Intervention de Valérie Baduel

Mission d'information Enseignement agricole — Réunion du 3 mars 2021 à 16h35
Audition de Mme Valérie Baduel directrice générale de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Valérie Baduel, directrice générale de l'enseignement et de la recherche au ministère de l'agriculture et de l'alimentation :

Merci, Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs. Je voulais vous dire que par ma voix, j'exprime toute la gratitude envers vous de la communauté des hommes et des femmes qui sont la cheville ouvrière de l'enseignement agricole, d'avoir lancé cette mission. Pour nous, c'est un signe fort de reconnaissance de l'enseignement agricole.

Le financement de l'enseignement agricole - le secondaire, le supérieur court, le supérieur long et la formation professionnelle continue - est assuré par le ministère de l'agriculture par deux programmes : le programme 143 qui dépend de la mission interministérielle « Éducation scolaire » (MIES) et le programme 142 qui dépend de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES).

Sur le programme 143, nous finançons des emplois de titre 2 à hauteur de près d'un milliard d'euros pour 15 000 agents, dont 12 000 sont des enseignants. Les crédits hors titre 2 s'élèvent à 500 millions d'euros, dont 350 millions d'euros pour l'enseignement agricole privé - une partie des enseignants de l'enseignement agricole privé sont payés par des crédits hors titre 2 - et 90 millions d'euros d'aides sociales.

Concernant l'enseignement supérieur agricole, financé par le programme 142, nous avons également un financement direct d'emplois à hauteur de 225 millions d'euros pour 2 800 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et, hors titre 2, 135 millions d'euros dont 25 millions sont destinés à l'enseignement supérieur agricole privé, 17 millions à l'aide sociale et 32 millions aux opérateurs de recherche. Je veux à cet égard souligner que, parmi les crédits consacrés à l'enseignement supérieur agricole, une grande partie finance des activités de recherche.

Au total, ces chiffres représentent, pour le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, plus de 30 % de ses crédits et 60 % de ses agents.

Environ 210 000 apprenants (élèves, étudiants, apprentis) sont formés par l'enseignement agricole, dont 190 000 par l'enseignement agricole technique (secondaire et supérieur court) avec une quasi-parité femme/homme (45 % de femmes). La particularité du secteur est de recenser 62 % des élèves, étudiants et apprentis dans des établissements privés. Notre formation couvre un large spectre, allant de la quatrième au doctorat. Toutefois, une majorité de ces effectifs sont en lycée professionnel, de la seconde à la terminale. Par ailleurs, nous offrons une large palette de titres de formation qui répondent aux enjeux d'aujourd'hui. L'enseignement regroupe la formation initiale par voie scolaire en passant par la formation initiale par apprentissage, la formation initiale par alternance qu'on appelle « rythme approprié », avec les maisons familiales rurales (MFR) et les établissements dépendant de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion (UNREP), et la formation professionnelle pour adultes (14 millions d'heures). Nous avons une palette de formation qui répond aux enjeux actuels. Nous avons le souci de former les jeunes, mais également les adultes dans leurs évolutions de parcours, dans leur souci de reconversion, voire de réinsertion.

À quoi forme l'enseignement agricole ? Historiquement, l'enseignement agricole a été mis en place pour l'agriculture. C'est le premier système de formation professionnelle de France, créé en 1848. Aujourd'hui, les formations ne se limitent plus à l'agriculture ou l'alimentation. Elles couvrent également des formations aux services, notamment en milieu rural et à la personne, qui représentent 42 % des effectifs en voie scolaire. Les formations à la production agricole représentent 35 % de nos effectifs en voie scolaire, 47 % en apprentissage. Les formations à l'aménagement des espaces et à la protection de l'environnement représentent 19 % des effectifs en voie scolaire et 36 % en apprentissage. Enfin, les formations en transformation alimentaire représentent 4 % des effectifs dans les deux voies. J'insiste sur la diversité des métiers et des domaines auxquels nous formons.

L'enseignement agricole poursuit trois grands objectifs. Le premier, c'est d'apporter aux jeunes une garantie de réussite scolaire, d'insertion professionnelle, mais aussi - et toute la communauté éducative de l'enseignement agricole y est particulièrement attachée - de former au développement personnel, à l'épanouissement, de former des citoyens. Notre deuxième priorité concerne les territoires. Les établissements d'enseignement agricole sont des acteurs essentiels de la vie des territoires et de leur développement, particulièrement dans la ruralité et dans les outre-mer. Le troisième volet, c'est le « développement durable » de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt.

La réussite scolaire est assurée par une tradition d'innovations pédagogiques. L'enseignement agricole a souvent été qualifié de « laboratoire d'innovations ». Il s'appuie sur une pédagogie pratique et concrète. On forme par les gestes. Dans les établissements publics, des exploitations agricoles et des ateliers technologiques favorisent l'expérimentation pédagogique. Nous avons une tradition d'enseignements pluridisciplinaires. Des accompagnements individualisés et du mentorat complètent cet enseignement. Cela se traduit par un taux de réussite aux examens, qui pour l'ensemble de nos formations (CAP agricole, bac pro, bac technologique, bac S), sont supérieurs à la moyenne nationale. De même en 4ème et 3ème, nous accueillons souvent des élèves qui ont été en échec scolaire dans l'Éducation nationale. Pourtant leurs taux de réussite au diplôme national du brevet sont les mêmes que ceux de la moyenne nationale. Notre approche pédagogique a donc fait ses preuves.

