Intervention de Michel Prugue

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 19 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de Mm. Michel Prugue président et christian marinov directeur de la confédération française de l'aviculture

Michel Prugue, président de la Confédération française de l'aviculture :

Nous importons à prix bas sans regarder comment les aliments sont produits, pendant que nous nous imposons des règles de production très strictes.

Je le dis à des patrons de grande distribution : « Arrêtez de vouloir réduire toujours plus les prix payés aux éleveurs ! » Il y a quinze ans, un ministre voulait réunir les producteurs laitiers pour résoudre une crise du lait : d'accord, avons-nous répondu, si tous les coupables sont présents autour de la table. Je pensais aux distributeurs...

L'an dernier, les prévisionnistes annonçaient une récolte de céréales normale. Les prix ont été négociés, mais des conditions climatiques extrêmes ont touché les Etats-Unis et l'Europe de l'est, d'où une spéculation inattendue. Mais pour les producteurs eux-mêmes, les hausses de prix, qui auraient dû être de 15 ou 16 %, n'ont pas dépassé 8 à 9 %. Pour faire pendant à ce retard, nous avions proposé que, lorsque les cours des céréales reflueraient, on attende six à huit mois pour réduire les prix des volailles, afin de protéger nos entreprises. Hélas cela n'a pas été possible, en raison d'une concurrence exacerbée. De fait, les prix ont immédiatement recommencé à baisser.

Le système est déréglé. Que faire ? Je n'ai pas de solution clé en main, mais voici des pistes de réflexion. Sur le court terme, il faut alléger les contraintes administratives et réduire le poids des normes. Par exemple, nous n'avons plus le droit de stocker les fumiers de volaille aux champs, en attendant le résultat d'études de sol : soit, mais dans l'intervalle, nous sommes pénalisés. Il faut aussi veiller à ce que les règlementations provenant des ministères de l'agriculture et de l'environnement ne se contredisent pas. La complexité de cette réglementation est difficilement supportable.

La France veut-elle rester un pays exportateur de volailles ou veut-elle recycler sa production sur le marché intérieur ? La question ne peut se poser ainsi, car il ne s'agit pas des mêmes marchés : les circuits, les produits et les entreprises diffèrent. Les distorsions de concurrence pourraient être compensées grâce à la promotion de l'exportation : cela coûterait 40 à 50 millions d'euros à l'Europe, sur le budget de la PAC, et ce serait une manière habile de soutenir les exportations de céréales transformées dans la production de poulet.

Pour inciter les entreprises à se restructurer et les producteurs à investir, encore faut-il avoir une bonne visibilité sur le marché intérieur. Le ministre de l'agriculture avait proposé de communiquer sur la volaille française en mettant en avant les logos commerciaux, le bien-être animal et le caractère local de la production. Nous y sommes bien évidemment favorables. Nous sommes aussi d'accord aussi pour privilégier la sécurité et le plaisir gustatif.

Sur le moyen et long terme, nous proposons de repenser nos schémas d'amélioration de la productivité par la génétique et la nutrition animale. En partant des produits dont nous aurons besoin demain, nous pourrions définir les types de volailles à retenir. Les Etats-Unis se sont déjà lancés dans cette voie et ils proposent des volailles de bonne qualité, nourries à base de maïs et de soja. Nous devons aussi veiller à remettre notre société de consommation en phase avec la réalité de la production. On ne nourrira pas les 60 millions de Français avec des poulets élevés dans des cours de ferme. L'élevage de volaille, c'est de la transformation de céréales en protéines animales, ce qui n'empêche pas de travailler sur l'immatériel et l'imaginaire de nos concitoyens. Il y a une grande différence entre le poulet rôti du dimanche et les nuggets de la restauration collective, ce que l'on appelle le minerai, terme que je n'aime pas, car il dévalorise le travail des éleveurs.

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