Intervention de Claude Huriet

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 8 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Claude Huriet professeur émérite rapporteur de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme président d'un groupe de travail des assises du médicament

Claude Huriet, professeur émérite :

Je crois qu'il est trop tôt pour se prononcer. Il ne suffit pas de dénoncer les dangers d'un médicament pour affirmer que toutes les victimes se sont présentées à bon escient. Les chiffres méritent d'être soumis à une analyse contradictoire.

S'agissant des dysfonctionnements au sein de l'Afssaps pointés par le rapport de l'Igas, vous connaissez les liens affectifs que j'ai pu avoir avec cette agence et l'InVS. Pour analyser les dysfonctionnements d'une institution comme l'Afssaps, le rapport de l'Igas a été rédigé dans des délais extrêmement brefs. Il aurait fallu s'appuyer sur des faits et non sur une analyse globale entraînant du reste des conséquences non seulement au sein de l'Agence mais aussi au sein de la population. Il faut être très attentif à ne pas casser la confiance des citoyens dans des institutions qui sont censées les défendre, sans pour autant affirmer que cette confiance doit être aveugle. Il y a également une perte de confiance dans le médicament. Même s'il est important de remettre en cause une consommation française parfois excessive, la marche ne doit pas être franchie trop vite. S'il y a eu des dysfonctionnements, il appartiendra aux différentes instances de se prononcer sur leur nature et les remèdes à apporter.

Concernant les conflits d'intérêts, c'est seulement parce qu'il y a expertise que les décisions peuvent apparaître comme suspectes. L'expertise fait heureusement l'objet d'un renouveau de discussions et de débats. La question majeure n'est, à mon sens, pas tant les conflits d'intérêts que les problèmes posés par l'expertise. L'expertise revêt un caractère nécessaire mais exige des conditions de mise en oeuvre très particulières quand il s'agit d'innovations. L'innovation thérapeutique nécessite en effet de se hâter tout en restant prudent pour s'assurer que les bénéfices sont supérieurs aux risques. C'est à travers l'innovation et son expertise que nous devons réfléchir aux conflits d'intérêts. En matière d'innovation, les personnes disposant des connaissances, de la réflexion et des moyens de porter une appréciation hors de tout conflit d'intérêts sont très peu nombreuses. Les experts ont en effet pu être approchés par des firmes pharmaceutiques. Pour autant, faut-il les écarter ? Et dans ce cas, par qui les remplacer ? Jean-François Mattei souligne « qu'il n'y a pas d'expert naïf ». Une expertise ne vaut que si elle est contradictoire, qu'elle tient compte d'avis d'experts qui peuvent être contradictoires mais proviennent tous de personnes ayant les connaissances suffisantes pour savoir ce dont elles parlent. Le caractère contradictoire, la publicité et, éventuellement, la collégialité sont des éléments extrêmement importants. Peu après le vote de la loi de 1998, Mme Veil, alors ministre de la santé, avait introduit un amendement autorisant le ministre à faire un recours hiérarchique contre une décision d'une Agence, autorité administrative indépendante. Je suis intervenu au nom de la commission des affaires sociales pour m'opposer à cet amendement. Voter un tel amendement revenant, en effet, à considérer que l'expert saisi en application du recours hiérarchique pourrait émettre un avis différent de celui des experts de l'Agence. Retenir ce second avis reviendrait à se prononcer pour un changement de gouvernance de l'Agence.

Concernant le quatrième point du questionnaire, j'ai exercé deux mandats à la présidence de l'Oniam (Office national d'indemnisation des accidents médicaux). Le Sénat avait été à l'origine d'une proposition de loi sur la reconnaissance de l'aléa médical (avec une responsabilité sans faute). Cette proposition a été reprise par Bernard Kouchner dans la loi sur le droit des malades de 2002. Je me suis enquis des quelques réponses possibles auprès du directeur actuel de l'Oniam, Dominique Martin.

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