Intervention de Françoise Massit-Folléa

Mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet — Réunion du 21 janvier 2014 : 1ère réunion
Audition de Mme Françoise Massit-folléa chercheur et consultant senior sur les usages et la gouvernance de l'internet

Françoise Massit-Folléa :

C'est un grand honneur, et un plaisir d'être accueillie dans votre enceinte, pour quelqu'un qui, comme moi, a une vision essentiellement académique des questions de gouvernance de l'Internet, sur lesquelles je travaille depuis plus d'une dizaine d'années.

En tant que chercheur, j'émets des hypothèses, et je m'intéresse également à l'action. C'est ainsi que j'ai pu, à différentes occasions, proposer un certain nombre de points de vue devant des instances comme la représentation française au Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI), où j'ai présenté un premier rapport de recherche, lors de la réunion de Tunis.

J'ai également participé aux travaux du dialogue européen sur la gouvernance de l'Internet (EuroDIG) ; depuis quelques années, profitant d'une retraite je pense méritée - mais néanmoins active -, j'ai collaboré aux travaux d'un certain nombre d'instances, comme le rapport Internet 2030 du Commissariat à la stratégie et à la prospective, ou l'étude du Conseil économique, social et environnemental (CESE), sortie la semaine dernière.

À la suite de ces longues années d'observations et de réflexions, j'appréhende l'Internet dans une double approche. Il s'agit d'un système technique complexe. Pour les ingénieurs, dont la vision est en continuelle évolution, c'est « un réseau de réseaux, privés et publics, opéré via un langage informatique, le protocole TCP/IP, qui permet à des routeurs placés au noeud des réseaux de télécommunications du monde entier d'acheminer des paquets de données, grâce à un système d'adressage approprié, vers n'importe quel destinataire possesseur d'un équipement connecté ». Inutile de préciser que cette définition correspond assez mal aux usages courants des internautes !

On est néanmoins en présence d'un système technique plus que d'un objet, et c'est la première source de complexité. En effet, il faut toujours rappeler - en particulier aux plus jeunes - que l'Internet ne se résume pas aux contenus ou aux usages du web. La complexité tient aussi aux différents régimes des éléments de ce système technique. Le protocole appartient à tous, et n'est pas breveté. L'allocation des adresses, que l'on appelle la fonction IANA, est confiée à l'Internet corporation for assigned names and numbers (ICANN) par le Gouvernement des États-Unis. La couche transport - réseaux, infrastructures -- relève majoritairement d'opérateurs privés. La couche logiciel et les contenus du web proviennent d'entreprises diverses, et également des internautes, grâce aux facilités offertes par le principe du « end to end ».

C'est un système technique mais, en fait, un véritable écosystème, et ce pour deux raisons majeures...

En premier lieu, le réseau des réseaux supporte, pour une part croissante de la population mondiale, un nombre exponentiel d'activités humaines, économiques, sociales, culturelles, politiques, qui sont favorisées par ce même principe du « end to end », une création permanente aux extrémités du réseau. Celui-ci devient ainsi l'alpha et l'oméga de la croissance, du développement, voire de toute la vie sociale.

Les difficultés sont bien connues : conflits de culture et de juridiction par rapport à des pratiques illicites ou dommageables, absence de régime - au sens des relations internationales - et d'instrument pour une gouvernance internationale équitable.

En effet, on constate la domination historique d'un seul État sur le management des ressources critiques, l'influence de ces entreprises sur le fonctionnement et le développement des usages, avec un discours encore dominant : ceux qui essaient d'échapper à cette mainmise seraient des ennemis de la liberté...

Cet écosystème, comme ce système technique, sont traversés de forces à la fois centrifuges et centripètes, qui perturbent les règles en vigueur mais sont aussi productrices de règles.

En effet, les pratiques par exemple du « pair-à-pair », du logiciel libre, les pratiques coopératives de Wikipédia, la création des communautés, ne se déroulent pas dans une absence totale de régulation : elles relèvent au contraire de ce qu'on appelle l'autorégulation, que permet, une fois encore, l'ergonomie des réseaux.