Concernant la formation humaine, nous travaillons sur la construction et le développement de l'estime de soi, le vivre ensemble, la citoyenneté, l'ouverture aux autres et au monde. L'éducation socio-culturelle est très importante dans nos enseignements. Les coopérations internationales et européennes constituent également un axe fort et sont inscrites dans nos missions d'enseignement agricole. Cette ouverture apporte aux jeunes, qui souvent sont peu mobiles, une autre façon de penser et de produire. Notre système d'enseignement est plutôt épargné par les épisodes de violences scolaires. Par ailleurs, le sport est tout aussi présent. 35 % de nos élèves sont licenciés à l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), dans 147 sections sportives. 9 % des établissements sont labélisés Génération 2024. Avec 60 % des jeunes en internat, au-delà d'être des acteurs de formation, nous sommes des acteurs d'éducation.

Pour les formations du CAP au BTSA, le taux net d'emploi à 33 mois affiche un résultat compris entre 80 et 95 %. Dans l'enseignement agricole long (ingénieur, paysagiste), ce chiffre avoisine les 89 à 98 % pour l'obtention d'un emploi dans l'année. Cet excellent taux est le résultat d'un lien étroit avec le monde professionnel. En effet, les professionnels sont des acteurs impliqués dans nos établissements. La commission professionnelle consultative (CPC) qui travaille sur les compétences, la rénovation des diplômes et des certifications comporte de nombreux professionnels. Notre enseignement s'appuie sur des stages. 8 % des apprentis de France sont dans l'enseignement agricole. Un jeune sur 6 en formation initiale dans nos établissements est un apprenti, avec une augmentation de 17 % depuis 5 ans. L'enseignement agricole s'adapte en permanence aux besoins actuels ou futurs des emplois. D'ailleurs, nous venons de créer deux certificats de spécialisation : responsable d'usine de méthanisation et conduite de machines d'abattage en forêt.

Par ailleurs, notre enseignement est extrêmement inclusif, avec non seulement des jeunes en échec scolaire, mais également l'accueil de jeunes en situation de handicap. Un dispositif de soutien financier et humain est mis en place avec des animatrices, des méthodes, des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), des dépenses multipliées par 9 qui s'élèvent à 17 millions d'euros pour soutenir l'accueil des élèves en situation de handicap. C'est un travail important avec des jeunes qui ont parfois de très lourds handicaps mais qui parviennent au succès avec des pédagogies adaptées.

Nos établissements sont des acteurs essentiels de la vie des territoires et de leur développement. Nous sommes également très présents dans les outre-mer.

La loi a prévu explicitement que nos établissements aient pour mission l'animation et le développement des territoires. C'est une mobilisation très forte des établissements pour accueillir des débats publics ouverts sur leur territoire, notamment dans le cadre du film Petit Paysan qui a donné lieu à des discussions importantes. Nous sommes partie prenante de l'agenda rural avec la question des établissements de service, maison des territoires.

Nous avons pour mission d'être des acteurs résolus de ce développement durable face à des défis aigus, comme le renouvellement des générations d'agriculteurs (50 % des agriculteurs partiront à la retraite dans les 10 ans), les revenus des agriculteurs, le projet agroécologique pour la France, et des enjeux de souveraineté alimentaire dont la crise de la covid-19 a révélé l'importance pour les citoyens.

L'enseignement agricole s'insère dans un dispositif de formation, de recherche et de développement agricole qui fait système. La DGER assure le pilotage de cet ensemble d'acteurs : enseignement agricole technique, enseignement supérieur long, établissements de recherche, avec en particulier l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), les établissements de recherche appliquée, les instituts techniques et les centres techniques agroalimentaires, les chambres d'agriculture. Nous travaillons en permanence à renforcer les liens entre les différents maillons de cette chaîne pour assurer le développement durable de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt. Différents dispositifs existent pour cela : unités mixtes de recherche, unités et réseaux mixtes technologiques, participation conjointe à des projets CASDAR (compte d'affection spéciale développement agricole et rural), systèmes d'expérimentations...

Nous avons également mis en place un plan « Enseigner à produire autrement » qui a pour but de généraliser l'agroécologie. Nos établissements d'enseignement technique sont extrêmement actifs en la matière. Le bac professionnel « conduite et gestion de l'exploitation agricole » et le BTSA « analyse, conduite et stratégie de l'exploitation agricole » ont été revus afin d'inclure ces notions d'agroécologie. Toutes nos exploitations sont résolument engagées dans ce plan, avec 25 % de notre surface agricole utile en agriculture biologique. 70 % de nos exploitations ont abandonné le glyphosate. Cela dénote un engagement vigoureux de notre part.

Pour conclure, notre défi est d'assurer une meilleure connaissance et reconnaissance de l'enseignement agricole en adoptant un plan d'action résolu pour renforcer ce dispositif précieux, véritable atout pour la France. Pour paraphraser une ancienne publicité, connaître l'enseignement agricole, c'est l'aimer. Le problème c'est qu'il n'est pas assez connu. Nous mettons en place des partenariats étroits avec le ministère de l'éducation nationale et avec l'office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP). Une campagne de communication sur le terrain, « L'aventure du vivant », a été lancée. Le camion mis sur les routes s'est malheureusement arrêté du fait de la crise de la covid. Une campagne de communication numérique sur les métiers est également en cours.

Je suis heureuse et reconnaissante que vous vous soyez saisis de cette question.

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