Intervention de Janez Lenarcic

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 juillet 2020 à 8h35
Institutions européennes — Audition de M. Janez Lenarcic commissaire européen à la gestion des crises

Janez Lenarcic, commissaire européen à la gestion des crises :

Monsieur le président, chers sénateurs, merci beaucoup pour cette invitation à échanger sur la pandémie de Covid-19 et la réponse apportée dans le cadre du mécanisme européen de protection civile.

Permettez-moi de commencer par féliciter la France pour avoir été l'un des partenaires les plus fiables et les plus actifs dans la mise en oeuvre du mécanisme européen de protection civile dans le cadre de la réponse à la crise sanitaire actuelle.

Dès le début de l'épidémie en Chine, la France a rapidement apporté à ce pays une assistance par le biais du mécanisme européen de protection civile en fournissant des équipements de protection individuels. Elle a également fourni une assistance à travers ce mécanisme en réponse à d'autres situations d'urgence comme dans le cas du tremblement de terre en Croatie, du typhon aux îles Fidji ou du cyclone au Vanuatu et a apporté une assistance à la Grèce pour gérer le nombre croissant de réfugiés et migrants à ses frontières externes.

La France a aussi affrété, le 28 janvier 2020, le premier vol de rapatriement afin de ramener des citoyens de l'Union européenne depuis Wuhan, en Chine. Cela a été la toute première activation du mécanisme de protection civile dans le cadre de la crise sanitaire du coronavirus.

Depuis le début de cette crise, la France, comme plusieurs autres États membres, a participé aux efforts du mécanisme européen de protection civile, contribuant à rapatrier en Europe près de 78 000 citoyens européens, dont plus de 8 000 citoyens français. Cela a été la plus importante opération de rapatriement jamais mise en oeuvre par le mécanisme européen de protection civile. Elle a été supervisée par le Centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC), qui opère 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ce n'est qu'un exemple de la valeur ajoutée apportée par ce mécanisme européen de protection civile durant cette crise.

Il faut cependant avoir à l'esprit que, selon les traités européens, la protection civile est une compétence nationale : le mécanisme repose sur la responsabilité des États membres, qui sont responsables pour leur propre préparation, et sur leur capacité à répondre à diverses situations de crise. Si une catastrophe submerge les capacités de réponse d'un État membre, celui-ci peut faire appel au mécanisme européen de protection civile afin de bénéficier de l'appui d'autres États membres. Il est cependant arrivé, par le passé, que les autres États membres ne soient pas en mesure, faute de ressources suffisantes, de venir en aide à la demande du pays confronté à une situation d'urgence. Tel fut le cas par exemple il y a deux ans lorsque de violents feux de forêt ont touché certains États de l'Union.

C'est la raison pour laquelle le troisième niveau d'assistance, RescEU, a été créé il y a deux ans. Il vise à disposer d'une réserve de ressources mobilisables lorsque les autres États ne sont pas en mesure de répondre à une demande d'urgence faite par un État dans le cadre du mécanisme européen de protection civile. Jusqu'à cette année, l'essentiel de ces ressources était constitué par des avions bombardiers d'eau - et je voudrais particulièrement remercier la France pour sa contribution à ces ressources.

Pendant l'épidémie de coronavirus, il est apparu, en mars, que les États membres n'étaient pas en mesure de s'entraider, notamment en ce qui concerne les équipements médicaux : non seulement les États membres avaient des stocks insuffisants pour gérer leurs propres besoins, mais de surcroît, il n'y avait pas de stock au niveau européen car les États membres n'avaient pas perçu le besoin de créer ce type de réserves. La Commission a réagi rapidement à cette situation, notamment lorsque l'Italie a demandé une assistance et que les autres États n'ont pas été en mesure de répondre à cette demande. La Commission a, en un temps record, avec l'accord des États-membres, créé une réserve RescEU dans le domaine médical au niveau européen, afin de pouvoir venir en aide à l'Italie. Nous avons également été capables de constituer très rapidement des stocks, de sorte que plus de 400 000 masques à usage professionnel issus de ces stocks ont par exemple déjà pu être distribués à l'Italie, à l'Espagne, à la Croatie, à la Lituanie, au Monténégro, à la Macédoine du Nord et à la Serbie. Nous continuons bien sûr de consolider et développer cette capacité de réserve stratégique mais, pour mieux répondre à des crises futures et mieux protéger nos citoyens, nous avons besoin d'une gestion de crise améliorée au niveau européen.

