Intervention de Bernard Roman

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 4 mars 2020 à 16h35
Audition de M. Bernard Roman président de l'autorité de régulation des transports art et Mme Stéphanie Druon secrétaire générale

Bernard Roman, président de l'Autorité de régulation des transports (ART) :

C'est un sujet complexe. L'ouverture du capital des SCA est intervenue en 2002 et la privatisation en 2006. Dans 11 ans, la première concession arrivera à échéance. Dans une concession, le capital de l'actionnaire n'est pas le réseau, mais son contrat. Dans 11 ans, la société concessionnaire rendra à l'État le réseau autoroutier qu'elle a construit, acheté, entretenu, voire amélioré. Il faut bien voir les contraintes positives et négatives d'une concession. Pour les sociétés concessionnaires dont le chiffre d'affaires s'est élevé à 10,4 milliards d'euros en 2018, les dividendes versés aux actionnaires atteignent 3,3 milliards d'euros en 2015, 4,7 en 2016, 1,7 en 2017 et 2,9 en 2018.

J'ai été auditionné au Sénat l'année dernière, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à renationaliser les autoroutes. Dans l'exposé des motifs, il était écrit que les dividendes distribués étaient supérieurs au coût d'acquisition. Ce n'est pas faux, mais les 14 milliards d'euros payés par les groupes acquéreurs en 2006 ne correspondaient qu'à une partie des actions, le capital ayant déjà été ouvert en 2002. De plus, les SCA ont repris dans les contrats 5 milliards d'euros d'investissements, auxquels s'ajoutent les 26 milliards d'euros d'investissements réalisés entre 2006 et 2018 sur le réseau autoroutier qu'elles restitueront entre 2031 et 2036. Enfin, les SCA sont endettées. Lorsqu'elles rendront les concessions, elles devront avoir remboursé l'ensemble de leur dette. C'est un des travaux que nous menons dans le cadre du rapport quinquennal. Nous estimons globalement leur dette nette à 29 milliards d'euros, alors que les SCA indiquent qu'elle s'élève à 50 milliards d'euros. Nous poursuivons nos expertises pour déterminer précisément la dette et son échéancier.

Par ailleurs, à la fin des concessions, l'autoroute doit être rendue en bon état. Il y aura, sept ans avant la fin des contrats, une clause de revoyure pour déterminer, d'une part, ce qu'il y a à faire pour que les autoroutes et ouvrages remis soient en bon état, et, d'autre part, il faut au préalable être d'accord sur la notion de bon état - or, aucun contrat ne précise aujourd'hui cette notion. C'est un rendez-vous essentiel. Dans les contrats de concession « historiques », il est prévu qu'à la fin 2006, l'inventaire des biens qui relèvent de la concession et ceux qui relèvent du concessionnaire devait être fait. Cela n'a pas été le cas. Il faut veiller à ce que le rendez-vous des sept ans avant la fin de la concession ait effectivement lieu et s'assurer que les travaux prévus seront réalisés.

Dans notre rapport quinquennal, nous revenons sur le taux de rentabilité interne (TRI) des SCA. Il y a là une énorme incertitude sur des concessions d'une durée de 70 ans, et même si nous faisons ce travail chaque année, nous ne le publions pas. Ce sera plus objectif et plus documenté avec une vision rétrospective de cinq ans. Il nous faut tenir compte à la fois des résultats d'exploitation positifs et, en même temps, des investissements et de l'endettement des sociétés. L'équilibre est toujours à rechercher en prenant en compte ces deux éléments.

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