Ainsi, l'Internet est soumis à une double forme de gouvernance, la gouvernance technique et la gouvernance politique. On a parfois tendance à les confondre et à voir l'Internet comme un monde en soi.

Première conclusion, tout à fait partielle : il faut déconstruire le système de l'Internet avant de le reconstruire !

Pourquoi emploie-t-on le mot de « gouvernance » ? Les contours de la notion prêtent à des généalogies historiques et donnent lieu à des affrontements théoriques. Pour ma part, j'aime reprendre les éléments fournis par la politologue américaine Sandra Braman, qui invite à « distinguer le gouvernement, en tant qu'institution formelle, qui s'impose sur un territoire donné, la gouvernance, qui est la collaboration, formelle ou informelle, d'acteurs non étatiques, à la fabrique de la décision, et la gouvernementalité, c'est-à-dire les présupposés culturels et les pratiques, qui produisent et reproduisent les conditions de possibilité de telle ou telle forme de gouvernement et de gouvernance ».

Cette notion est arrivée au sein des Nations unies en 1995, dans un rapport intitulé « Notre voisinage global », initié en 1992 par Willy Brandt, dans le cadre d'une commission sur la gouvernance globale, évidemment soutenue par le secrétaire général des Nations unies : « La gouvernance est la somme des multiples voies par lesquelles les individus et les institutions gèrent leurs affaires communes. Elle est un processus continu, à travers lequel les conflits et les intérêts peuvent être conciliés, et des actions de coopération décidées. Cela inclut autant des institutions formelles et des règles destinées à mettre en oeuvre des engagements, que des arrangements informels, sur lesquels des personnes et des institutions peuvent être d'accord, ou qu'elles considèrent comme de leur intérêt ».

La notion de gouvernance associe donc la régulation, le gouvernement, l'autorégulation et la corégulation. Le programme de recherches dont j'étais responsable, appelé « Vox Internet », a été l'un des premiers, en France, à établir une distinction largement reprise depuis : la gouvernance de l'Internet - les ressources critiques, l'architecture du réseau - et la gouvernance sur l'Internet, que l'on pourrait appeler le gouvernement des conduites.

Lors du sommet mondial sur la société de l'information, une définition a été produite par un groupe de travail : « Il faut entendre par gouvernance de l'Internet l'élaboration et l'application par les États, le secteur privé et la société civile, dans le cadre de leur rôle respectif, de principes, normes, règles, procédures de prise de décisions et programmes communs, propres à modeler l'évolution et l'utilisation de l'Internet, évolution dans le sens technologique, utilisation au sens des pratiques ».

En fait, on est frappé, dans une réflexion sur la gouvernance de l'Internet, associée à la gouvernance sur l'Internet, par ce que j'appelle, à la suite des travaux de Mme Delmas-Marty, éminente juriste, le « pluralisme normatif ». On trouve en effet, dans la gouvernance de l'Internet, une superposition de normes issues de la technique, de la loi, de la culture et du marché. L'ensemble de ces éléments se trouve souvent en confrontation. Quel ordonnancement peut-on lui donner, dans quelles instances, avec quels instruments ?

Ceci demande, à mon sens, de repolitiser la notion de gouvernance, qui se situe assez souvent dans un flou artistique et idéologique de l'ordre du cache-sexe !

J'aime me référer à ce que mon ami et mentor en informatique, Jean-Michel Cornu, appelle la tragédie des « 3 C ». Il s'agit d'une notion issue de la logique mathématique tirée du mathématicien Kurt Gödel qui, à l'orée du XXe siècle, a estimé que « complexité, cohérence et complétude ne peuvent jamais se réaliser en même temps ». Pour Kurt Gödel, dans le domaine des mathématiques, si nous n'en sommes pas conscients, nous ne pourrons choisir l'élément auquel nous sommes prêts à renoncer, et nous pourrons même faillir à propos de deux d'entre eux ou sur la totalité.

