Intervention de Lucien Abenhaïm

Mission commune d'information sur le Mediator — Réunion du 22 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Lucien Abenhaïm ancien directeur général de la santé au ministère de la santé 1999-2003

Lucien Abenhaïm :

Merci.

Je pense que le produit a été mis sur le marché aux Etats-Unis en mai 1996 environ. Cela avait amené la plupart des observateurs à croire qu'il existait d'autres médicaments coupe-faim sur le marché américain dont l'équivalent du Pondéral qui s'appelait Pondimin et des génériques de ce produit (fenfluramines), ainsi que d'autres amphétaminiques dont la phentermine. Une publicité extraordinaire a commencé pour une combinaison de fenfluramine-phentermine appelée Fen-Phen. Nous avons ainsi connu en quelques mois une forte épidémie de consommation de fenfluramine et de phentermine. Par ailleurs, dix-huit millions de prescriptions de Redux ont été faites. Plusieurs millions de personnes ont donc été exposées à ces produits aux Etats-Unis pendant plusieurs mois alors que nous publions notre article (en août 1996) indiquant que les anorexigènes étaient la cause de HTAP, notamment les fenfluramines.

Cette publication a été accompagnée d'un éditorial frelaté, c'est-à-dire rédigé par des personnes qui étaient en contrat avec des firmes. Nous avons dénoncé très fortement cette situation. Dès lors la publicité sur ces médicaments était due davantage à l'éditorial. Entre notre passage à la FDA et la publication, nous avions rencontré beaucoup de scepticisme de la part de la majorité des intervenants, qui disaient : « Comment la FDA peut-elle se tromper ? » Heureusement je n'étais pas seul. J'avais le soutien d'une douzaine de centres nord-américains dont les plus grands. L'éditorial frelaté a donc entraîné une énorme suspicion. Il a beaucoup plus fait parler de lui que notre étude.

Jusqu'en 1997, c'est-à-dire jusqu'au retrait des fenfluramines, on parlait beaucoup de notre étude et des risques ainsi que des manipulations qui pouvaient avoir lieu autour de la décision de la FDA puisque personne ne comprenait le renversement à une voix du vote américain. Nous avons demandé le lancement d'une deuxième étude aux Etats-Unis sur l'HTAP. Or nous avons obtenu une fin de non-recevoir de la part des firmes pharmaceutiques - y compris la FDA pendant un certain temps. Par conséquent j'ai utilisé les fonds restants de l'étude IPPHS pour lancer cette deuxième étude appelée SNAP de surveillance nord-américaine de l'hypertension artérielle pulmonaire primitive. Cette étude, qui a mobilisé l'ensemble de la communauté américaine, a été attachée à ma note au rapport de l'Igas mais n'a pas été publiée avec le rapport. La conclusion de cette étude était la suivante : « l'importance de l'association avec l'HTAP, l'accroissement de l'association avec l'accroissement de la durée de l'utilisation et la spécificité des fenfluramines sont cohérentes avec les études précédentes [IPPHS] indiquant que les fenfluramines sont reliées de façon causale à l'HTAP ». Les résultats préliminaires furent disponibles dès 1997. La communauté et les avocats américains - dont certains attendaient même les patients à la sortie des hôpitaux - se sont fortement mobilisés, y compris la Mayo Clinic - où le professeur McGoon avait découvert les valvulopathies.

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