C'est la raison pour laquelle la Commission a proposé de renforcer le mécanisme européen de protection civile : il s'agit d'étendre les capacités de la réserve stratégique en incluant des équipements permettant de lutter contre des crises sanitaires et des feux de forêt, mais aussi contre des catastrophes biologiques, chimiques, radiologiques ou nucléaires.

Nous proposons ainsi une augmentation significative du budget alloué à la protection civile. Nous proposons aussi que le centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC) devienne le centre unique de gestion de crise pour la durée de chaque crise. La Commission aurait la possibilité d'acheter directement tout le matériel nécessaire pour la constitution de cette réserve stratégique, alors que seuls les États membres peuvent aujourd'hui effectuer ces acquisitions pour la réserve. Enfin, nous proposons de doter la Commission de ses propres capacités logistiques et de transport afin de pouvoir gérer le déploiement de ces ressources durant les crises.

J'aimerais également dire quelques mots de notre réponse humanitaire pendant cette crise, qui est l'autre volet de mon mandat avec le mécanisme européen de protection civile.

Dès le début, nous avons souligné la nécessité de prendre en compte la dimension globale de la crise, qui a aggravé des problèmes humanitaires préexistants. Nous sommes convaincus que l'Union européenne doit faire preuve de solidarité, non seulement en son sein mais au-delà de ses frontières, car l'Europe ne peut être un îlot de prospérité dans un océan de misère.

Dans ce contexte, nous avons pu mobiliser, avec les États membres, 36 milliards d'euros au titre de la solidarité avec des États tiers. Face à la fermeture des frontières, nous avons également créé ce que nous appelons le pont aérien humanitaire de l'Union européenne, visant à permettre l'envoi de personnel médical et de fournitures médicales à des régions particulièrement difficiles d'accès. Ce travail est permis par une coopération étroite entre nos États membres et les organisations humanitaires. Là aussi, je voudrais souligner le rôle particulièrement actif de la France dans ces opérations. À ce jour, la Commission européenne a affrété plus de vingt vols humanitaires, transportant 375 tonnes de matériel de première nécessité et de fournitures médicales essentielles, et a transporté 1 200 passagers (principalement des membres d'organisation humanitaires, mais aussi du personnel diplomatique), par exemple en République centrafricaine, au Tchad, en République Démocratique du Congo, au Nigéria, à Sao Tomé-et-Principe, en Haïti, au Soudan, en Afghanistan, en Somalie et au Burkina Faso. J'ai pu participer à la première de ces opérations, vers la République centrafricaine, et j'ai également eu le plaisir d'être accompagné pour d'autres missions par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Il s'agit là d'un bon exemple de coopération entre les institutions européennes, les États membres et les organisations humanitaires, qui illustre de manière très visible la solidarité européenne et son caractère collectif.

Pour terminer, je voudrais souligner que le mécanisme européen de protection civile et l'aide humanitaire européenne font l'objet d'un très fort soutien parmi nos concitoyens puisque plus de 90 % des Européens soutiennent fortement ces initiatives.

Je souhaite donc renforcer nos capacités dans ces deux champs d'action, ce qui ne sera possible qu'à condition d'augmenter le budget qui y est consacré, qui est pour l'instant relativement limité (environ 4 euros par citoyen). J'espère que la France continuera de soutenir ces efforts.

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