Le rapport de l'Igas est très précis quant à l'analyse des différentes indications et des conditions de l'AMM. Nous avons mené au sein de l'assurance maladie dans les années 1998 un ensemble d'études, pas seulement en Bourgogne, à la suite des publications parues notamment dans le journal Prescrire. A l'époque, il s'agissait avant tout de mesurer le respect des conditions de remboursement et non d'évaluer le rapport bénéfices/risques. Le professeur Allemand avait tiré la sonnette d'alarme face à cette situation en s'interrogeant sur la structure amphétaminique de ce produit, dont il est apparu ultérieurement qu'elle pouvait être un précurseur de la norfenfluramine, composant très anorexigène. Les suspicions ont été portées à la connaissance des pouvoirs publics, y compris du directeur général de la santé de l'époque. Ces éléments n'ont pas été jugés suffisamment convaincants. Au cours des contrôles, les praticiens conseils qui constataient des prescriptions décalées des conditions de remboursement pouvaient déférer les médecins contrôlés devant le Conseil de l'Ordre pour manquement aux règles déontologiques ou de facturation, ce qui a été fait pour un certain nombre de cas. Il n'appartenait pas à l'assurance maladie de prendre des décisions qui ne lui incombaient pas.
S'agissant de l'action en justice, notre analyse s'est, en premier lieu, concentrée sur la situation du droit en matière de recours contre tiers qui est imputable à l'assurance maladie. Il s'avère que ces demandes peuvent se réaliser dans un environnement législatif relativement contraint. Dans le cadre des contentieux, l'assurance maladie peut être appelée à la cause par les juges. Cependant, dans le cas d'accord amiable, la déclaration de l'accord est obligatoire auprès de la Caisse. Si elle n'est pas faite, cette absence de déclaration n'est pas opposable aux victimes et la pénalité financière se limite à 470 euros. J'ai donc demandé au Gouvernement d'examiner la possibilité de réévaluer cette situation.
En deuxième lieu, nous avons également fait l'analyse du préjudice que nous considérons avoir subi, si les révélations de l'Igas s'avèrent fondées, ce qui est notre avis. Nous distinguons trois types de préjudices :
- les soins engagés du fait des conséquences délétères d'un produit de santé ;
- les rappels des patients qui sont en cours ;
- le maintien d'un produit de santé sur une durée beaucoup plus longue si des informations avaient pu être analysées par les pouvoirs publics de manière à changer leur décision.
Ce dernier chef de préjudice est de loin le plus important. Dans le cas du Mediator, il s'agit de 30 millions d'euros de chiffre d'affaires par an. Dans ce contexte, en lien avec les autres régimes d'assurance maladie, nous avons pris la décision de faire valoir ce chef de préjudice sur le fondement de la tromperie aggravée. Nous avons déposé plainte au pénal afin de faire valoir nos droits au civil. Le montant du préjudice à ce titre a été évalué à partir du rapport de l'Igas. Ce rapport a conclu que le produit aurait pu être retiré dès 1999-2000. Le montant du préjudice est ainsi évalué à 226 millions d'euros en euros courants pour le régime général, à 300 millions d'euros pour l'ensemble des régimes, et à 400 millions d'euros tous régimes, y compris complémentaires, confondus. Nous avons déposé plainte sur le chef de la tromperie et accessoirement de l'escroquerie.