Intervention de Vincent Capo-Canellas

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 octobre 2022 à 10h00
Institut national de l'information géographique et forestière ign — Contrôle budgétaire - communication

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas, rapporteur spécial :

Le sujet est ardu. L'IGN est une sorte de maquis, dont le langage est particulier. C'est celui des géographes, des géodonnées, avec un écosystème extrêmement compliqué.

C'est une maison d'ingénieurs, dotée d'un véritable acquis scientifique, mais qui est confrontée à des attaques tous azimuts et à des choix difficiles que doit effectuer le Gouvernement.

J'ai insisté sur le fait que, les différentes lois, comme la loi NOTRe, ont confié des compétences aux collectivités, qui commencent à travailler avant de se tourner vers l'IGN. Chaque région ou métropole réalise un travail de cartographie, et l'IGN doit être capable de jouer un rôle d'ensemblier, sans référentiel commun. Ce n'est donc pas extrêmement simple. On a tendance à beaucoup demander à l'IGN, mais les moyens sont peu nombreux et les choix ne sont pas très clairs.

Merci au président qui a souligné que j'avais tenté de m'attaquer à des sujets difficiles. En tant que rapporteur spécial des crédits de Météo-France, j'ai essayé de vous livrer des éléments sur la stratégie de cet organisme. J'ai fait le même travail sur la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et ses grands programmes de modernisation de la navigation aérienne. Je me penche à présent sur l'IGN pour en étudier les crédits.

Le président a insisté sur la question des moyens, qui constitue un point central. Que demande-t-on à ce type d'opérateur ? On a fait évoluer la subvention pour charges de service public à la baisse. Désormais, le financement des grands projets qui viennent pour l'essentiel des ministères est plus important que cette subvention. Il existe donc bien une fragilité financière inhérente à ce modèle.

L'IGN allait vraisemblablement mourir. Le choix a été fait de tenter une autre aventure, la seule possible peut-être, mais les risques sont là. J'insiste sur le fait qu'il y aura un problème si on ne trouve pas de grands projets à hauteur de 100 millions d'euros dans trois à quatre ans.

Cela fait partie des interrogations. La démarche conduite par le directeur général et par l'équipe de l'IGN va dans le bon sens, mais présente des risques.

Je précise que je ne crois pas aux clients privés pour fournir un volume d'affaires à l'IGN. L'État diminue sa subvention pour charges de service public. Il finance par ailleurs de grands projets. Tout est question de rythme. Si on veut stabiliser les choses, il faut donner de la visibilité à l'IGN.

Merci au rapporteur général au sujet de Météo-France. On va voir ce qu'il advient à la suite de ce que nous avons dit l'année dernière. Il y a aura, du fait notamment des événements tragiques qui ont eu lieu dernièrement, six postes de plus pour Météo-France.

Le ministre m'a dit l'autre jour qu'il lisait les bons auteurs. J'ai cru comprendre que notre alerte a permis au ministre, qui connaît bien le Sénat, de dire à ses équipes que cela ne pouvait se passer comme prévu. Souhaitons que cela ait des effets. On le verra ensemble dans quelques semaines.

Il faut effectivement travailler sur la prévention des risques. Plusieurs d'entre vous ont abordé ce sujet. L'IGN a plusieurs rôles en la matière. Il collabore avec les services d'intervention pour leur fournir des outils de navigation fiables et souverains. Il joue un rôle déterminant dans la prévention des risques inondation et submersion marine, notamment en mettant à jour les données altimétriques, la cartographie du réseau hydrographique ou encore en déterminant l'évolution du trait de côte. Après des catastrophes naturelles, notamment des inondations, l'IGN est aussi sollicité pour réaliser en urgence des prises de vues aériennes des zones sinistrées afin de mieux organiser les secours. L'IGN n'est cependant pas dans l'opérationnel direct, contrairement aux préfectures ou à la sécurité civile.

Le rapporteur général l'a dit : nous sommes au milieu du gué financier, avec un certain nombre de risques majeurs.

Vincent Delahaye pose la question de savoir si l'on a toujours besoin de l'IGN. C'est le sujet qui m'a guidé au départ. On peut se poser intellectuellement la question mais, en matière de souveraineté militaire et de sécurité civile, ce serait folie de se priver d'un institut de référence qui fournit à la France une cartographie souveraine et les évolutions de celle-ci. A défaut nous risquerions de nous retrouver entre les mains des GAFAM. Nous avons donc besoin de l'IGN. C'est un élément stratégique pour l'avenir. Certains, dans l'administration, m'ont dit que nous n'y mettions pas assez d'argent, car la donnée est souveraine, même si on a ouvert la voie à la politique des données publiques gratuites. Il convient de faire attention.

S'agissant de la subvention par emploi, question posée par Vincent Delahaye, l'IGN a en effet subi une double peine : on a baissé la subvention pour charges de service public et réduit encore plus le nombre d'effectifs. Cela a permis de financer certains projets et des mesures d'attractivité, mais il y a également eu un effet « sous-traitance », comme le dit Pascal Savoldelli.

