Tout à l'heure, vous avez un peu réécrit l'histoire en estimant qu'on avait tout fait pour diviser les acteurs et empêcher l'un d'eux de dominer le marché des médias. La réalité est un peu différente. On a d'abord cassé le monopole public qui existait il y a très longtemps. Je n'en suis pas forcément nostalgique mais force est de constater que ce monopole a été cassé pour faire entrer des groupes privés dans tous les nouveaux secteurs qui s'ouvraient dans l'audiovisuel. Nous avons aujourd'hui un marché très déréglementé, ce qui fait surgir des interrogations au regard d'éventuelles concentrations, pour des raisons historiques et démocratiques.
Je voudrais revenir sur cette question car vous en parlez assez peu, alors que c'est l'objet de notre commission. Vous êtes l'un des principaux acteurs des médias. Nous souhaitons savoir si la concentration favorise le pluralisme, la démocratie, la qualité de l'information. Vous n'évoquez aucun de ces aspects. Vous nous parlez de rentabilité et du souci de faire grossir votre groupe. La qualité de l'information est-elle un sujet qui vous intéresse ?
J'aimerais également savoir pourquoi, chaque fois que nous entendons un des groupes qui comptent, vous passez votre temps à nous dire que vous êtes tout petits. M. Bolloré a tenu le même discours, M. Bernard Arnault également. Or vous êtes très peu nombreux. Il y a de nombreux titres de presse et chaînes en France mais vous êtes six ou sept à contrôler l'essentiel de ce paysage médiatique. A vous entendre, si au lieu d'être six ou sept, vous étiez deux ou trois, tout irait beaucoup mieux. Du point de vue de la question qui intéresse cette commission, c'est-à-dire au regard du pluralisme, de la démocratie et de la qualité de l'information, cela reste, à mon avis, à démontrer. Pourquoi passez-vous votre temps à minimiser votre rôle alors que vous jouez de fait, à quelques-uns, un rôle très important dans la structuration du paysage médiatique ? Vous pesez dans les décisions prises par les gouvernements successifs. Le secteur lui-même fait, depuis des années, des propositions concernant sa régulation.
Vous avez dit qu'une de vos entreprises était numéro un dans la publicité en ligne. Il s'agit donc d'une entreprise très importante. Aucun média en France, qu'il soit audiovisuel ou de presse écrite, n'est rentable sans la publicité. Donc qui détient le robinet de la publicité détient beaucoup de pouvoir du point de vue de la manière dont sont gérées les choses. Les décisions que vous prenez ou les propositions que vous pouvez nous faire sont, à cet égard, importantes.
Obtenir des recettes supplémentaires des Gafam est une préoccupation que nous partageons tous, car la situation actuelle est scandaleuse : ces plates-formes pillent les contenus sans quasiment rien reverser. Vous nous avez soumis une proposition. Il y en a d'autres sur la table. Seriez-vous d'accord pour que toutes les nouvelles recettes provenant des Gafam soient mutualisées et distribuées, selon des règles à définir, de façon à garantir le pluralisme du paysage médiatique en France ?