Intervention de Janez Lenarcic

Commission des affaires européennes — Réunion du 9 juillet 2020 à 8h35
Institutions européennes — Audition de M. Janez Lenarcic commissaire européen à la gestion des crises

Janez Lenarcic, commissaire européen à la gestion des crises :

En effet, après dix années de crise, la situation en Syrie, ainsi que dans les pays voisins, qui abritent un grand nombre de réfugiés syriens, continue de s'aggraver. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne a décidé de poursuivre ses programmes d'aide humanitaire bénéficiant aux réfugiés syriens, en dépit du fait que le cadre financier est sur le point d'expirer. Il y a près de quatre millions de réfugiés civils syriens en Turquie, ce qui représente un fardeau considérable pour un seul pays. Les réfugiés syriens sont aussi nombreux au Liban - c'est le pays où le nombre de réfugiés syriens, rapporté à la population du pays d'accueil, est le plus important, alors même que le Liban est au bord de la banqueroute. Il y a aussi de nombreux réfugiés syriens en Jordanie, en Irak et en Égypte. C'est pourquoi la Commission européenne a proposé de poursuivre les actions humanitaires à destination de ces populations et nous espérons une décision positive du Parlement européen la semaine prochaine en faveur de ces initiatives.

Il y a aussi des millions de personnes déplacées à l'intérieur de la Syrie, non seulement dans les zones contrôlées par le gouvernement, mais aussi dans les régions du nord-est et du nord-ouest du pays. Les sanctions contre le régime syrien affectent naturellement les populations qui se trouvent dans les zones contrôlées par le gouvernement, mais pas en matière d'aide humanitaire, car les régimes de sanctions européennes et américaines prévoient des exemptions pour l'aide humanitaire. Environ la moitié de l'aide humanitaire fournie par l'Union européenne à la Syrie bénéficie aux populations se trouvant dans les zones contrôlées par le gouvernement, ce qui est cohérent avec les principes de l'Union européenne en matière d'aide humanitaire, à savoir que l'aide humanitaire doit aller à ceux qui en ont besoin, indépendamment de l'endroit où ils se trouvent. Or à l'évidence, de nombreuses populations civiles qui se trouvent dans les zones contrôlées par le gouvernement ont besoin de cette aide, ce qui justifie l'apport de cette aide de la part de l'Union.

Les sanctions ne visent pas les populations civiles, a fortiori celles qui ont besoin d'aide humanitaire. Il y a néanmoins des difficultés, en particulier pour les transferts financiers, car les banques veulent minimiser les risques : elles préfèrent souvent ne pas s'engager plutôt que de courir le risque d'être accusées de violer les sanctions, et nous avons du mal à leur faire comprendre que l'aide humanitaire est exclue du cadre de ces sanctions. Nous multiplions nos efforts de pédagogie pour résoudre ces difficultés, mais sans toujours parvenir à convaincre nos interlocuteurs.

Cependant, les sanctions ne sont pas le plus gros défi auquel nous faisons face en Syrie. Le premier défi est la difficulté à apporter de l'aide humanitaire depuis l'extérieur de la Syrie vers des zones qui ne sont pas sous contrôle du gouvernement syrien. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a autorisé l'apport de ce type d'aide humanitaire, mais cette autorisation expire demain, le 10 juillet 2020. Des négociations pour proroger cette autorisation ont lieu en ce moment même, à New York, parmi les membres du Conseil de Sécurité. En cas d'échec, des millions de personnes réfugiées et déplacées, en particulier dans le Nord-ouest de la Syrie, vont se trouver dans une situation encore plus dramatique, menaçant leur existence même.

L'autre grande difficulté concerne la capacité, pour des organismes d'aide humanitaire, d'opérer dans des zones contrôlées par le gouvernement syrien, car ces organisations rencontrent de grandes difficultés lorsqu'elles essaient d'apporter de l'aide humanitaire selon les principes qui régissent l'octroi de cette aide. Elles sont confrontées à des tentatives du gouvernement syrien de détourner l'aide vers des régions que le gouvernement souhaite favoriser, mais aussi à des obstacles administratifs et logistiques dès lors qu'elles essaient d'apporter de l'aide à des populations se trouvant dans des zones contrôlées par le gouvernement syrien. Les mesures prises par le gouvernement syrien constituent donc des obstacles majeurs à l'action humanitaire de l'Union en Syrie.

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