J'ai essayé d'appliquer cette image à l'Internet et à sa gouvernance. Il existe plusieurs éléments d'application en matière de complexité, de cohérence, et de complétude. Le fait qu'il s'agisse d'une infrastructure globale, mais avec des pratiques et des règles localisées, le fait que ce soit un mélange de centralisation - le coeur, les ressources critiques, les adresses et les noms de domaines - et qu'il existe une grande décentralisation dans l'organisation, le fait qu'il y ait un certain nombre de bouleversements dans les conceptions de l'espace et du temps, le brouillage des frontières entre le public et le privé, les conflits juridictionnels, confrontés à un besoin d'équité et de responsabilité, tout cela se traduit concrètement à travers un certain nombre de questions cruciales : sécurité et souveraineté, protection de la propriété intellectuelle et de la vie privée, respect de la liberté d'expression et de la neutralité des réseaux, fractures numériques entre le Nord et le Sud, les territoires, les générations, concurrences faussées, affrontements géopolitiques, tout un champ au sein duquel il faut essayer d'arbitrer, d'articuler et de décider...

C'est donc un sujet assez explosif... Sur le plan international, l'actualité récente est riche en polémique qui, une fois n'est pas coutume, ont été largement portées à l'attention de l'opinion. Je rappellerai l'affaire WikiLeaks, et les questions de transparence en matière de relations diplomatiques, l'affaire Snowden et les questions de surveillance, les accords transatlantiques entre l'Europe et les États-Unis et la question de l'exception culturelle, les pratiques de Google et sa récente condamnation par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), les différentes alertes en matière de cybercrimes et de cyberattaques. Il existe aussi de nouveaux jeux d'alliance, dont je vais parler dans un instant...

La France jouit de nombreux atouts : études, rapports, instances dédiées, comme la CNIL et le Conseil national du numérique - même si je ne les mets pas sur le même plan -, innovations industrielles soutenues par la puissance publique, innovateurs, dont un nombre considérable de start-ups, et mobilisations civiques sur différents sujets touchant les droits des internautes et des citoyens, sans oublier l'année électorale à venir en Europe.

Parmi les objets de controverse se trouve le Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI). Un SMSI + 10, en 2015, coïncidera avec l'aboutissement d'une première phase des objectifs du millénaire pour le développement. Cela donnera lieu à des alliances à géométrie variable entre les États-Unis, les pays européens, et les pays émergents.

L'ICANN, par ailleurs, rivalise de longue date avec l'Union internationale des télécommunications (UIT), qui a explosé à la réunion de Dubai, en décembre 2012, l'ICANN et son président, Fadi Chehadé, ayant très astucieusement mis au point un processus d'internationalisation mettant l'accent sur le développement des noms de domaines internationalisés (IDNA). L'ICANN a, d'autre part, ouvert des bureaux à l'étranger, et soutient - pour ne pas dire plus - l'initiative du Brésil de convoquer un sommet à São Paulo, au printemps 2014.

Le second type de controverse met en lumière les affrontements entre les opérateurs de réseaux et les diffuseurs de contenus, autour du problème de la neutralité technique ; il oppose les « GAFA » - Google, Apple, Facebook, Amazon - et autres aux entreprises nationales de différents pays, en faisant fi, trop souvent, du droit de la concurrence et des règles de fiscalité. Ces affrontements opposent également, depuis le début de l'Internet, les tenants du logiciel libre et ceux des modèles propriétaires, qui posent la question de la maîtrise qu'ont les usagers des supports qu'ils utilisent. Les questions de sécurité, par rapport aux mécanismes de surveillance, posent quant à elles la question des droits de l'Homme en général et des souverainetés nationales.

Ces acteurs et ces instances multiples sont face à diverses échéances techno-politiques. Un certain nombre d'événements se déroulent sous l'égide des Nations unies, comme les travaux de la Commission sciences, techniques et développement (CSTD) et du Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC), ou du Conseil des droits de l'Homme, qui doivent aboutir à la session de septembre 2014 de l'Assemblée générale des Nations unies.

Le travail se poursuit également au sein de l'Union internationale des télécommunications, et doit aboutir à un nouveau Conseil, en mai 2014, ainsi qu'à la plénipotentiaire, qui aura lieu en octobre 2014.

Le Forum sur la gouvernance de l'Internet (IGF) se poursuit ; il a vu son mandat de cinq ans renouvelé, et tiendra sa prochaine réunion en septembre 2014, à Istanbul, après, Athènes, Charm el-Cheihk, Bakou, Vilnius et Bali.

