Intervention de Patrick Drahi

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 2 février 2022 à 16h45
Audition de M. Patrick Drahi fondateur et propriétaire d'altice

Patrick Drahi, fondateur et propriétaire d'Altice :

Je n'ai pas d'objection au rapprochement de TF1 et M6, qui me paraît assez logique. Ces deux groupes voient leur audience décliner, sous l'effet de la multiplicité des plates-formes. C'est un peu comme dans les télécoms. Je ne serai pas cohérent si je plaidais pour la consolidation dans les télécoms et contre celle-ci dans les médias. J'y suis donc favorable. J'aurais aimé jouer un rôle dans ce mouvement car mon groupe est de taille modeste, même si nous avons la première chaîne d'information. Je suis très fier d'être passé d'un chiffre d'affaires de 190 à 350 millions d'euros mais il ne s'agit que de 350 millions, là où TF1 réalise, de mémoire, un chiffre d'affaires de 2,2 milliards et M6 1,5 ou 1,6 milliard. Le nouvel ensemble va représenter un chiffre d'affaires de 3,7 milliards d'euros. Cela me fait plaisir pour eux. Ils seront plus forts et vont pouvoir se développer à l'international. J'espère qu'ils pourront un jour détenir 100 % de leur entreprise. Ce serait plus logique. Cela dit, leur chiffre d'affaires ne représente même pas le résultat du plus petit opérateur de télévision aux États-Unis. Il faut qu'ils soient plus gros pour résister. Il faut que ce soit un acteur paneuropéen et mondial. Avec mes 350 millions d'euros, j'aimerais faire beaucoup plus d'ici trois ou quatre ans. J'aimerais donc, dans cette reconfiguration, pouvoir renforcer mon groupe du point de vue économique.

Il existe un risque dans ce rapprochement. Je ne sais pas si vous l'avez perçu. Depuis quelques années, ces grandes chaînes de télévision se sont mises à facturer les opérateurs télécom. Nous sommes un peu entre le marteau et l'enclume car, en vertu de la réglementation (je crois qu'il s'agit d'ailleurs de la loi de 1986), nous sommes obligés de les distribuer. Lorsqu'un de ces acteurs nous annonce que, l'année suivante, ce sera payant, nous ne pouvons même pas négocier. Lorsqu'ils ont 25 % d'audience d'un côté, 9 %, de l'autre, on fait semblant de négocier. Lorsqu'ils auront 36 % d'audience, il faudra prendre garde à ce qu'ils ne fixent pas les tarifs et à ce que ceux-ci ne grimpent pas de 40 % chaque année.

Je pense qu'il existe en effet un risque sur le marché de la publicité. Je connais un peu M. Bouygues. C'est un homme d'entreprise, qui souhaite développer son entreprise. C'est très respectable. Il vient de réaliser une acquisition majeure et emblématique. Bouygues est présent dans le monde entier. C'est magnifique. Mais ce n'est pas encore le cas dans les médias. Je pense qu'il aimerait développer son groupe dans les médias au-delà de la France. Pour ce faire, il faut se renforcer sur son marché. Face aux Gafam dont nous parlions, ce rapprochement me paraît salutaire. Il y a trop de chaînes. Il y avait une chaîne. Nous sommes passés à trois, puis à six au moment du plan Câble. Lorsque le plan Câble a été lancé en France, ce fut une catastrophe car on voulait vendre plein de chaînes aux Français. Ils n'en avaient plus besoin car on était passé de trois à six. On a toujours de bonnes idées, avec un peu de retard. Au moment où les télécoms commençaient à s'en sortir, on s'est lancé dans la TNT, qui était une nouvelle technologie. On passait de la guerre de 14 au numérique. On est passé de six à trente chaînes. Chacun a vu que cela n'avait aucun sens. 30 chaînes, c'était beaucoup trop. Nous voyons bien qu'ils n'y arrivent pas. Il va donc y avoir des mouvements de concentration.

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