Intervention de Bernard Benhamou

Mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet — Réunion du 21 janvier 2014 : 1ère réunion
Audition de Mm. Bernard Benhamou ancien conseiller de la délégation française au sommet des nations unies pour la société de l'information 2003-2006 et ancien délégué aux usages de l'internet 2007-2013 et laurent sorbier conseiller référendaire à la cour des comptes professeur associé à l'université paris-dauphine

Bernard Benhamou :

Pour avoir participé à des négociations internationales, je peux témoigner du poids de la coopération historique entre les Britanniques et les Américains en matière de technologies numériques - donc de renseignement -, c'est une réalité à laquelle se heurte l'exercice européen dans ces domaines...

Les capacités de surveillance et de « profilage » des individus atteignent des niveaux qui n'ont proprement rien à voir avec ce qu'ils étaient il y a vingt ans. La cellule d'écoutes de l'Elysée utilisait des cassettes magnétiques, qu'il fallait transcrire, interpréter ; aujourd'hui, un opérateur peut analyser des milliards de données numériques, grâce à des machines mais aussi à des algorithmes dont la puissance est en évolution constante. La durée de stockage des données de surveillance des individus est dans ce domaine un sujet crucial. La tentation de conserver à l'infini ces données représente là encore une tentation très grande : ainsi, tel djihadiste n'utilise certes plus internet qu'à dessein et avec précaution, mais l'examen des données sur une période où il ne s'était pas même engagé, peut suffire à l'identifier. Je vous invite à faire l'expérience d'observer l'historique de vos consultations de recherche sur Internet : cet exercice est effrayant, en ce qu'il révèle de nous... L'analyse des « métadonnées » de communication (lieu, heure et type de connexion) permet à elle seule un « profilage » des utilisateurs dont la précision vous étonnerait...

Il ne faut donc pas méconnaître les risques d'une surveillance généralisée, ce qui n'oblige pas au pessimisme - car l'histoire d'Internet reste largement à écrire. Les agences de sécurité iront le plus loin possible dans leur logique, de même que les entreprises pour gagner des marchés et que tous les groupes qui ont intérêt à manipuler l'opinion. Ce qu'il faut donc faire, et c'est la tâche du politique, c'est organiser un débat démocratique, pour que les options soient connues et choisies en toute connaissance de cause par les citoyens, ce qui implique d'ailleurs que les politiques aient accès aux connaissances techniques nécessaires - ou bien le chemin de moindre résistance sera celui de la surveillance généralisée.

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