Certaines initiatives se déroulent en dehors des organisations inter-gouvernementales, comme le panel sur la coopération globale de l'Internet et les mécanismes de gouvernance, à l'initiative de l'ICANN et de l'Internet Society (ISOC), qui a tenu une première réunion à Londres, en décembre 2013. Un autre rassemblement aura lieu en Californie, en février, et un autre à Dubai, en mai. Il s'agit d'une instance « multi-stakeholder », dont on se demande, en voyant sa composition et ses objectifs, s'il ne s'agit pas d'un concurrent direct du Forum sur la gouvernance de l'Internet. Je me pose la question...

Enfin, une rencontre globale multi parties prenantes sur la gouvernance de l'Internet aura lieu à São Paulo, en avril ; elle a été annoncée en octobre 2013 et associe le Gouvernement brésilien et 1NET - rassemblement, largement impulsé par l'ICANN, qui est composé de régulateurs techniques fabriquant les normes, les standards, comme le World Wide Web Consortium (W3C), l'Internet Engineering Task Force (IETF), l'ISOC...

Il s'agit de techniciens de l'Internet, mais qui, de même que dans le panel déjà évoqué, agissent de manière à présenter une façade d'indépendance vis-à-vis du gouvernement des États-Unis, mis à l'index à la suite de l'affaire Snowden. J'y vois là une ruse. J'ai peut-être l'esprit mal placé, mais je trouve que cette conjonction d'événements parallèles à ceux menés dans le cadre des Nations unies n'est pas dénuée d'arrière-pensée !

On discute d'abord politique, puis technique, mais tout cela se rejoint. La gouvernance de l'Internet réside aussi un certain nombre d'éléments qui dépassent le cadre des institutions dédiées...

Les organisations inter-gouvernementales concernées sont l'UIT, l'Organisation mondiale de la propriété industrielle (OMPI), l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, l'UNESCO, les organisations interétatiques régionales - l'Union européenne au premier chef, mais aussi l'OCDE, le Forum économique de coopération Asie-Pacifique (APEC), l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), le G 8 et le G 20. Quant aux autres organisations, il s'agit de l'ICANN, des compagnies high tech, qui ont des structures de mise en oeuvre communes de leur stratégie, des organisations informelles - IETF, W3C, organismes de standardisation, et société civile. De mon point de vue, une fois encore, la société civile est intéressée à peu près par tous les sujets.

Venons-en aux relations entre l'Union européenne et la gouvernance de l'Internet. C'est en 1995 que la Commission a été informée par voie diplomatique que le gouvernement des États-Unis souhaitait privatiser la gestion des noms de domaines. Plusieurs solutions ont été explorées ; la Commission, à cette époque, penchait en faveur d'un montage initié par l'ISOC, qui avait l'accord de l'UIT, et concernait également l'OMPI, voire l'OMC. Cette hypothèse a été rejetée par le Département du commerce, soutenu par le Congrès et par les acteurs de l'Internet, au motif qu'elle était trop favorable aux télécommunications.

L'équipe Clinton-Gore a imposé la création de l'ICANN, en octobre 1998. Cette création a été validée par l'Europe, alors sous présidence britannique, soutenue par le cabinet Bangemann et plusieurs États membres influents - britannique, hollandais et suédois. Les autres instances de l'Union européenne ont été informées par le biais de la communication 202 d'avril 2000, qui sert de référence aux communications ultérieures.

L'Europe a alors joué un rôle significatif dans la création du Comité consultatif des gouvernements (GAC), organisme placé auprès de l'ICANN, dans lequel la France a des représentants. On retrouve aussi des Français, sans mandat international, dans les différentes composantes du directoire de l'ICANN. L'Europe s'est aussi impliquée dans le cadre du Sommet mondial sur la société de l'information, et y a porté très haut un certain nombre de principes : l'ouverture et l'interopérabilité de l'Internet, la promotion d'une gouvernance multi-acteurs, la responsabilité des États dans la préservation de l'intérêt général, et le rôle central du secteur privé dans la gestion quotidienne de l'Internet. Ces orientations actuelles sont exposées dans la communication 2009-0277, et j'ai ouï dire que celle-ci devrait être actualisée dans une communication qui devrait être émise dans les prochaines semaines...

