Intervention de Philippe Monier

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 23 juin 2020 : 1ère réunion
Audition de Mm. Antoine Londiche président et philippe monier directeur technique de la société retia filiale du groupe total en téléconférence

Philippe Monier, directeur technique de la société Retia, filiale du groupe Total :

Les interventions d'urgence réalisées au sein de cellules de crise lors d'accidents sont tout à fait particulières. Ces opérations arrivent de manière imprévue et demandent une réactivité immédiate. Comme tous les autres, le pipeline de l'Île-de-France, qui relie Le Havre au dépôt de Gargenville puis à la raffinerie de Grandpuits est équipé de détecteurs de pression vérifiant à tout instant la pression dans le tube. En cas d'accident, divers dispositifs se mettent en place pour sectionner le tube, l'isoler et identifier le lieu de la fuite. Nos équipes interviennent immédiatement. Une intervention dès les premières heures ou les premiers jours est primordiale pour confiner la pollution et éviter qu'elle ne se propage. Pardonnez-moi cette comparaison primaire, mais prenons l'exemple d'une tâche sur un vêtement. Plus la tâche s'installe, plus elle imbibe le vêtement et plus elle sera difficile à nettoyer. En réagissant rapidement, nous pouvons limiter les dégâts. Les procédés mis en oeuvre dès les premières minutes sont très importants pour empêcher à la pollution de migrer et d'avoir des impact sur d'autres milieux.

Ces actions sont conduites en collaboration étroite avec les services du service département d'incendie et de secours (SDIS), mobilisés par les services préfectoraux et, souvent, par les maires des communes concernées. Leur mission est avant tout de protéger les personnes, afin qu'elles ne soient pas touchées par les émanations gazeuses ou les risques d'incendie et d'explosion. En complément, notre rôle est de protéger les différents milieux pouvant être touchés. Sur le lieu de la fuite, nous cherchons à éviter que la pollution se propage via les systèmes naturels tels que les eaux superficielles. Dès que la pollution arrive dans ces eaux, elle se propage extrêmement rapidement du fait du mouvement de la rivière. Dans ces cas, nous mettons en place des barrages flottants pour limiter la propagation des produits. Les hydrocarbures ont la particularité d'être moins denses que l'eau, et donc de flotter dans les rivières. Nous installons des barrages dits « siphoïdes » pour prendre l'eau en fond de rivière afin de permettre un écoulement tout en bloquant ceux intervenant en superficie. Dans le même temps, nous déployons des dispositifs de protection des écosystèmes naturels, de la faune et de la flore. Nous délimitons des couloirs de passage, qui seront protégés par des films plastiques au sol pour protéger la végétation et éviter que les oiseaux et batraciens viennent sur les zones exposées.

Nos efforts portent également sur les eaux souterraines, souvent captées pour l'alimentation en eau potable. Ces eaux ne se voient pas, mais les transferts de pollution peuvent y être importants. L'enjeu est de vérifier à tout instant si ces milieux sont exposés à des risques et, au besoin, de mettre en place des barrières de protection en sous-sol.

Toutes ces opérations s'effectuent en étroites collaborations avec le SDIS, mais aussi avec les services de l'État, dont la Dreal et la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (Driee). La fuite est immédiatement déclarée à leurs services. Ils garantissent que les actions menées répondent aux exigences de la réglementation. Nous travaillons également avec les ARS, qui s'assurent de l'absence d'impact sur les populations. Les vérifications se font à partir de prélèvement dans l'air ambiant. Au besoin, les personnes touchées sont provisoirement relogées. Toutes ces opérations sont validées par la Dreal.

Après une phase de confinement, nous commençons à évacuer les impacts. Souvent, les végétaux sont les premiers touchés. Ils absorbent du polluant qu'ils peuvent relâcher à l'occasion d'un orage ou de fortes pluies. Nous cherchons à éliminer le produit pur se trouvant en surface des réseaux d'eaux superficielles ainsi que les végétaux concernés et les terres imbibées par la fuite de produit. Nous mettons en place des tranchées pour éviter les transferts au sein des terres.

Les opérations de réhabilitation interviennent ensuite sur les réseaux d'eaux superficielles, sur les réseaux d'eaux souterraines et sur les terres concernées.

Le PLIF impliquait du pétrole brut. Il s'agit de produits « légers », contenant des chaînes d'hydrocarbures relativement courtes. Ces produits sont facilement biodégradables par des bactéries. Aussi avons-nous choisi d'évacuer ces terres du site pour les envoyer vers des installations de biotraitement. Elles sont décompactées pour favoriser la circulation de l'air. Les bactéries sont ainsi mieux oxygénées, survivront plus facilement et biodégraderont les hydrocarbures. Ici, nous avons choisi de ne pas ramener les terres biodégradées afin de garantir aux agriculteurs que des cultures pourraient être remises sans difficulté. À l'issue du biotraitement, les terres sont utilisées pour des usages « moins nobles » tels que la couverture de sites industriels ou d'installations de stockage.

Dans les opérations de ce type, la phase de crise dure quelques heures ou quelques jours. La phase d'urgence s'étend de quelques jours à quelques semaines. Enfin, la réhabilitation dure de quelques mois à plusieurs années. Le PLIF est survenu à la fin du mois de février 2019. Nous menons toujours des opérations de réhabilitation. Les terres concernées ont été décompactées. Nous procédons actuellement à leur remplacement par des terres saines, qui permettront aux agriculteurs de retrouver la pleine jouissance de leurs terres.

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