Intervention de Jean-François Narbonne

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 26 février 2020 à 16h45
Table ronde des représentants d'associations de défense des populations et de protection de l'environnement

Jean-François Narbonne :

Il me semble indispensable d'établir une cartographie. Si vous abordez le problème d'un point de vue sanitaire, vous serez confrontés à des difficultés d'épidémiologie et de puissance statistique. Le QI n'est pas seulement affecté par le plomb ; il faut aussi tenir compte des antithyroïdiens et des perturbateurs endocriniens. Si vous dépassez un seuil de plomb dans le sol, il faut s'occuper du sol et ne pas attendre que les enfants soient malades. Nous n'avons pas besoin de prises de sang pour savoir que le sol est pollué. Pour déterminer si les pesticides déclenchaient la maladie de Parkinson chez les agriculteurs, il a fallu une étude de deux millions de personnes en Australie.

La cartographie vous donne déjà des informations. En outre, elle est indispensable pour lancer une étude épidémiologique. Vous ne réalisez pas une étude épidémiologique sur un département, mais sur un site pollué et un site témoin. Il existe un problème budgétaire. Une étude sanitaire avec des biomarqueurs d'exposition exige un budget. En général, les ARS, estimant que le sujet les dépasse, renvoient le dossier à Santé publique France. Il faut qu'un institut national intervienne, car certaines ARS ne sont pas formées et répondent mal. Pour pallier cette hétérogénéité locale, il faudrait un staff national qui puisse se déplacer dans la zone en cas d'alerte, pour effectuer une cartographie et juger si un site est pollué, en fonction des seuils. Sur cette base, nous pourrions alors définir des zones sur lesquelles une étude épidémiologique pourrait être menée.

A l'INVS, nous avons défini des valeurs de référence sur de nombreux métaux qui permettent de déterminer si les personnes qui habitent dans certains endroits sont plus exposées que la moyenne des Français. Nous avons gagné un procès sur un incinérateur non pas en affirmant que les habitants avaient plus de cancers, mais en montrant que la retombée des fumées avait contaminé les oeufs et le lait et que les personnes qui avaient consommé ces produits avaient plus de dioxine dans le corps. Cette surexposition entraînait une mise en danger.

Il faut des outils et des équipes pluridisciplinaires formées, avec des vétérinaires, des hydrogéologues, des médecins. Les médecins ne doivent pas être en charge de tout, car ils ne savent pas grand-chose de la pollution des sols. Ces équipes doivent être en mesure de se déplacer dans les différentes zones d'alerte pour travailler en collaboration avec les ARS. Sur Saint-Félix-de-Pallières, des prélèvements urinaires ont été réalisés par Santé publique France sur plus de 600 personnes et ont été comparés par rapport au dosage des sols et dans l'eau.

En nous concentrant sur les critères sanitaires humains, nous oublions aussi les critères sanitaires environnementaux. Il faut tenir compte des animaux, des plantes. Il existe des seuils sanitaires sur les impacts environnementaux. Si vous devez étudier la pollution d'un site, vous devez examiner le site dans toutes ses dimensions.

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