Intervention de Jean-Jacques Hazan

Mission commune d'information sur le système scolaire — Réunion du 5 avril 2011 : 1ère réunion
Table ronde avec les représentants des élus et des parents d'élèves

Jean-Jacques Hazan, président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE) :

Je vous remercie de l'intérêt que cette mission porte à l'organisation de l'école et à son développement. Elle fonde son analyse sur des évaluations internationales, sur les difficultés, avantages et inconvénients de notre système éducatif. Parmi ces inconvénients figure la formation des enseignants, qui, à notre avis, a été détruite.

La décentralisation est une réalité. Depuis longtemps, dans deux écoles différentes, on ne dispense pas la même leçon à la même heure, ce qui est judicieux, puisque les enfants sont différents. Il est donc judicieux de soulever la question de la décentralisation et de l'autonomie des acteurs.

L'influence et l'implication des collectivités territoriales dans l'éducation est sans commune mesure avec ce qu'elle était avant la première décentralisation, ni même à ce qu'elle était voici dix ans. La place qu'ont prise les collectivités territoriales excède les compétences qui leur ont été déléguées. Elles concourent en effet à la réussite des élèves en leur offrant un accompagnement périscolaire, des moyens numériques, etc. Ces compétences ont parfois été prises en charge par choix politique de personnes éclairées sur le rôle et la finalité de l'école et sur le bénéfice de celle-ci en matière de santé, d'intégration et d'emploi. J'ai donc écouté avec intérêt le réquisitoire contre les suppressions d'emplois dans l'éducation nationale.

Les projets éducatifs locaux montrent que les villes et les territoires mènent une réflexion globale. Ainsi, ils montrent qu'ils sont conscients que leur action est nécessaire en dehors de la classe, lieu où se joue la réussite scolaire. Pour la FCPE, si la classe est par elle seule insuffisante, la réussite nécessite la transformation des relations pédagogiques au sein de la classe.

La dépense intérieure d'éducation a perdu un point de PIB en vingt ans. Cette diminution n'est pas négligeable. En outre, sa répartition s'est modifiée dans une forte proportion. Les collectivités territoriales supportent désormais 25 % de cette dépense, contre quelques pourcents voici quinze ans. On note que les dépenses de l'État ont décru plus vite que ne croissait celles des collectivités territoriales. D'autres pays (les États-Unis et l'Allemagne, par exemple) augmentent leurs dépenses d'éducation. Les résultats de l'étude PISA montrent que, si la croissance des dépenses d'éducation n'est pas le seul facteur de réussite, elle est un facteur très important lorsqu'elle est associée aux évolutions pédagogiques.

L'implication des collectivités territoriales engendre des risques de différenciation, notamment parce que la capacité contributive de ces collectivités est variable. Cette différenciation n'est certes pas aussi importante que la différenciation sociale ou que la manière dont cette dernière est reproduite au sein de l'école - dans notre pays plus qu'ailleurs, comme le montre l'étude PISA -, mais elle existe. Il serait judicieux que l'État impose une contribution minimale. La décentralisation s'est accomplie, jusqu'à présent, sans réguler l'autonomie laissée aux différents acteurs.

Ce constat est particulièrement vrai pour l'école maternelle. Il faut noter, à ce propos, que les territoires ruraux sont considérés comme défavorisés. Ainsi, la mairie de Millau, qui a introduit, devant le tribunal administratif, un recours contre la décision de son inspecteur d'académie, a obtenu le maintien de son école maternelle par suite de la prise en compte des enfants âgés de moins de trois ans dans la carte scolaire. Le nombre de places dans l'école maternelle montre l'absence de continuité de décision entre la collectivité locale et la collectivité nationale. Ainsi que l'a montré le rapport de la Cour des comptes, les dépenses pour la petite enfance n'ont jamais été aussi élevées, le nombre de places de crèche créées n'a jamais été aussi important, mais la capacité d'accueil des enfants âgés de moins de trois ans dans une structure collective diminue depuis que l'État a décidé de déscolariser ces enfants. La proportion de ces enfants scolarisés est passée de 30 % à 10 % - soit une diminution de 150 000 enfants.

La Cour des comptes note aussi qu'il n'y a pas égalité de traitement entre les écoles primaires, en termes de fournitures scolaires. Il serait judicieux de prévoir une contribution minimale des collectivités locales concernant ces fournitures. Le Danemark, bien que son gouvernement ne soit pas social-démocrate, ne demande aucune contribution financière aux parents d'enfant de moins de douze ans, ni pour les activités scolaires ou périscolaires, ni pour les fournitures.

L'inégalité de traitement se poursuit au collège. La fourniture en manuels scolaires est à la charge de l'État, mais celui-ci ne s'acquitte pas de son devoir en totalité. Lorsque le programme d'une matière est modifié, l'État ne fournit que 70 % des manuels nécessaires s'il s'agit d'une matière scientifique, et seulement 50 % s'il s'agit d'une langue. Pour diminuer le poids du cartable des élèves et ainsi prévenir les douleurs dorsales, vingt départements ont décidé de financer l'achat de collections de manuels supplémentaires. Il n'existe, concernant les manuels scolaires, aucune réflexion commune à l'État, aux collectivités territoriales et aux parents.

Une compétence, celle de la sectorisation des lycées, n'est pas partagée. La sectorisation des lycées généraux ou polyvalents devrait être déléguée.

La maîtrise, par les collectivités territoriales, de leurs compétences déléguées est difficile concernant la pause méridienne. La restauration scolaire est déléguée aux conseils généraux pour les collèges et aux conseils régionaux pour les lycées, mais ces collectivités territoriales ne choisissent pas la durée de la pause méridienne. Certains enfants ne disposent que de trente minutes pour manger. Cette situation ne peut perdurer.

L'école ouverte, c'est-à-dire l'ouverture des locaux de l'école en dehors des temps scolaires, fait fréquemment l'objet de débats. Elle soulève le problème du partage des responsabilités entre une institution territoriale et un établissement public qui, trop souvent, garde ses portes fermées, ce qui l'empêche de devenir une maison des savoirs ou de la connaissance.

La durée des projets d'établissement étant de trois ans, il est anormal que la carte scolaire soit modifiée chaque année. Une évolution si fréquente ne permet aucune continuité de réflexion, ni dans le pilotage de l'institution ni dans l'action des collectivités territoriales. Elle compromet la continuité de fonctionnement des collectivités territoriales - notamment en ce qui concerne l'application des accords de réduction du temps de travail des agents municipaux.

Dans les zones rurales, dans certains cas, il est proposé de conserver les regroupements pédagogiques intercommunaux tels qu'ils existent, et, dans d'autres cas, de procéder à des regroupements physiques pour construire des pôles scolaires, au motif qu'il est préférable de rassembler tous les services en un même lieu. Ces décisions de construction de pôles scolaires, qui remettent en cause l'aménagement du territoire, doivent être prises en concertation avec les élus. En outre, une enquête publique doit être menée. La présence d'une école est, en effet, l'un des critères pour lesquels on choisit de s'installer dans une commune. Ces remarques valent également pour le second degré.

Enfin, je rappellerai que la FCPE est favorable à un service de restauration scolaire obligatoirement fourni par les collectivités territoriales ou par l'État.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion