Non, pas du tout. Bouygues en détient 49 % et les 51 % sont dans le marché auprès d'investisseurs, notamment américains, qui ont chacun un quart ou un demi pour cent. Il a le contrôle du Conseil d'administration de son entreprise, puisqu'une entreprise élit son Conseil d'administration à travers l'assemblée générale des actionnaires. C'est donc lui qui nomme l'essentiel des administrateurs. Ce faisant, il a le contrôle de TF1. Je n'ai pas le contrôle de L'Express puisque je n'ai aucun administrateur. Alain Weill est le président-directeur général avec tous pouvoirs. Je peux vous parler de L'Express pour la période 2015-2019, durant laquelle j'en étais propriétaire, à travers mon groupe. Par la suite, ce n'était plus moi. Quant à Libération, le journal a été mis dans le fonds il y a à peu près un an et demi, on peut en parler mais je ne m'en occupe pas du tout aujourd'hui.
Votre troisième question vise à savoir si la mutualisation entre les groupes télé et de radio nuit au pluralisme. Je ne le crois pas. Le président-directeur général est mutualisé. Il en est de même du directeur de la rédaction. Il me paraît plutôt bien qu'un journaliste fasse une émission de 8 heures à 9 heures à la télé, puis de 9 heures à 11 heures à la radio, plutôt que de le payer à temps plein pour travailler une demi-heure par jour. Cela crée un environnement de travail beaucoup plus intéressant pour le journaliste. Nous avons des gens, chez nous, qui sont contents de travailler pour les deux médias. Ce sont aussi des publics différents : celui de BFM n'est pas celui de RMC. Mais les gens apprécient de retrouver leurs commentateurs ou leurs journalistes préférés dans différents médias. Pour ma part, je ne regarde pas BFM. J'écoute BFM le matin en me rasant. Si je regardais l'écran en même temps, je me couperais. J'écoute mais il n'y a rien à voir, sauf s'il se passe quelque chose sur le terrain, auquel cas on apprécie d'en avoir des images. Lorsque je regarde BFM tard le soir, mon épouse s'étonne que je n'en aie pas assez de regarder BFM. Je lui réponds que je travaille.
Comment lutter contre les GAFA ? J'ai une idée. Vous n'allez pas l'aimer. Pourtant, c'est la bonne. Elle va à contre-courant de ce qu'on pense souvent. Il existe la « neutralité du Net ». C'est une énorme bêtise. Grâce à des mesures réglementaires, les opérateurs télécom sont obligés de traiter tous les fournisseurs de services de la même façon. Nous n'avons pas le droit de différencier tel ou tel. Or les milliards que nous investissons et les emplois que nous créons ou maintenons en France sont utilisés à 85 % par les GAFA. 85 % du trafic des réseaux télécom des quatre grands opérateurs est utilisé par ces plates-formes. Nous sommes parvenus à leur faire payer quelques impôts en France mais c'est symbolique.
En Corée est apparue une idée géniale. Les Coréens commencent à différencier les plates-formes en fonction du débit qu'elles utilisent auprès des opérateurs, ce qui est logique. Netflix est entré en France sans aucun abonné. Aujourd'hui, il en a trois fois plus que Canal+. L'abonnement coûtait 7,50 euros au moment de son lancement. Aujourd'hui, il est de 14 euros et cela va passer à 20 euros sans que vous vous en aperceviez. Quel est le montant reversé par Netflix à la population française ? Ce montant est pratiquement nul. Si vous roulez en deux roues sur l'autoroute, il est normal que vous payiez moins cher qu'un 33 tonnes. Si ces plates-formes payaient en fonction du débit qu'elles utilisent, cela générerait des revenus supplémentaires que nous pourrions investir pour nous renforcer et nous déployer davantage. Je ne suis pas législateur. Je ne peux que suggérer quelques idées.