Je me dois de réagir aux propos de M. Narbonne. La peur n'évite pas le danger. Lorsqu'un danger existe, il faut quand même y faire face. Sur le site de Public Sénat, une photo a été publiée avec la banderole « Nous voulons la vérité » sur le site de Salsigne. La vérité me semble être le maître mot. Les habitants souhaitent savoir ce qui se passe, surtout s'il existe un impact sur la santé.
J'entends bien qu'au-delà des aspects sanitaires, il faut prendre en compte les intérêts locaux ou financiers. Les pétitions pour sauver la planète recueillent des millions de signatures. Les pouvoirs publics doivent être crédibles et démontrer que sur les problèmes de moindre ampleur, ils parviennent à agir.
Vous indiquiez que les modèles de l'Ineris sont des usines à gaz. En 2013-2014, le Haut Conseil de la santé publique s'est intéressé à un polluant prioritaire du troisième plan national santé-environnement (PNSE 3), le cadmium. À la suite d'études très précises, il a formulé des directives d'une grande simplicité. Le Haut Conseil a fixé un seuil de concentration du plomb dans le sol, corrélé à une bio-accessibilité, c'est-à-dire un niveau de toxicité. Pour une bio-accessibilité de 30 %, correspondant au pourcentage de plomb qui, ingéré, finit dans la circulation sanguine, l'intoxication étant liée au passage du plomb dans cette circulation, le niveau fixé est de 300 milligrammes par kilo pour le saturnisme infantile et pour les femmes enceintes.
Les alertes ont-elles été prises au sérieux ? En matière d'information et de transparence, il y a de quoi dire. J'ai soulevé un sujet auprès de l'ARS qui touche à la politique publique.
Les anciennes plaines d'épandages en Île-de-France sont extrêmement polluées. Elles ont fait l'objet de très nombreux rapports faisant état de quantités astronomiques de plomb, jusqu'à plus de 2 000 milligrammes par kilo, pour une bio-accessibilité de 30 %. Or la bio-accessibilité dans ces plaines est de 100 %. Le seuil à prendre en compte est donc de 91 milligrammes par kilo. Or la moyenne relevée sur ces sols atteint environ 176 milligrammes par kilo. Le seuil est ainsi dépassé. L'ARS le sait depuis 2014. A l'époque, les mesures s'établissaient à 130-150 milligrammes, mais elles restaient supérieures au seuil corrigé de 91.
Je me suis procuré le logiciel de simulation IEUBK, utilisé par l'équivalent de l'ARS aux États-Unis qui est l'US EPA - Environmental Protection Agency -. Ce logiciel est reconnu par les administrations françaises, notamment par le Haut Conseil de la santé publique. Il est utilisé pour simuler le nombre de cas d'enfants nés ou à naître qui seraient touchés par le saturnisme du fait des concentrations trouvées dans les sols. D'après une synthèse de la cellule d'intervention en région (CIRE) Île-de-France et Champagne Ardenne parue en 2014, plus de 5 % des enfants seront touchés par le saturnisme. Ainsi, l'ARS le sait-elle depuis cette date.
Certes, ce seuil ne correspond pas forcément à la réalité, mais il constitue un indicateur qui permet de prendre une décision. Lorsque ce seuil est dépassé, un dépistage systématique doit être réalisé, comme l'a indiqué le Haut Conseil de santé publique. La zone couvre quand même plus de 300 000 personnes. Il s'agirait donc de tester plusieurs dizaines de milliers d'enfants. Je suis même allé en justice pour obtenir un certain nombre de documents que je n'ai toujours pas obtenus malgré une décision favorable.
J'ai effectué un référé liberté afin d'obtenir du tribunal administratif une mesure d'urgence en faveur de ce dépistage systématique. Je me suis rendu dans ces zones avec des journalistes. Dans l'une des 19 communes touchées, nous avons interviewé une mère de famille dont deux enfants sur trois étaient suivis par un orthophoniste pour des problèmes de langage. Le plomb crée notamment des troubles du comportement et du langage, sans oublier les 400 000 morts par an aux États-Unis liées aux intoxications au plomb. Récemment, la presse indiquait que sur six dépistages réalisés dans la commune de Carrières-sous-Poissy, deux étaient positifs au saturnisme.
L'ARS refuse toujours de me communiquer des documents, malgré une décision de justice qui m'est favorable et va à l'encontre des préconisations du Haut Conseil de santé publique.
Un autre sujet me tient à coeur, le projet de forêt sur la plaine de Pierrelaye, qui fait partie des plaintes polluées par les épandages. Vous évoquiez hier des bureaux d'études qui seraient parfois juge et partie. Certaines études affirment qu'il est impossible d'habiter au milieu de la plaine. Or tout autour la ville n'a fait que s'étendre. J'ai même trouvé une étude sur la construction d'une école alors que la concentration de plomb dans le sol atteint 300 milligrammes par kilo. J'ai saisi les tribunaux, allant jusqu'au Conseil d'État et j'aurais plusieurs propositions concernant l'organisation judiciaire.