Intervention de Frédéric Péchenard

Mission commune d'information RGPP — Réunion du 15 juin 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Frédéric Péchenard directeur généralde la police nationale

Frédéric Péchenard, directeur général de la Police nationale :

Étant fonctionnaire, j'applique les directives du Gouvernement et je suis soumis à un devoir de réserve.

En tant que directeur d'une administration importante, tant par ce qu'elle représente que par le nombre de fonctionnaires, je suis tenté d'affirmer que je ne dispose pas assez d'effectifs et de moyens, dans un contexte où les exigences d'efficacité qui me sont demandées se sont renforcées, d'où un « effet ciseaux ». Toutefois, jusqu'à présent, nous sommes parvenus à concilier ces deux impératifs. En analysant l'activité des services de police, nous constatons, depuis 2007, date de mon arrivée, une augmentation des personnes mises en cause et du taux d'élucidation. En d'autres termes, la Police travaille plus et mieux. Ce constat s'explique aussi bien par le travail individuel de chaque policier que par les moyens qui nous sont alloués en matière de police technique et scientifique, où les fichiers des empreintes digitales et des empreintes génétiques nous permettent d'identifier les personnes commettant des infractions ou des délits. Pour être efficace, nous avons besoin d'effectifs qui se déplacent. Un audit commun réalisé avec l'ancien directeur de la Gendarmerie nationale sur la police technique et scientifique nous a révélé que nous ne nous déplacions que sur 50 % des cambriolages. Nous sommes aujourd'hui à 80 % et demain, à 100 %. Encore faut-il avoir du personnel nombreux et formé.

C'est pourquoi je ne suis pas, a priori, complètement hostile à la RGPP et à la baisse des effectifs. La contrepartie de la réduction de personnels est de disposer d'une police bien payée, mieux formée et mieux recrutée - ce que nous avons réussi - avec des moyens importants, ce qui n'est pas le cas actuellement. Sur le premier point, rappelons qu'un gardien de la paix de base ressemble beaucoup à un inspecteur de police de catégorie B d'il y a trente ans. L'officier de police d'aujourd'hui est recruté à Bac + 3 pour occuper l'un des soixante-dix postes proposés au niveau national. Les métiers de la police attirent car ils sont convenablement payés et enthousiasmant. Nos personnels bénéficient d'une formation longue : un an pour les policiers et les gardiens de la paix, dix-huit mois pour les officiers et de deux ans pour les commissaires. Rappelons que les agents du FBI sont formés en seize semaines.

En revanche, depuis mon arrivée, notre budget n'a cessé de baisser, ce qui s'opère au détriment de notre immobilier, de l'informatique et de ce qu'on aurait pu faire en plus en police technique et scientifique. Ainsi, on peut perdre des effectifs - il y aura un seuil à partir duquel ce sera plus difficile - à condition de disposer des ressources nécessaires. La mutualisation avec la Gendarmerie conduira soit à engranger des économies, soit à ne pas bénéficier d'économies mais à apporter un meilleur service à la population, soit à assumer des dépenses importantes dans un premier temps avant de profiter d'économies à terme.

Dans le cadre de la RGPP I, nous avons réduit nos effectifs de 4 000 équivalents temps pleins travaillés (ETPT). 3 000 ETPT devront être supprimés dans le cadre de la RGPP II. On estime souvent qu'il est facile de réduire les personnels affectés aux fonctions support afin de préserver les personnels affectés à des missions opérationnelles. Cette vision angélique des choses est très éloignée de la réalité. Par exemple, avant l'application de la RGPP, chacun des trente services de la Police judiciaire disposait d'un technicien chargé de la maintenance informatique. Ce personnel en était un élément important en raison des tâches administratives contraintes auxquelles est soumise la police judiciaire. Pourtant, le directeur de l'époque, estimant le coût engendré par ces techniciens trop élevé, a décidé d'en supprimer vingt sur trente. Chacun des chefs de service a dès lors fait appel à un gardien de la paix opérationnel pour qu'il s'occupe, non officiellement, de la maintenance informatique. Si, visuellement, nous avons économisé vingt emplois, nous en avons en réalité perdu dix puisque trente policiers opérationnels ont été affectés à des tâches informatiques, ce qui répondait à un véritable besoin. Ainsi, la réduction des effectifs de la Police nationale ne s'opère pas seulement sur les fonctions support mais a incontestablement des conséquences sur les effectifs affectés aux missions opérationnelles.

En revanche, la réduction des moyens nous invite à dépenser mieux, ce qui est source d'une vraie vertu pédagogique : même si je prends le contre-pied de ce que je viens de dire, la diminution des personnels s'est opérée sur des missions qui n'étaient pas stratégiques. Toutefois, cet exercice a ses limites que nous avons aujourd'hui atteintes.

A l'exception de la préfecture de police et la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), la RGPP a concerné l'ensemble des services de la Police nationale. La DCRI a été épargnée en raison de sa création récente, datant de 2008, qui est une véritable réussite, puisque nous sommes parvenus à déjouer l'ensemble des tentatives d'attentats islamistes sur notre territoire, contrairement aux États-Unis, à la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Allemagne. En raison de la menace terroriste actuelle, il est indispensable que la DCRI dispose d'effectifs suffisants. En revanche, je serai contraint de diminuer les effectifs de la préfecture de police, dès 2011. A la sortie de l'école, les jeunes sont affectés massivement à celle-ci et c'est à partir de ce vivier qu'est irrigué le reste de la France. L'un des échecs de la Police nationale est que nous ne parvenons pas à fidéliser les policiers en région parisienne, en raison d'un coût de la vie plus élevé et des difficultés du métier dans ce territoire. En effet, 80 % des bandes et des cités sensibles se situent en région parisienne.

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