L'IGN a à la fois fait appel à la sous-traitance pour abaisser ses coûts et parce qu'il est parfois confronté à un trop grand volume d'affaires.

Le directeur général a eu une excellente analyse en disant qu'il fallait conserver la compétence des métiers de base. Il y a des compétences stratégiques qu'il ne sous-traitera pas. Il faut que l'IGN puisse parfois faire appel au secteur privé lorsqu'il en a besoin, mais sache exercer tous ses métiers stratégiques. C'est subtil, mais assez habile. Cela a temporairement gonflé le budget de 20 millions d'euros. Cependant, il faut demeurer très vigilant et ne pas perdre les métiers et les compétences essentiels.

Pour répondre à Marc Laménie, il existe cinq directions territoriales, une école, des activités de recherche.

Vous êtes plusieurs à avoir évoqué le ZAN. Une demande a été adressée par des ministères à l'IGN pour fournir un outil d'évaluation. Ce sera un sujet compliqué. Le financement de cet outil se situe à hauteur de 18,6 millions d'euros jusqu'en 2024. Il faudra ensuite 2 millions d'euros tous les ans pour réaliser l'actualisation. Cette somme n'est pas garantie à ce stade.

Quant aux cartes papier, il faut bien évidemment les maintenir. Leur impression va être rationalisée. L'IGN a entrepris de moderniser et d'optimiser cette activité qui sera décentralisée dans le Cher. Après une analyse économique, l'IGN a prévu d'externaliser les gros tirages mais de conserver en régie les tirages inférieurs à 500 exemplaires.

Plusieurs d'entre vous ont posé la question des relations avec les collectivités. L'IGN leur fournissait, il fut un temps, des services payants, et c'était mal vu. L'IGN peut apporter des compétences, mais peu de moins en moins le faire sur sa subvention pour charges de service public. Il y a donc un moment où il faut se tourner vers un partenariat, notamment à propos de certains projets. C'est un équilibre à trouver, qui devient malheureusement nécessaire.

Michel Canévet a posé la question de la masse salariale. Celle-ci a baissé et la subvention également, mais non de manière proportionnelle, pour les raisons que j'ai indiquées. Il faut financer l'investissement et des mesures d'attractivité.

S'agissant du statut d'EPA, j'ai écrit dans le rapport que ce n'est pas un tabou, mais qu'il faut d'abord retrouver un modèle financier qui se tienne. Est-on dans une fuite en avant ? Ce n'est pas impossible. On était auparavant dans une logique récessive, qui était pire que tout. Une fois que l'on aura une vue bien claire de ce modèle financier, en 2025, il faudra se poser la question de savoir si cela tient. Je propose une évaluation extérieure et que l'on se pose à ce moment-là des questions sur l'évolution du statut.

Poser la question du statut pourrait soulever celle du maintien de cet établissement. Cela fait sens de le conserver dans le domaine public. Je n'ai aucun doute à ce sujet. Si l'on réfléchit au statut, il faut le faire avec beaucoup de prudence et un cadre très clair, dans l'optique de lui donner davantage d'agilité.

Sylvie Vermeillet a évoqué le ZAN. Je pense lui avoir répondu, de même qu'à Jean-Baptiste Blanc et Jean-Marie Mizzon qui en ont aussi parlé.

Elle a soulevé la question du cadastre. Il faut effectivement que la direction générale des finances publiques et l'IGN avancent sur la question de la fiabilisation du plan cadastral et le projet de représentation parcellaire cadastrale unique afin de répondre aux très fortes attentes des collectivités sur le sujet.

Certes, chacun a sa façon de travailler. Il faut trouver le bon modus vivendi. Ce n'est pas optimal aujourd'hui.

Christian Bilhac a dit qu'il fallait assumer le coût de la souveraineté. C'est en effet essentiel. On ne peut être absent, sans quoi c'est le secteur privé qui se chargera de tout, et on se retrouvera entre ses mains et celles de pays étrangers. Quels moyens avons-nous ? Soit ce nouveau modèle tourne convenablement et tout va bien, soit il faudra se poser des questions et majorer la subvention pour charges de service public, au moins temporairement.

Jean-Pierre Vogel évoquait la question des systèmes d'alerte. J'ai répondu au rapporteur général sur ce point.

Jean-Michel Arnaud a lui aussi posé la question des collectivités locales et du développement des partenariats équilibrés. L'ouverture gratuite des données a paradoxalement amélioré les relations entre l'IGN et les collectivités locales. Nous avons beaucoup de doutes - et il y a lieu d'en avoir -, mais l'IGN se transforme et ses partenaires trouvent cela formidable. Tout le monde estime qu'on a besoin d'un référentiel d'informations géolocalisées de base qui ne peut être que celui de l'IGN.

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