Intervention de François Villeroy de Galhau

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 janvier 2023 à 10h35
Audition de M. François Villeroy de galhau gouverneur de la banque de france

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France :

En tout cas, le taux des OAT a nettement remonté : il était de 0,2 % il y a quelques années, il est passé à 2,7 %, et cette hausse se fera sentir sur notre charge de la dette au fur et à mesure des nouvelles émissions. Le taux de 0,2 % était anormalement bas.

Je ne sais pas si la situation serait meilleure si le financement domestique était plus élevé. On risquerait de payer notre dette plus cher, car on se priverait du recours à l'épargne mondiale. Quant au système japonais, il est très spécifique, avec une population vieillissante, une inflation et une croissance plus faibles.

Monsieur Joly, je ne vois pas de risques de défaillance financière des ménages, dès lors que nous prenons les mesures pour prévenir le surendettement, notamment en ce qui concerne le crédit immobilier. Les lois sur le surendettement - les lois Neiertz de 1989, Lagarde de 2010, Hamon de 2013 - ont été très efficaces. Le nombre de dossiers de surendettement est passé de 230 000, en 2015, à 113 000 en 2022, soit une baisse de plus de 50 %. En ce qui concerne les entreprises, ma réponse serait plus nuancée. J'ai déjà évoqué leurs difficultés de trésorerie ou le comportement de paiement des grandes entreprises. D'une manière générale, les entreprises françaises n'ont pas de problème d'accès au crédit, mais elles manquent de fonds propres. Il faut parvenir à les augmenter, car ces derniers sont essentiels pour financer l'innovation ou la transition climatique. On en revient à la question de l'union des marchés de capitaux dans l'Union européenne dont j'ai parlé.

Je n'avais jamais entendu parler d'un taux d'usure différent pour les PME. Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une demande très forte de leur part. Je ne voudrais pas apparaître comme un défenseur du taux d'usure, mais il est prévu par la loi. Je trouve toujours un peu paradoxales les demandes des corporations qui souhaitent voire le taux d'usure qui leur est appliqué augmenter : quand on prête plus cher aux gens, on ne fait pas toujours leur bien !

Monsieur Lurel, je ne saurais vous répondre dans l'immédiat sur les plans épargne logement souscrits avant le 28 février 2011, mais je vous transmettrai une réponse lorsque j'aurai des précisions. Les taux des PEL sont fixés au moment de la souscription, pour la durée du contrat, à la différence du livret A, dont les taux varient. La formule de calcul que nous appliquons concerne les nouveaux PEL, et j'ai ainsi recommandé de porter leur taux de 1 % à 2 %. Les PEL d'avant 2011 conservent leur taux beaucoup plus élevé de l'époque de souscription, mais ils ont été fiscalisés, car, comme vous le savez, la date de 2011 marque une frontière.

Monsieur Dominati, la place financière de Paris a plutôt marqué des points dans son match avec la City de Londres et les autres places européennes. La City de Londres a reculé, c'est incontestable. Il est frappant de constater que la capitalisation boursière de la place de Paris a dépassé, l'année dernière, celle de la place de Londres. Chacune des places européennes a tiré un peu son épingle du jeu. Nulle ne s'est imposée, on a plutôt affaire à une espèce de constellation. La place de Paris me paraît forte notamment pour les activités de marché des grandes banques internationales : si elles n'ont pas toujours leur siège européen à Paris, ayant parfois préféré Francfort, elles y ont souvent leurs salles de marché, à l'image de la plupart des grandes banques américaines.

Reste le problème des chambres de compensation ou CCP (central counterparty clearing), ces plateformes où s'échangent les produits dérivés, les swaps, les options, etc. Ces plateformes jouent un rôle essentiel, notamment en termes de surveillance des risques et d'influence économique. Or, elles sont très largement installées à Londres. La France souhaiterait des évolutions. J'aimerais que nos partenaires européens soient aussi allants que nous en la matière. Ces infrastructures de marché très importantes pour le marché financier européen ne peuvent rester en dehors de la régulation de Bruxelles et de Francfort. Il convient que les acteurs privés préparent des infrastructures alternatives en Europe.

La question de M. Féraud n'est pas la plus facile. Pourquoi nos prévisions de croissance sont-elles différentes de celles du Gouvernement ? Il y a tout d'abord des raisons techniques. Mais il y a aussi une raison de fond, c'est que la Banque de France est indépendante ; d'ailleurs, en 2023, on fêtera le 30e anniversaire de la loi du 4 août 1993 qui a consacré l'indépendance de la Banque de France. Les différences de prévision peuvent s'expliquer par une part de volontarisme, sans doute, et aussi par l'incertitude assez forte qui entoure l'exercice. Nous ne prétendons ainsi pas que notre prévision soit juste à la décimale près, même si l'écart, en l'occurrence, est un peu plus élevé...

Ensuite, dans quelle mesure la politique budgétaire contribue-t-elle à la lutte contre l'inflation ? Elle y a contribué temporairement, c'est ce que j'ai voulu dire en expliquant qu'une victoire durable contre l'inflation ne pourrait pas être obtenue par la voie budgétaire. En effet, plus cette politique dure, moins elle est efficace à cet égard : d'abord parce qu'elle coûte cher, et on en revient au problème de la dette publique ; ensuite, si les prix de l'énergie augmentent, il convient de s'adapter, ce qui contribuera à développer la sobriété énergétique et à réaliser la transition climatique. On ne peut pas protéger indéfiniment les acteurs économiques contre une nouvelle donne. Le surcoût énergétique a représenté pour la France une taxe extérieure payée aux fournisseurs de pétrole et de gaz de l'ordre de 60 milliards d'euros. Cette facture énergétique se répartit entre les entreprises, pour les deux tiers, et les ménages, pour un tiers. Les mesures budgétaires ont été extrêmement fortes en 2022, et elles ont absorbé, selon les estimations, entre un tiers et la moitié du choc. La part à la charge des ménages a ainsi beaucoup reculé, s'établissant finalement à 6 % de la facture totale, tandis que la part des entreprises s'est réduite pour s'établir à 50 % à peu près. Ces mesures étaient peut-être nécessaires pour amortir le choc à court terme, mais il est indispensable qu'elles cessent d'ici deux à trois ans, sinon l'adaptation nécessaire de notre pays ne se fera pas. Mieux vaut investir dans la transition climatique que dans des subventions à la consommation d'essence ! La ristourne sur les carburants était utile, mais, si nous la prolongeons, nous ne réussirons pas la transition climatique. Qui plus est, en soutenant la consommation énergétique alors que les prix de l'énergie augmentent, on entretient l'inflation et c'est contre-productif.

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