Lors de la conférence de l'UIT de Dubaï, en décembre 2012, les vingt-sept ont réitéré leur position en faveur d'un Internet libre et ouvert, et se sont joints aux États-Unis et à d'autres pour refuser de signer le nouveau texte du règlement des télécommunications internationales, ce qui, de mon point de vue, compromet au moins pour un temps leur image d'indépendance auprès d'un certain nombre de pays.

La récente étude du CESE souligne à juste titre que « par la singularité de son mode de fonctionnement, qui repose sur les principes de proportionnalité et de subsidiarité, et les valeurs humanistes qui le sous-tendent, l'Union européenne peut aider à penser et orienter de façon originale la gouvernance de l'Internet ». Toutefois, pour que son message politique soit plus audible, il est impératif que sa force de frappe, dans les filières déterminantes pour l'économie du XXIe siècle, se fortifie sur l'échiquier mondial.

Quels pourraient être les leviers en faveur de l'action ? En matière d'instances, une présence coordonnée est indispensable ; elle est souhaitée à l'échelon français et européen ; les uns imaginent une cellule numérique à l'Elysée, au même titre que la cellule diplomatique, d'autres un Conseil du numérique à la Commission... Il est important, quelle que soit la formule, de saisir le dispositif fonctionnel de l'Internet dans toutes ses composantes : normes techniques, réseaux, tarifs d'interconnexion, politique et économie des noms de domaines. Il convient également d'établir une « short list » des problèmes à résoudre, en fonction des lieux où ils sont débattus : management des ressources critiques, hypothèse d'un régime international de la gouvernance, etc.

Une coordination est également nécessaire pour améliorer les instruments garantissant les droits fondamentaux - données privées, sécurité nationale, multilinguisme - non seulement dans les enceintes dédiées à l'Internet, mais dans toutes les négociations internationales.

Pour ce faire, il faut donner un sens concret aux mots « ouverture » et « interopérabilité », régulièrement revendiqués, tout en imaginant des domaines d'application pour les formules européennes de proportionnalité et de subsidiarité qui pourraient peut-être être exportées dans d'autres enceintes.

Si une charte de l'Internet sortait de la Conférence de São Paulo, il conviendrait d'étudier et de comparer les différentes propositions en la matière, certaines émanant de grandes organisations de la société civile. Si une telle charte apparaissait, on ne pourrait pas faire l'économie d'un Comité international de surveillance pour en vérifier l'application, les engagements, et mener des arbitrages.

Enfin, je pense qu'une impulsion française peut être donnée grâce à une feuille de route interministérielle, en accord avec le Parlement, voire un groupe de travail, afin de valider les positions françaises au plan du droit international public et privé. Cet effort de coordination butte souvent sur un manque de connaissances ou d'appropriation des compétences dans ces domaines. Il faudrait, pour cela, l'appui d'éminents juristes.

Associer l'ensemble des institutions, les industriels et la recherche sur un plan national et européen, et tirer parti des propositions et des lieux de dialogue impliquant la société civile, permettrait d'avancer vers l'idée de l'Internet comme bien commun mondial.

Même si Internet est une ressource globale, je trouve que la formule prête à confusion. Lorsqu'on parle du bien commun de l'Internet, on ne sait trop si l'on parle de l'accès au réseau, qui est un droit, à l'information, à l'expression, ou au savoir. Il est difficile de plaquer sur Internet, du fait de sa nature polymorphe, des éléments venant de la gouvernance du climat, de la biodiversité, voire du droit de la mer, ou du droit de l'espace...

Le défi consiste à trouver les voies et les moyens de la gestion commune d'un bien semi-commun. Ceci passe par les questions de vocabulaire, par l'affirmation de principes substantiels et de principes d'action, mais aussi de procédures, comme celles que je viens d'évoquer. On peut affronter la « tragédie des 3 C » en recherchant la complexité et la cohérence dans le vocabulaire, ainsi que dans les procédures ; quant à la cohérence et à la complétude, on pourra les trouver dans les principes substantiels et les principes d'action.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion