Intervention de Laurence Cohen

Commission d'enquête Pénurie de médicaments — Réunion du 1er février 2023 à 13h35
Réunion constitutive

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen, rapporteure :

En dix ans, la pénurie de médicaments a véritablement explosé, le nombre de ruptures d'approvisionnement a été multiplié par 20 ou 30, touchant les médicaments basiques comme le paracétamol, mais aussi les antibiotiques. L'opinion publique s'est particulièrement émue de la pénurie d'amoxicilline, les enfants étant les premiers concernés. Hier, la Ligue contre le cancer a alerté sur la pénurie de médicaments anticancéreux, pointant l'aggravation des inégalités et rappelant que cela a un impact sur la survie des patients à cinq ans. Il s'agit donc d'un sujet d'actualité très grave pour le suivi des patients.

Après la pandémie de la covid, nous sommes confrontés à une prise de conscience généralisée des dysfonctionnements qui existent dans notre pays. Aussi, au-delà des bilans à dresser, il nous faut essayer de trouver des solutions pour remédier à cette situation. Quelle que soit notre appartenance politique, nous avons tous, me semble-t-il, la volonté de cheminer ensemble. Pour ma part, je m'efforcerai de faire en sorte qu'il en soit ainsi afin que notre rapport soit utile.

Nous allons bien sûr nous inspirer des nombreux rapports commis par le Sénat et l'Assemblée nationale ainsi que par l'Union européenne. Mais nous avons besoin de vos contributions, de vos propositions.

Je vous propose d'auditionner bien évidemment le ministre de la santé, mais aussi des institutionnels, tels que la Direction générale de la santé (DGS), l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le Comité économique des produits de santé (CEPS), ainsi que les autres acteurs de la politique du médicament, tels que l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), ou encore des médecins, des pharmaciens, des syndicalistes - ma liste n'est pas exhaustive. Je l'ai dit, il importe d'abord de dresser un bilan.

En France, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) peut s'appuyer sur l'Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) en matière de produits de santé. Au moment de la rupture d'approvisionnement, nous avons observé que cette agence était elle aussi concernée. Il sera donc intéressant de recueillir le point de vue de ses dirigeants pour en comprendre les raisons. Ont-ils moins de moyens ? Est-ce dû à la désindustrialisation ? Car nous devons aussi explorer le champ de l'industrie, en auditionnant les ministres concernés.

Nous pourrons aussi faire des déplacements ; je pense aux groupes pharmaceutiques Sanofi et Servier, mais nous sommes ouverts à toutes vos propositions.

Par ailleurs, il serait intéressant de voir ce qui se passe hors de l'Hexagone. Tous les pays semblent connaître les mêmes problématiques, ce qui n'est pas étonnant puisque c'est la même logique qui préside aux politiques de santé publique. Vous le savez, 80 % de la production des principes actifs pharmaceutiques sont produits en Chine et en Inde. En décembre 2022, la Chine a stoppé l'exportation de l'ibuprofène lorsque l'épidémie de covid y a explosé ; nous en mesurons encore les conséquences.

Nous organiserons par téléconférence des échanges avec la fondation Oswaldo-Cruz ou le ministre brésilien de la santé, avec l'Inde ou encore le Canada ou les États-Unis pour connaître leurs pratiques. Nous pouvons nous déplacer en Suisse, qui conduit des expériences intéressantes, ainsi qu'à Bruxelles.

La Première ministre a mis en place, le 26 janvier dernier, une mission interministérielle sur la régulation et le financement des produits de santé. Elle formulera ses premières recommandations d'ici à trois mois. Je pense, en toute humilité, que la création de notre commission d'enquête a contribué à cette prise de décision, de même que le très fort mécontentement de l'opinion publique, repris dans tous les journaux. On ne compte plus les articles publiés sur les pénuries de médicaments ; il y a quelques semaines, par exemple, le magazine Marianne a publié un dossier complet très intéressant sur ce sujet.

Cette mission interministérielle doit être vue comme un travail complémentaire du nôtre. Ne nous interdisons rien !

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