : cela devrait avoir cours au niveau de Basol également. Par ailleurs, il existe un biais qui tient à ce que les inspecteurs de la Dreal ne sont sollicités que sur des sites ICPE, et, de surcroît, sur des sites en fin d'activité. Les sites en cours de fonctionnement ne sont donc pas concernés, sauf si l'administration s'en est saisie : beaucoup de sites en zones urbaines ne figurent pas sur Basol. Cette base qui est donc à la fois très technique et non exhaustive n'est pas idéale du point de vue de l'information du public. Je travaille entre autres à former les notaires sur les sites et sols pollués : je constate souvent qu'ils ont connaissance de nombreux sites et sols pollués qui ne sont pas listés sur Basol. C'est là un problème en termes de confiance. À Marseille par exemple, seulement 40 sites sont référencés sur Basol : c'est irréel, les sites sont bien plus nombreux.

Les SIS me paraissent extrêmement importants car ils intègrent la thématique des sites et sols pollués aux documents d'urbanisme. Auparavant, chacun devait chercher et retrouver l'information par d'autres moyens tels que les bases... Ils figurent aujourd'hui sur les documents d'urbanisme eux-mêmes. Je relève toutefois un problème : les inspecteurs des Dreal ont complété ces SIS après consultation des propriétaires et des collectivités. À nouveau, on constate une « perte en ligne » : toujours à Marseille, seuls vingt sites sont listés dans les SIS, contre quarante dans Basol. Avec une telle perte de données, l'information devient si incomplète qu'elle pourrait être perçue par les populations comme un manque de sérieux, alors qu'elle reflète en réalité un manque d'information de l'administration.

La réglementation minière est en train d'être mise à jour, notamment sur son volet environnemental. Je ne suis pas en mesure de vous dire ce qui figurera dans ce texte de loi.

Au niveau du code de l'environnement, comme je l'ai mentionné, il n'existe que trois articles législatifs et six articles réglementaires relatifs aux sols pollués. On ne retrouve ces problématiques que dans la législation relative aux ICPE. Il n'y a aujourd'hui pas de définition des sols, ni de l'usage, alors que cette notion fonde pourtant la pratique de la gestion des sites et sols pollués. La réhabilitation n'est pas non plus définie. Nous devons donc rentrer dans ces débats au niveau des clauses et des contrats, ce qui génère beaucoup de contentieux : quel site, à quel endroit, quel type de pollution, quel sera l'usage... Nous nous dirigeons aujourd'hui vers un « droit mou » jurisprudentiel, sauf si un texte intervient pour mettre en place un « droit dur ».

Un autre sujet n'est pas traité par la réglementation : c'est celui du guide méthodologique national de gestion des sites et sols pollués. Il a été remodelé en 2007 et remis à jour en 2017. Il fonde tous nos travaux, nous suivons tous sa doctrine car c'est la seule que nous ayons, mais il n'a aucune valeur légale et n'est pas opposable à ceux qui ne le suivraient pas - y compris à ceux qui n'en sont pas informés. Ainsi, lors d'une formation, l'une des personnes m'a un jour transmis un rapport de bureau d'études qui ne suivait en aucune façon la méthodologie nationale... Aujourd'hui, la gestion des sites et sols pollués n'est régie que par de simples bonnes pratiques.

L'autre point fondamental, je l'ai dit, est l'absence d'obligation de déclaration de découverte de pollutions. Tant qu'il n'y aura pas de telle obligation, il n'y aura pas non plus d'information dans les bases, ni d'action de l'État ou des professionnels de la gestion des pollutions... Aujourd'hui, un industriel qui découvre une pollution peut parfaitement décider de gérer celle-ci en interne jusqu'à la fermeture du site plusieurs années après, tout cela sans intervention de l'administration. Sa seule responsabilité sera de ne pas atteindre à la santé des travailleurs et de ne pas laisser la pollution se répandre. Les inspecteurs de l'environnement devraient pouvoir agir comme garde-fous de ces pratiques.

Concernant les friches, là non plus, il n'en existe pas de définition. Généralement, il s'agit de terrains dont personne ne sait plus quoi faire et qui se retrouvent dans les mains des pouvoirs publics qui devront les gérer. Ces friches sont une problématique intéressante car elles s'inscrivent dans plusieurs politiques larges telles que la préservation de l'environnement ou la lutte contre l'étalement urbain. Un bon exemple de revitalisation de friches est celui de Lyon-Confluence, anciennement l'une des plus polluées de France. Cette expérience a permis aux acteurs français de la dépollution d'acquérir des compétences et de faire avancer la recherche et le développement. Cette opération a pu se faire car elle a bénéficié d'un coût élevé du foncier. Dans d'autres cas et dans d'autres zones, les prix ne seront pas suffisants pour « financiariser » la dépollution. Le nerf de la guerre est le financement de la dépollution.

Selon moi, il faut penser de manière innovante et ne pas se limiter aux seuls usages urbains, c'est-à-dire ne pas uniquement penser à la construction. Il existe des usages alternatifs, comme l'implantation d'installations photovoltaïques, à défaut de pouvoir construire de l'habitat sur ces terres. C'est une bonne option, mais elle est très longue à développer et ne pourra être mise en oeuvre partout. Une autre option est de faire de ces sites des zones d'expérimentations pour les acteurs de la dépollution. En France, majoritairement, on agit par excavation, en déplaçant la pollution ; ou bien par confinement de la pollution sur site, ce qui interroge sur le long-terme. Il existe cependant beaucoup d'autres méthodes de dépollution, mais elles sont peu utilisées pour des raisons de coût mais aussi de maturité technique.

Par exemple, il y a encore beaucoup de recherche et développement à réaliser sur la phytoremédiation. Pourquoi ne pas utiliser d'anciennes friches pour essayer de faire évoluer les connaissances sur les sites et sols pollués et sur les méthodes de dépollution ? Il est également possible de faire de ces friches des zones de compensation de la biodiversité, sous réserve que la biodiversité soit compatible avec l'état de pollution du sol. Une autre approche que je trouve intéressante et qui est en plein développement est celle des plateformes de tri, dans une logique d'économie circulaire d'un territoire. L'idée est de mettre, sur un site gelé, une installation de gestion et de traitement de terres et de permettre aux acteurs du territoire d'y apporter leurs terres sur cette zone, où elles seront traitées, puis rendues aux acteurs du territoire qui auraient des besoins, notamment dans le cas de travaux de construction.

L'aspect « sols » est absent des points de contrôle lors d'un contrôle d'une ICPE. Aujourd'hui, un inspecteur va vérifier la conformité des installations aux obligations prévues par les arrêtés en matière de mesure de rejet d'eau, de rejets dans l'air, de suivi de la quantité de déchets produits. Rien n'est demandé sur les sols pendant la vie de l'installation. Tant que l'installation fonctionne, l'industriel n'a aucune obligation de suivre l'état de ses sols. Il serait intéressant, au niveau des arrêtés préfectoraux et des arrêtés ministériels, d'ajouter des points de contrôle périodiques (il pourrait s'agir d'autocontrôles). Pour les installations soumises à déclaration, des contrôles périodiques sont réalisés par des acteurs privés. Il serait intéressant d'ajouter dans leurs points de contrôle un point sur les sols pollués parce qu'en cas de non-conformité majeure, il existe une obligation de faire remonter ce point à l'administration. Cela permettrait aux Dreal d'être informées sans même se déplacer.

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